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L’ordonnance sur requête constitue une procédure dérogatoire au principe du contradictoire, permettant au juge de statuer au vu des seules allégations du requérant. Cette procédure, encadrée par les articles 493 à 498 du code de procédure civile, soulève des questions essentielles quant à l’équilibre entre efficacité de la justice et respect des droits de la défense.
Par ordonnance du 20 juin 2025, le juge des référés du tribunal judiciaire d’Orléans s’est prononcé sur une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant désigné un administrateur provisoire d’une société civile immobilière.
Les faits à l’origine du litige remontent à la constitution, par acte authentique du 7 février 1998, d’une société civile immobilière entre époux et leurs deux filles. La répartition des parts prévoyait une part en pleine propriété et quarante-neuf parts en usufruit pour chacun des parents, et quarante-neuf parts en nue-propriété pour chacune des filles. Par jugement du 29 mai 2024, le juge des tutelles d’Orléans a ouvert une mesure de tutelle au bénéfice de l’épouse, désignant une tutrice aux biens et l’une des filles comme tutrice à la personne.
Sur requête de cette dernière et de la majeure protégée représentée par sa tutrice aux biens, le président du tribunal judiciaire a, par ordonnance du 26 juillet 2024, désigné un administrateur provisoire de la société. La mission confiée comportait l’administration et la représentation de la société ainsi que la reconstitution de ses actifs. L’époux, gérant de la société, a fait assigner les requérantes et la société en rétractation de cette ordonnance par actes des 18, 20 et 30 décembre 2024.
Le demandeur à la rétractation soulevait la nullité de la requête initiale et contestait les conditions justifiant le recours à la procédure non contradictoire. La défenderesse opposait l’irrecevabilité de l’assignation faute de mise en cause de l’ensemble des associés.
La question posée au juge des référés était de déterminer si les conditions de validité de l’ordonnance sur requête désignant un administrateur provisoire de société civile immobilière étaient réunies, tant au regard de la régularité formelle de la requête que de la justification du recours à la procédure non contradictoire.
Le juge des référés rejette l’ensemble des demandes du requérant. Il retient que l’assignation en rétractation était recevable sans mise en cause de tous les associés, que la requête satisfaisait aux exigences de l’article 494 du code de procédure civile, et que le recours à la procédure non contradictoire était justifié par l’existence d’une mésentente majeure entre associés et d’une gestion de nature à nuire aux intérêts sociaux.
Cette décision appelle un examen des conditions de recevabilité du recours en rétractation (I), puis de l’appréciation du bien-fondé de l’ordonnance sur requête contestée (II).
I. Les conditions de recevabilité du recours en rétractation
Le juge des référés examine successivement la qualité des parties à l’instance en rétractation (A) et la régularité formelle de la requête initiale (B).
A. La détermination des parties à l’instance en rétractation
L’article 496 du code de procédure civile ouvre le recours en référé-rétractation à « tout intéressé ». Cette formulation large implique corrélativement la question de l’identification des personnes devant être appelées à l’instance.
En l’espèce, la défenderesse soulevait l’irrecevabilité de l’assignation au motif que l’une des associées n’avait pas été mise en cause. Le juge rejette cette fin de non-recevoir en considérant que le demandeur « avait pour obligation de citer la société dont il assurait la gestion, ainsi que les requérants à l’ordonnance contestée, et non pas l’ensemble des sociétaires ».
Cette solution paraît conforme à l’économie du référé-rétractation. Le recours prévu par l’article 496 vise à permettre un débat contradictoire avec les personnes directement concernées par l’ordonnance contestée. Les requérants à l’ordonnance initiale ont nécessairement qualité pour défendre à la rétractation. La société, en tant que personne morale affectée par la désignation d’un administrateur, devait également être appelée.
L’exigence de mise en cause de tous les associés aurait alourdi la procédure sans utilité évidente. Les associés non requérants conservent la faculté d’intervenir s’ils estiment leurs intérêts concernés. La solution retenue préserve l’efficacité du recours tout en garantissant le respect du contradictoire à l’égard des parties principales.
B. Le contrôle de la régularité formelle de la requête
L’article 494 du code de procédure civile impose que la requête soit motivée et comporte l’indication précise des pièces invoquées. Le demandeur contestait la satisfaction de ces exigences formelles.
Le juge constate que la requête « est motivée tant en droit qu’en fait, les conditions juridiques dans lesquelles un administrateur provisoire peut être désigné étant rappelées » et qu’elle « comporte l’indication précise des pièces invoquées ». La demande de nullité est donc rejetée.
Le contrôle opéré par le juge de la rétractation porte sur la régularité intrinsèque de la requête telle qu’elle a été présentée. Les exigences de l’article 494 visent à permettre au juge saisi sur requête d’apprécier le bien-fondé de la demande et, le cas échéant, au juge de la rétractation d’exercer son contrôle dans le cadre du débat contradictoire. La motivation en droit et en fait, combinée à l’identification des pièces, satisfait à ces finalités.
Cette analyse des conditions de recevabilité étant achevée, le juge examine ensuite le bien-fondé de l’ordonnance contestée.
II. L’appréciation du bien-fondé de l’ordonnance sur requête
Le juge de la rétractation vérifie tant la justification du recours à la procédure non contradictoire (A) que les circonstances légitimant la mesure prononcée (B).
A. La justification du recours à la procédure non contradictoire
L’article 493 du code de procédure civile définit l’ordonnance sur requête comme « une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse ». Le demandeur contestait l’existence d’un tel fondement.
Le juge relève que « le recours à la procédure non contradictoire de l’ordonnance sur requête était justifié compte tenu de la vivacité du conflit qui imposait le rétablissement d’un fonctionnement normalisé de la société dans les meilleurs délais, et afin de prévenir toute possibilité de détournement ou de dissimulation ».
Cette motivation s’inscrit dans la jurisprudence admettant le recours à l’ordonnance sur requête lorsque l’effet de surprise est nécessaire à l’efficacité de la mesure sollicitée. En matière de désignation d’administrateur provisoire, la crainte de voir le gérant organiser la disparition d’éléments d’actif ou modifier la situation comptable justifie l’absence de convocation préalable.
Le juge précise également que « l’urgence n’est pas une condition présidant au prononcé d’une ordonnance sur requête ». Cette précision rappelle utilement que la procédure sur requête n’est pas une variante accélérée du référé mais répond à une logique propre fondée sur la nécessité de l’effet de surprise.
B. Les circonstances légitimant la désignation d’un administrateur provisoire
Le juge de la rétractation apprécie « l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui ».
La décision retient l’existence d’une « mésentente majeure entre associés, outre une gestion de nature à nuire aux intérêts des associés ». Ces éléments ressortent des pièces versées aux débats : ventes immobilières réalisées sans information des autres associés, refus de la banque de communiquer les informations comptables aux associés non gérants, contestation de la régularité des assemblées générales avec allégation de falsification de signatures.
Le courrier de l’administrateur désigné confirmant « l’existence, tant du désaccord que de la disparition de fonds » conforte l’appréciation initiale. L’existence d’un débit de cent mille euros du compte de la société vers le compte personnel du gérant, non justifié, illustre les risques que la mesure visait à prévenir.
La désignation d’un administrateur provisoire de société constitue une mesure grave portant atteinte aux pouvoirs des organes sociaux régulièrement constitués. Elle suppose la démonstration d’un péril imminent ou d’une paralysie du fonctionnement social. En l’espèce, la combinaison de la mésentente entre associés, des irrégularités de gestion alléguées et de l’impossibilité pour certains associés d’accéder aux informations sociales caractérise suffisamment ces conditions.