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Le retard aérien constitue une source de contentieux de masse dans le transport de passagers. Le règlement européen no 261/2004 a instauré un régime d’indemnisation forfaitaire dont l’application soulève des difficultés récurrentes, notamment lorsque le transporteur demeure taisant face aux réclamations.
Le Tribunal judiciaire de Paris a rendu, le 16 juin 2025, une décision illustrant ce contentieux. Un passager avait réservé un vol entre Paris-Orly et une destination algérienne pour le 20 août 2024. Le vol a subi un retard ayant entraîné une arrivée à destination avec plus de trois heures de décalage. Le passager a adressé une mise en demeure à la compagnie aérienne le 27 septembre 2024, demeurée sans effet. Il a alors saisi le tribunal par requête enregistrée le 8 janvier 2025, sollicitant une indemnité forfaitaire de 250 euros fondée sur les articles 5 et 7 du règlement no 261/2004, une somme de 500 euros pour défaut de remise de notice d’information, et 500 euros au titre des frais irrépétibles.
La compagnie aérienne, bien que régulièrement convoquée à l’audience du 21 mars 2025, n’a pas comparu. Le tribunal a statué par jugement réputé contradictoire.
La question posée au juge était double : le passager pouvait-il prétendre à l’indemnisation forfaitaire prévue par le règlement européen en cas de retard de vol supérieur à trois heures, et pouvait-il obtenir des dommages-intérêts distincts pour défaut d’information ?
Le tribunal a condamné la compagnie à verser 250 euros d’indemnité forfaitaire, relevant que « la Cour de Justice Européenne a étendue l’indemnité due en cas d’annulation de vol aux cas de retard de vol supérieur à 3 heures ». Il a rejeté la demande de dommages-intérêts au motif que le demandeur « ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui réparé par l’allocation de la somme ci-dessus visée ». Le tribunal a accordé 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision permet d’examiner l’application du régime d’indemnisation forfaitaire au retard aérien (I), puis les limites de la réparation complémentaire en l’absence de préjudice distinct (II).
I. L’indemnisation forfaitaire du retard aérien consacrée par le droit européen
L’extension prétorienne de l’indemnisation aux retards importants (A) trouve ici une application conforme aux critères fixés par la jurisprudence européenne (B).
A. L’assimilation jurisprudentielle du retard à l’annulation
Le règlement no 261/2004 prévoit, dans sa lettre, une indemnisation forfaitaire en cas d’annulation de vol. Les articles 5 et 7 de ce texte établissent un barème fonction de la distance : 250 euros pour les vols de moins de 1 500 kilomètres. Le texte ne mentionne pas expressément le retard comme fait générateur de l’indemnisation.
La Cour de justice de l’Union européenne a comblé ce silence par l’arrêt Sturgeon du 19 novembre 2009. Elle a jugé que les passagers de vols retardés peuvent être assimilés aux passagers de vols annulés lorsque le retard atteint trois heures ou plus. Le tribunal de Paris reprend cette solution en énonçant que « la Cour de Justice Européenne a étendue l’indemnité due en cas d’annulation de vol aux cas de retard de vol supérieur à 3 heures ».
Cette extension repose sur le principe d’égalité de traitement. Un passager subissant un retard de trois heures éprouve un désagrément comparable à celui d’une annulation suivie d’un réacheminement. La finalité protectrice du règlement commandait cette interprétation extensive.
B. La caractérisation des conditions d’indemnisation en l’espèce
Le tribunal a vérifié la réunion des conditions posées par le droit européen. Le retard excédait trois heures à l’arrivée, seuil déclenchant le droit à indemnisation. La distance du vol, inférieure à 1 500 kilomètres, déterminait le quantum de 250 euros.
Le transporteur n’a invoqué aucune circonstance extraordinaire de nature à l’exonérer. Le tribunal relève cette absence d’argumentation : le passager « invoque le retard de son vol de plus de 3 heures sans que la société AIR ALGERIE établisse l’existence d’une circonstance extraordinaire ». L’article 5, paragraphe 3, du règlement permet au transporteur de s’exonérer en démontrant que l’annulation ou le retard résulte de circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées. La défaillance du transporteur à l’audience le privait de toute possibilité d’invoquer cette cause d’exonération.
Le régime probatoire favorise ici le passager. Ce dernier doit établir le retard et sa durée. Le transporteur supporte la charge de prouver la circonstance extraordinaire. Son absence à l’audience rendait cette preuve impossible.
II. Le rejet de l’indemnisation complémentaire faute de préjudice distinct
L’exigence d’un préjudice autonome conditionne l’allocation de dommages-intérêts supplémentaires (A), tandis que les frais de procédure engagés justifient l’application de l’article 700 (B).
A. L’absence de démonstration d’un préjudice spécifique
Le passager sollicitait 500 euros de dommages-intérêts pour défaut de remise d’une notice d’information. Le tribunal a rejeté cette demande en relevant que « le demandeur ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui réparé par l’allocation de la somme ci-dessus visée ».
L’indemnité forfaitaire du règlement no 261/2004 répare le désagrément lié au retard de manière standardisée. Elle ne fait pas obstacle à une indemnisation complémentaire sur le fondement du droit national. L’article 12 du règlement réserve expressément cette possibilité. Le passager peut obtenir réparation d’un préjudice excédant le forfait réglementaire.
Cette faculté suppose la démonstration d’un préjudice distinct et certain. Le simple défaut de remise d’une notice ne constitue pas en soi un préjudice indemnisable. Le demandeur devait établir les conséquences dommageables concrètes de cette carence informative. À défaut d’une telle démonstration, le tribunal ne pouvait que rejeter la prétention.
B. L’indemnisation des frais de procédure exposés
Le tribunal a accordé 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Cette somme répare les frais non compris dans les dépens que le passager a dû engager pour faire valoir ses droits.
Le juge a motivé cette allocation par « l’attitude de la société AIR ALGERIE et son retard persistant à régler une somme incontestablement due ». Le transporteur avait été mis en demeure le 27 septembre 2024 sans y déférer. Le passager a dû recourir à un avocat et engager une procédure judiciaire pour obtenir une indemnité dont le principe n’était pas contestable.
L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à verser à l’autre une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le montant de 500 euros, équivalent au double de l’indemnité principale, témoigne de la prise en compte du comportement dilatoire du transporteur. Cette allocation vient compenser le coût de l’accès au juge rendu nécessaire par l’inertie de la compagnie aérienne face à une créance certaine.