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La rétention administrative des étrangers en situation irrégulière constitue une mesure privative de liberté dont le régime juridique fait l’objet d’un encadrement strict par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’ordonnance rendue par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes le 13 juin 2025 illustre les conditions dans lesquelles peut être ordonnée une seconde prolongation de rétention administrative.
En l’espèce, un ressortissant algérien né le 15 septembre 1997 avait fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prononcée le 20 août 2024 et notifiée le même jour. Cette mesure d’éloignement n’ayant pu être exécutée, l’intéressé a été placé en rétention administrative le 15 mai 2025. À l’expiration du délai initial de quatre jours et de la première prolongation de vingt-six jours, le préfet des Bouches-du-Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de seconde prolongation de la mesure.
Devant le magistrat, le retenu a contesté le bien-fondé de son maintien en rétention. Il a notamment indiqué avoir séjourné en Italie auprès d’un membre de sa famille et exprimé son souhait de quitter la France de sa propre initiative. Son conseil a plaidé pour sa remise en liberté en soutenant que la mesure d’éloignement était impossible à exécuter et que l’attente d’un laissez-passer consulaire demeurait incertaine.
La question posée au juge était de déterminer si les conditions légales permettant d’ordonner une seconde prolongation de la rétention administrative étaient réunies, compte tenu de l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement et des diligences accomplies par l’administration.
Le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes a ordonné le maintien en rétention pour une durée maximale de trente jours. Il a retenu que l’intéressé n’avait remis aucun document d’identité en cours de validité, qu’il ne justifiait pas d’un hébergement effectif et stable, que les autorités consulaires algériennes avaient été saisies à deux reprises et que les autorités italiennes avaient refusé sa reprise en charge.
Cette ordonnance permet d’examiner les conditions de fond de la seconde prolongation de rétention (I) avant d’analyser les perspectives d’exécution de la mesure d’éloignement (II).
I. Les conditions légales de la seconde prolongation de rétention
L’ordonnance commentée rappelle le cadre normatif applicable à la seconde prolongation (A) et procède à une appréciation concrète des motifs justifiant le maintien en rétention (B).
A. Le cadre normatif de l’article L. 742-4 du CESEDA
Le magistrat vise expressément l’article L. 742-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce texte subordonne la seconde prolongation de rétention à l’écoulement d’un délai de vingt-six jours depuis l’expiration du délai initial de quatre jours prévu à l’article L. 741-1. L’ordonnance constate que cette condition temporelle est satisfaite en l’espèce.
Le législateur a entendu encadrer strictement la durée de rétention administrative en la fractionnant en plusieurs périodes successives. Chaque prolongation doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention qui vérifie le respect des conditions légales. Cette intervention judiciaire périodique garantit que la privation de liberté demeure proportionnée à l’objectif poursuivi.
La seconde prolongation obéit à des conditions plus restrictives que la première. L’article L. 742-4 énumère limitativement les hypothèses dans lesquelles elle peut être ordonnée. Le juge doit constater soit une urgence absolue ou une menace pour l’ordre public, soit que l’impossibilité d’exécuter la mesure résulte du comportement de l’étranger, soit encore que la mesure n’a pu être exécutée pour des raisons tenant aux autorités étrangères ou à l’absence de moyens de transport.
B. L’appréciation des motifs de prolongation
L’ordonnance retient quatre motifs distincts justifiant la prolongation. Le magistrat constate « une urgence absolue ou une menace pour l’ordre public » sans toutefois caractériser précisément en quoi consisterait cette menace. L’absence de motivation détaillée sur ce point pourrait fragiliser la décision en cas d’appel.
Le juge relève ensuite que « l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ». L’ordonnance précise que l’intéressé « n’a remis aucun document d’identité en cours de validité » et « ne justifie pas de l’hébergement effectif et stable sur le territoire français ».
Le défaut de présentation de documents d’identité est fréquemment invoqué par l’administration pour justifier la prolongation de rétention. La jurisprudence exige cependant que ce défaut soit imputable à l’étranger lui-même. En l’espèce, le retenu a déclaré ne pas disposer de passeport algérien, ce qui ne caractérise pas nécessairement une dissimulation volontaire.
II. Les perspectives d’exécution de la mesure d’éloignement
L’ordonnance examine les démarches entreprises par l’administration (A) et soulève la question de l’effectivité de la mesure d’éloignement (B).
A. Les diligences administratives accomplies
Le magistrat constate que « les autorités CCN ont été saisies le 16 mai 2025 et le 12 juin dernier ». Cette double saisine des autorités consulaires algériennes témoigne des diligences accomplies par la préfecture pour obtenir la délivrance d’un laissez-passer consulaire. L’ordonnance retient qu’il est « justifié de l’accomplissement des diligences nécessaires à l’exécution de la mesure d’éloignement ».
La condition tenant aux diligences de l’administration constitue un élément essentiel du contrôle juridictionnel. Le juge doit vérifier que le maintien en rétention n’est pas le résultat d’une inertie administrative mais s’inscrit dans une perspective réaliste d’éloignement. À défaut de diligences suffisantes, la prolongation ne saurait être ordonnée.
L’ordonnance mentionne également que « les autorités italiennes, saisis après un passage positif à la borne EURODAC, ont refusé la reprise en charge de l’intéressé le 9 juin 2025 ». Ce refus italien, fondé sur le règlement Dublin, ferme la voie d’un éloignement vers l’Italie où le retenu déclarait pourtant vouloir se rendre.
B. La question de l’effectivité de l’éloignement
La défense soutenait que la mesure d’éloignement était « impossible à exécuter » et qu’il n’était pas certain que le laissez-passer consulaire soit délivré dans le délai de trente jours. Cette argumentation pose la question de la finalité de la rétention administrative.
Le Conseil constitutionnel a jugé que la rétention n’est conforme à la Constitution que si elle est organisée en vue de l’éloignement effectif de l’étranger. La prolongation de rétention ne saurait être ordonnée si aucune perspective raisonnable d’éloignement n’existe. La Cour de cassation contrôle que les juges du fond ont vérifié l’existence de telles perspectives.
En l’espèce, l’ordonnance retient que la mesure n’a pu être exécutée « en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ». Cette motivation suggère que l’obtention d’un laissez-passer demeure plausible. Le délai supplémentaire de trente jours accordé par le juge doit permettre l’aboutissement des démarches consulaires.
La portée de cette décision demeure celle d’une ordonnance d’espèce. Elle illustre la tension entre le droit de l’administration de maintenir en rétention un étranger en situation irrégulière et la nécessité de garantir que cette privation de liberté conserve une finalité effective. Le refus italien de reprise en charge et l’absence de documents d’identité plaçaient le juge face à une situation où l’éloignement vers l’Algérie constituait la seule option envisageable. La prolongation accordée repose sur le pari que les autorités consulaires algériennes délivreront le laissez-passer sollicité dans le délai imparti.