Tribunal judiciaire de Paris, le 10 septembre 2025, n°23/00824

Tribunal judiciaire de [Localité 6], 10 septembre 2025.

La juridiction sociale était saisie d’une opposition formée contre une contrainte émise pour régularisations et cotisations dues au titre de 2015 et du premier trimestre 2016. Après une mise en demeure notifiée en avril 2016, la contrainte a été signifiée en novembre 2016 selon les modalités du code de procédure civile. L’opposition a été adressée au greffe par lettre recommandée en mars 2023, bien au-delà du délai légal prévu par le code de la sécurité sociale.

Le cotisant soutenait l’irrégularité de la signification, l’absence de mise en demeure utile, et l’infondé des sommes au regard d’une cessation d’activité. L’organisme de recouvrement concluait à la forclusion et sollicitait la validation de la contrainte. La question portait sur le point de départ et la computation du délai d’opposition, au regard de la régularité de la signification à domicile organisée par les articles 655 à 657 du code de procédure civile, combinés à l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale.

Le tribunal retient la régularité des diligences de l’huissier, la complétude des mentions requises et la computation exacte du délai de quinze jours. Il énonce que « Dans ces conditions, il apparait que tant la mise en demeure que la contrainte litigieuse sont régulière, de sorte que le délai pour former opposition a débuté le 5 novembre 2016 à zéro heure et a expiré le lundi 21 novembre 2016 à vingt-quatre heures ». L’opposition étant formulée plusieurs années plus tard, elle est déclarée irrecevable. La juridiction précise encore que « Dès lors la contrainte, devenue définitive, reprend tous ses effets et comporte les effets d’un jugement en application de l’article L. 244-9 du code de la sécurité sociale ». Enfin, statuant sur les suites, elle rappelle que « La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire ».

I – Le traitement juridictionnel de la recevabilité de l’opposition

A – La régularité de la signification à domicile et des mentions obligatoires

Le raisonnement repose d’abord sur les exigences des articles 655 à 657 du code de procédure civile, qui commandent des diligences concrètes et leur relation dans l’acte. La décision retient que l’huissier a vérifié l’adresse, constaté les indices matériels du domicile, et laissé l’avis et la lettre prévus par les textes. Elle souligne la présence des éléments substantiels exigés par l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, à savoir la référence et le montant de la contrainte, le délai, l’adresse du tribunal et les formes de saisine.

Cette appréciation écarte les griefs centrés sur une prétendue insuffisance des mentions relatives à l’identité du requérant, qui n’altèrent pas, en elles-mêmes, l’information du destinataire sur ses droits et délais. La décision refuse de retenir une nullité de forme, faute de démonstration d’un grief, et consacre une approche finaliste des mentions. La portée de cette analyse s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle exigeant la traçabilité des diligences de signification, sans ériger des formalités accessoires en causes automatiques de nullité.

B – Le point de départ et l’expiration du délai d’opposition de quinze jours

La juridiction applique ensuite les règles de computation des délais des articles 641 et 642 du code de procédure civile, en articulation avec l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale. Elle fixe le point de départ au lendemain de la signification, et retient la prorogation au premier jour ouvrable lorsque l’échéance tombe un jour non ouvrable. La solution s’appuie sur la date de l’acte et sur les mentions portées, précisément rappelées.

Le passage décisif est sans ambiguïté: « Dans ces conditions, il apparait que tant la mise en demeure que la contrainte litigieuse sont régulière, de sorte que le délai pour former opposition a débuté le 5 novembre 2016 à zéro heure et a expiré le lundi 21 novembre 2016 à vingt-quatre heures ». Le délai était donc clos lors de l’envoi de l’opposition en mars 2023, ce qui justifie la fin de non‑recevoir tirée de la forclusion. La juridiction se borne à constater l’extinction du droit d’agir, sans aborder le fond.

II – Portée et appréciation de la solution rendue

A – L’autorité de la contrainte devenue définitive et le cantonnement du débat

La conséquence procédurale est classique en matière de recouvrement social. Le juge déclare l’opposition irrecevable et rappelle l’effet attaché à la contrainte non contestée dans les délais. La formule est claire: « Dès lors la contrainte, devenue définitive, reprend tous ses effets et comporte les effets d’un jugement en application de l’article L. 244-9 du code de la sécurité sociale ». Le caractère juridictionnel de l’effet produit consacre l’autorité du titre et interdit toute remise en cause des créances visées par ce vecteur.

Ce cantonnement du débat entraîne l’irrecevabilité de toute contestation au fond et de toute demande indemnitaire qui s’y rattache. La logique est cohérente avec la nature même de l’opposition, voie spécifique et enfermée dans un délai bref, conçue pour trancher rapidement la contestation de la régularité et du bien‑fondé. La décision prolonge ainsi une conception stricte de la forclusion, au service de la sécurité juridique des titres exécutoires sociaux.

B – Les enseignements pratiques sur les diligences de signification et la vigilance du cotisant

La décision rappelle l’exigence de mentions et diligences substantielles, sans verser dans un formalisme excessif. La vérification de l’adresse, la présence d’indices matériels, l’avis de passage et la mise à disposition de la copie constituent un faisceau probatoire suffisant. La critique tirée d’une formulation incomplète ou d’un intitulé imprécis ne prospère pas, en l’absence de démonstration d’un grief sur l’exercice du recours dans le délai imparti.

L’enseignement pratique est net pour les cotisants: la réaction doit être immédiate, le délai d’opposition étant bref et strictement encadré. Les moyens relatifs au fond des cotisations ou à des circonstances postérieures à la période appelée ne peuvent être entendus si la forclusion est acquise. À l’inverse, pour les organismes, la décision confirme l’importance d’actes de signification précis et circonstanciés, afin de prévenir toute discussion sérieuse sur le point de départ du délai. La juridiction conclut utilement en rappelant que « La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire », ce qui parachève l’efficacité du recouvrement une fois la fin de non‑recevoir constatée.

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Hassan KOHEN
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