Tribunal judiciaire de Nîmes, le 13 juin 2025, n°25/02956

Par une ordonnance du tribunal judiciaire de Nîmes du 13 juin 2025, relative à une première prolongation de rétention, le juge des libertés a été saisi. L’étranger, destinataire d’une obligation de quitter le territoire notifiée le 10 juin 2025, avait été placé en rétention le même jour à 18 h 50. Il ne présentait aucun document d’identité en cours de validité, ne justifiait pas d’une résidence stable, et déclarait refuser tout retour vers son pays d’origine.

La requête en prolongation a été examinée publiquement. L’intéressé, assisté d’un avocat et d’un interprète, a soulevé in limine litis une exception de nullité tirée de l’absence de signature d’un acte de délégation. L’autorité administrative n’a pas comparu. Le juge a rappelé que « la contestation de la validité d’un acte administratif relève de la compétence exclusive du tribunal administratif et échappe à la compétence du juge judiciaire ». Il a encore constaté que l’acte produit « a été signé électroniquement par le préfet comme l’autorisent les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ».

La question posée tenait, d’une part, à l’étendue du contrôle du juge judiciaire sur la validité d’un acte administratif accessoire à la saisine. Elle portait, d’autre part, sur l’appréciation des garanties de représentation justifiant une première prolongation de la rétention au regard du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’exception de nullité a été rejetée. Sur le fond, le juge a retenu l’insuffisance des garanties et a décidé que « ses garanties de représentation sont insuffisantes ; qu’il y a lieu d’autoriser la prolongation de la mesure de rétention ».

I. Compétence du juge judiciaire et contrôle incident

A. L’irrecevabilité de la contestation de l’acte administratif

Le juge se conforme à la répartition des compétences en énonçant que « la contestation de la validité d’un acte administratif relève de la compétence exclusive du tribunal administratif ». Cette affirmation écarte le grief dirigé contre l’acte de délégation sans empiéter sur le contentieux de l’excès de pouvoir, réservé au juge administratif. La solution maintient la cohérence institutionnelle et respecte l’office du juge judiciaire, cantonné à la liberté individuelle et aux irrégularités procédurales qui en affectent l’exercice.

Cette position s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante. Le juge des libertés contrôle la régularité de sa saisine, mais n’annule pas un acte administratif; il vérifie l’existence matérielle des pièces nécessaires, sans statuer sur leur légalité externe ou interne. La frontière demeure nette: le contrôle concret de la privation de liberté n’autorise pas l’éviction du juge naturel de l’acte attaqué, ce qui évite des appréciations concurrentes et des contrariétés de décisions.

B. La preuve de la délégation et la signature électronique

Le juge opère toutefois un contrôle incident minimal en constatant la production d’une délégation régulièrement signée. Il relève que l’instrument « a été signé électroniquement par le préfet comme l’autorisent les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ». Cette mention suffit à caractériser l’habilitation du signataire de la requête, sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant la validité formelle de l’acte.

La référence explicite à la signature électronique manifeste une prise en compte des modes contemporains d’authentification. Elle répond utilement au moyen soulevé, tout en demeurant dans les bornes de l’office du juge judiciaire. La méthode combine sécurité juridique et célérité, en évitant de transformer l’instance de prolongation en contentieux de légalité administrative.

II. Garanties de représentation et justification de la prolongation

A. Le cadre légal et les indices de risque

Le juge rappelle les articles L. 731-1, L. 741-1 et L. 612-3 du code, qui fondent la rétention et structurent l’appréciation du risque de soustraction. Le raisonnement décline les indices textuels: absence d’entrée régulière, défaut de titre, maintien irrégulier, soustraction antérieure, faux documents, absence de domicile, refus de coopérer, ou refus de retour. Cette grille, posée par la loi, organise un contrôle normé et limite l’arbitraire.

L’ordonnance reproduit ces critères avant de les confronter aux éléments du dossier. La méthode témoigne d’une motivation en deux temps: rappel du cadre légal, puis application à l’espèce. Elle répond aux exigences de motivation en matière de privation de liberté, qui imposent de relier concrètement les indices légaux aux circonstances particulières de la cause.

B. L’application concrète et la proportionnalité de l’atteinte

Les éléments retenus sont déterminants: aucun document d’identité en cours de validité, absence de résidence effective et stable, déclaration de ne pas envisager le départ. Le juge en déduit que « ses garanties de représentation sont insuffisantes ; qu’il y a lieu d’autoriser la prolongation de la mesure de rétention ». Cette conclusion s’accorde avec la finalité d’éloignement et la prévention d’un risque de soustraction imminent.

L’argumentation de défense, fondée sur une insertion alléguée, demeurait non étayée par des justificatifs. Le juge pouvait légitimement la juger insuffisante, au regard du faisceau d’indices défavorables. La durée ordonnée, fixée à vingt-six jours pour parachever un premier cycle, s’inscrit dans les plafonds légaux et satisfait à l’exigence de proportionnalité. L’articulation entre contrôle de légalité et appréciation concrète apparaît ainsi équilibrée, tout en privilégiant l’effectivité de la mesure d’éloignement.

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Hassan KOHEN
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