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Je dois d’abord lire intégralement cette décision pour bien la comprendre avant de rédiger le commentaire d’arrêt.
L’ordonnance de référé rendue par le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Paris le 16 juin 2025 illustre le contentieux récurrent de l’expulsion des résidents de foyers-logements ayant dépassé la durée maximale de séjour prévue contractuellement. En l’espèce, une association gestionnaire de foyers pour jeunes travailleurs avait conclu le 23 mars 2021 un contrat de résidence portant sur un studio, pour une redevance mensuelle de 587 euros. Le contrat stipulait une durée maximale de séjour de 24 mois et contenait une clause résolutoire en cas de dépassement de ce délai. Après plusieurs notifications restées sans effet aux 5 mai 2023 et 15 février 2024, l’association a fait signifier par acte de commissaire de justice du 3 décembre 2024 un congé visant la résiliation de plein droit du titre d’occupation à effet au 3 mars 2025. Le résident n’ayant pas libéré les lieux, l’association l’a assigné en référé le 7 mars 2025. Le défendeur, assigné à étude, n’a pas comparu. L’association sollicitait la constatation de la résiliation du contrat, l’expulsion du résident et sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle.
Le juge des contentieux de la protection devait déterminer si les conditions de mise en oeuvre de la clause résolutoire étaient réunies et si le maintien dans les lieux d’un résident ayant dépassé la durée maximale de séjour constituait un trouble manifestement illicite justifiant son expulsion en référé.
Le juge a constaté la résiliation du contrat de résidence au 3 mars 2025, ordonné l’expulsion du résident et de tous occupants de son chef, et l’a condamné au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle équivalente au montant de la redevance et des charges.
Cette décision met en lumière la spécificité du régime juridique des logements-foyers, tant dans les conditions de résiliation du contrat de résidence (I) que dans les conséquences procédurales de cette résiliation (II).
I. La résiliation du contrat de résidence pour dépassement de la durée maximale de séjour
Le juge des contentieux de la protection rappelle le cadre juridique applicable aux logements-foyers avant de vérifier la régularité de la mise en oeuvre de la clause résolutoire.
A. Le cadre juridique spécifique des contrats de résidence en logement-foyer
Les contrats de résidence en logement-foyer obéissent à un régime autonome prévu par les articles L.633-1 et suivants et R.633-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation. Ce régime se distingue du bail d’habitation classique régi par la loi du 6 juillet 1989. L’ordonnance vise expressément l’article L.633-2 du code de la construction et de l’habitation qui énumère limitativement les cas de résiliation du contrat par le gestionnaire, parmi lesquels figure « le cas où la personne logée cesse de remplir les conditions d’admission dans l’établissement considéré ».
Le juge souligne que « le contrat de résidence conclu le 23 mars 2021 contient une clause résolutoire (article 3) en cas de dépassement du délai maximum de séjour fixé au contrat, soit 24 mois ». Cette stipulation contractuelle s’inscrit dans la logique même des foyers de jeunes travailleurs, structures d’hébergement temporaire destinées à faciliter l’insertion professionnelle et sociale des jeunes. La limitation de la durée de séjour constitue une condition d’admission au sens de l’article L.633-2, dont le non-respect autorise la résiliation unilatérale par le gestionnaire.
La validité de la clause résolutoire n’est pas contestée. Le régime des logements-foyers admet en effet de telles clauses, contrairement au bail d’habitation où la clause résolutoire n’est possible que dans les cas strictement énumérés par la loi. Cette différence de régime s’explique par la vocation sociale et transitoire de l’hébergement en foyer, qui implique une rotation des résidents.
B. La régularité de la mise en oeuvre de la clause résolutoire
Le juge vérifie scrupuleusement le respect des formalités prescrites par l’article R.633-3 du code de la construction et de l’habitation. Ce texte impose un délai de préavis « de trois mois lorsque la personne logée cesse de remplir les conditions d’admission dans l’établissement telles qu’elles sont précisées dans le contrat ». Il exige également que « la résiliation soit signifiée par huissier de justice ou notifiée par courrier écrit remis contre décharge ou par lettre recommandée avec avis de réception ».
L’ordonnance constate qu’« un congé, rappelant expressément la durée de séjour limitée à deux ans et se prévalant de la résiliation de plein droit du titre d’occupation a été délivré (…) le 3 décembre 2024, à effet au 3 mars 2025, soit dans le délai légal de trois mois ». Le gestionnaire a donc respecté tant la forme de la notification (signification par commissaire de justice) que le délai de préavis. Le juge en déduit qu’« il n’est donc pas sérieusement contestable que la résiliation du contrat de résidence a produit effet au 3 mars 2025 ».
Cette rigueur dans le contrôle des formalités témoigne du souci de protéger le résident, partie faible au contrat, tout en permettant au gestionnaire d’assurer la rotation nécessaire au fonctionnement du foyer. La jurisprudence se montre vigilante sur le respect de ces exigences formelles, sanctionnant par l’inefficacité du congé toute irrégularité.
II. Les conséquences procédurales de la résiliation en référé
La constatation de la résiliation ouvre droit à l’expulsion du résident devenu occupant sans titre, selon un régime procédural adapté au contentieux du logement-foyer.
A. La caractérisation du trouble manifestement illicite justifiant l’expulsion
Le juge des contentieux de la protection fonde sa compétence sur les articles 834 et 835 du code de procédure civile. Il retient que « le maintien dans les lieux (…) constitue un trouble manifestement illicite au sens des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile ». Cette qualification permet au juge des référés d’ordonner l’expulsion sans attendre une décision au fond.
Le trouble manifestement illicite résulte ici de l’occupation sans droit ni titre postérieure à la résiliation régulière du contrat. Le juge précise que le résident est « sans droit ni titre depuis le 4 mars 2025 », soit le lendemain de la date d’effet du congé. Cette occupation illégitime porte atteinte au droit de propriété du gestionnaire et compromet l’attribution du logement à un nouveau résident remplissant les conditions d’admission.
L’ordonnance se conforme à une jurisprudence constante selon laquelle le maintien dans les lieux après résiliation régulière du titre d’occupation constitue un trouble manifestement illicite. La circonstance que le défendeur n’ait pas comparu renforce l’absence de contestation sérieuse, mais le juge aurait statué de même en présence d’une défense, dès lors que les conditions de la résiliation étaient réunies.
B. L’aménagement des modalités de l’expulsion
Le juge refuse de supprimer ou réduire le délai de deux mois prévu par l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, relevant qu’« aucune circonstance particulière de l’espèce ne justifi(e) que le délai (…) soit réduit ou supprimé ». Cette solution protège le résident en lui accordant un temps minimal pour organiser son relogement, même s’il est devenu occupant sans titre.
La condamnation au paiement d’une « indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle (…) égale au montant des redevances et charges qui auraient été dues si le contrat de résidence s’était poursuivi » compense l’occupation indue. Le caractère provisionnel de cette condamnation, fondée sur l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, s’explique par la nature même de la procédure de référé, qui ne tranche pas le fond du litige.
L’ordonnance renvoie enfin « les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront », formule classique du référé qui réserve le droit des parties de saisir le juge du fond. Cette réserve demeure largement théorique en pratique, la constatation de la résiliation et l’expulsion produisant des effets difficilement réversibles. Le résident conserve néanmoins la possibilité de contester la régularité du congé devant le juge du fond, qui pourrait alors lui allouer des dommages et intérêts en cas d’irrégularité.