Tribunal judiciaire de Paris, le 13 juin 2025, n°23/06679

Le désistement d’instance constitue une manifestation de la volonté du plaideur de mettre fin au procès engagé. Cette faculté, encadrée par les articles 394 et 395 du code de procédure civile, révèle les équilibres fondamentaux entre liberté processuelle et sécurité juridique. La décision rendue par le Tribunal judiciaire de Paris le 13 juin 2025 offre une illustration de ce mécanisme procédural.

Deux demandeurs avaient saisi la juridiction par acte introductif du 4 septembre 2023 aux fins d’obtenir condamnation d’une compagnie aérienne. La défenderesse n’a pas comparu et n’a présenté aucune défense au fond ni fin de non-recevoir. À l’audience du 13 juin 2025, les demandeurs ont déclaré oralement se désister de leur demande.

Le Tribunal judiciaire de Paris devait déterminer si le désistement d’instance pouvait être constaté en l’absence de tout acte de défense de la partie adverse, et quelles conséquences en tirer quant aux frais de l’instance éteinte.

La juridiction a constaté le désistement, relevé l’absence de défense au fond ou de fin de non-recevoir de la défenderesse, et mis les frais de l’instance à la charge des demandeurs sauf convention contraire. L’examen de cette décision conduit à analyser les conditions du désistement unilatéral d’instance (I) puis le régime des frais de l’instance éteinte (II).

I. Les conditions du désistement unilatéral d’instance

A. L’absence de défense au fond comme critère déterminant

L’article 395 du code de procédure civile dispose que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur, sauf lorsque celui-ci n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste. Le tribunal relève expressément que « la défenderesse n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir ». Cette constatation factuelle emporte une conséquence juridique majeure : le désistement devient unilatéral et parfait sans nécessité d’acceptation.

La ratio legis de cette règle réside dans la protection du défendeur qui s’est investi dans le procès. Tant qu’aucun acte de défense n’est accompli, le défendeur demeure étranger au débat judiciaire. L’exiger d’accepter le désistement reviendrait à lui conférer un droit de blocage dépourvu de justification. La solution retenue par le tribunal s’inscrit dans la lettre et l’esprit du texte.

B. La forme orale du désistement à l’audience

Le tribunal précise que les demandeurs ont déclaré « oralement à l’audience de ce jour » se désister de leur demande. L’article 394 du code de procédure civile n’impose aucune forme particulière au désistement. La déclaration peut être écrite ou verbale, formulée par conclusions ou par déclaration à l’audience. Le choix de la forme orale ne compromet nullement la validité du désistement.

Cette souplesse formelle traduit le pragmatisme du législateur. Elle permet au plaideur de mettre fin au procès au dernier moment, lorsque les circonstances le justifient. La comparution personnelle ou par représentant à l’audience suffit à manifester une volonté non équivoque d’abandon de l’instance. Le juge se borne alors à constater cette volonté sans exercer de contrôle sur les motifs qui l’inspirent.

II. Le régime des frais de l’instance éteinte

A. Le principe de la charge des frais par le demandeur désistant

Le tribunal « dit que les frais de l’instance éteinte seront supportés par les demandeurs ». Cette solution correspond à l’application de l’article 399 du code de procédure civile, selon lequel le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission du demandeur à payer les frais de l’instance éteinte. Le principe repose sur l’idée que celui qui renonce au bénéfice d’une procédure qu’il a lui-même initiée doit en assumer les conséquences financières.

La règle se justifie par l’équité processuelle. Le défendeur, même non comparant, a pu exposer des frais ou subir un préjudice du fait de l’assignation. Le demandeur qui abandonne sa prétention reconnaît implicitement l’inutilité de l’instance engagée. Il serait inéquitable de faire peser sur le défendeur les frais d’un procès dont l’issue dépend du seul bon vouloir de son adversaire.

B. La réserve de la convention contraire

Le tribunal ajoute « sauf convention contraire des parties ». Cette réserve préserve la liberté contractuelle des plaideurs. Ils peuvent convenir d’une répartition différente des frais, notamment dans le cadre d’une transaction mettant fin au litige. Le désistement accompagne souvent un accord amiable dont les termes demeurent confidentiels.

La portée pratique de cette réserve ne doit pas être négligée. En matière de litiges de consommation, le désistement peut résulter d’une satisfaction donnée par le professionnel. La compagnie aérienne a pu indemniser les passagers, rendant le procès sans objet. La réserve conventionnelle permet alors de répartir les frais selon l’économie réelle de l’accord intervenu entre les parties.

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Hassan KOHEN
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