Tribunal judiciaire de Paris, le 13 juin 2025, n°25/00097

Le Tribunal judiciaire de Paris, par ordonnance du 13 juin 2025, statue sur la contestation d’une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. La décision précise le cadre légal, apprécie la situation du débiteur et renvoie le dossier à la commission pour l’élaboration de nouvelles mesures.

Le débiteur vit en couple avec quatre enfants à charge, perçoit des ressources modestes, supporte un loyer et des frais scolaires, et ne détient aucun actif réalisable. La commission a déclaré le dossier recevable le 24 octobre 2024 puis a imposé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, notifié le 4 janvier 2025. Un créancier a formé recours le 27 janvier 2025, l’audience s’est tenue le 7 avril 2025, et des pièces complémentaires ont été communiquées en délibéré.

Sur la recevabilité, le juge rappelle que « Il résulte de l’article R. 741-1 du code de la consommation que la mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire peut être contestée dans le délai de trente jours à compter de sa notification ». Le caractère tardif est exclu, la juridiction indiquant que « les mesures ont été notifiées le 4 janvier 2025 de sorte que le recours en date du 27 janvier 2025 a été formé dans le délai légal de 30 jours ».

La question portait sur la qualification d’une situation irrémédiablement compromise au sens des articles L. 724-1 et L. 741-6 du code de la consommation. La juridiction rejette la mesure imposée et renvoie le dossier, affirmant que « Par conséquent, il convient de rejeter la mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposée par la commission de surendettement des particuliers et de lui renvoyer le dossier afin qu’elle élabore de nouvelles mesures ».

I. Le cadre et le raisonnement du juge

A. Les pouvoirs du juge en contestation

Le texte de référence est rappelé sans ambiguïté par la juridiction saisie, qui encadre strictement ses marges de décision. « Il résulte de l’article L. 741-6 du code de la consommation que le juge saisi d’une contestation d’une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire peut prononcer une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, ouvrir, avec l’accord du débiteur, une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ou renvoyer le dossier à la commission lorsque la situation du débiteur n’est pas irrémédiablement compromise ». Le rappel structure les options disponibles et subordonne le renvoi à une appréciation négative du caractère irrémédiablement compromis.

La recevabilité du recours est vérifiée en préalable et fonde la compétence du juge pour connaître du fond. La juridiction consacre ainsi la combinaison du délai prévu par l’article R. 741-1 avec les pouvoirs de pleine juridiction tirés de l’article L. 741-6, sans empiéter sur le rôle de la commission.

B. Les critères d’une situation irrémédiablement compromise

La décision expose la définition légale mobilisée pour apprécier la demande de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. « Selon les dispositions de l’article L. 724-1 du code de la consommation, un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire peut être imposé ou prononcé lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par l’impossibilité manifeste de mettre en œuvre des mesures de traitement et qu’il n’a pas de patrimoine de valeur ou d’actif réalisable ».

L’évaluation budgétaire suit le barème réglementaire, ce que la juridiction explicite, avant de chiffrer les dépenses courantes et l’absence de capacité. « En application de l’article R. 731-3 du code de la consommation, il convient d’évaluer les autres charges (charges courantes, charges d’habitation et de chauffage) conformément au barème élaboré par la commission de surendettement des particuliers qui tient compte de la composition du ménage et permet un traitement égal des débiteurs, soit en l’espèce 2104 euros ». « Dès lors, la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes est de 2731,76 euros ». Cette méthode objectivise la comparaison ressources‑charges et fonde le constat qu’« aucun plan de rééchelonnement ne peut être mis en place ».

II. Appréciation et portée de la solution

A. Une application prudente de l’ultime recours

Malgré l’absence de capacité, la juridiction refuse le rétablissement personnel immédiat en raison de perspectives jugées crédibles d’amélioration professionnelle à court ou moyen terme. La motivation insiste sur l’antériorité procédurale et la progressivité des remèdes, retenant que le débiteur « n’a jamais bénéficié d’une suspension de l’exigibilité de ses dettes ». Elle ajoute : « Compte tenu de son âge et de sa qualification, un retour à l’emploi, et, en conséquence, une amélioration significative de sa situation financière, sont envisageables à court ou moyen terme ».

Le refus repose ainsi sur une lecture téléologique de la procédure, qui réserve le rétablissement personnel à l’échec avéré des mesures moins radicales. La conclusion s’adosse à la clause légale, la juridiction retenant que la situation « n’est pas irrémédiablement compromise au sens des dispositions du code de la consommation ».

B. Effets pratiques et lignes de vigilance

La solution préserve la hiérarchie des instruments du traitement du surendettement et redonne compétence à la commission pour proposer des mesures adaptées et réversibles. Elle sécurise l’égalité de traitement par l’usage du barème réglementaire et évite une extinction immédiate des dettes, socialement coûteuse pour l’ensemble des créanciers.

Elle comporte toutefois un risque de temporisation, car une amélioration hypothétique peut prolonger l’instabilité financière si la commission n’arrête pas rapidement un plan soutenable. L’économie générale de la décision demeure cohérente avec le rôle subsidiaire du rétablissement personnel, qui intervient lorsque toute perspective d’assainissement est durablement exclue, ce que le juge écarte ici pour des raisons prospectives clairement énoncées.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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