Tribunal judiciaire de Paris, le 16 juin 2025, n°25/05325

Le juge des contentieux de la protection de Paris, par ordonnance de référé du 16 juin 2025, se prononce sur la faculté, pour un bailleur social, d’accéder à un logement afin de rechercher et réparer une fuite d’eau affectant l’appartement inférieur. Le logement avait été donné à bail avant la résiliation intervenue antérieurement, l’occupante refusant ensuite l’accès malgré courriers, sommation et tentative d’intervention d’un plombier. Une précédente ordonnance du 12 décembre 2024 avait constaté la résiliation du bail et ordonné l’expulsion hors trêve hivernale à l’issue d’un délai. Assignée à heure indiquée, l’occupante n’a pas comparu, rendant l’ordonnance réputée contradictoire. La question posée tient à la possibilité d’ordonner en référé l’accès forcé au logement, dans l’urgence, pour prévenir un dommage imminent et faire cesser un trouble manifestement illicite, au regard des textes du code de procédure civile, du code civil et de la loi du 6 juillet 1989. La solution admet l’injonction de laisser l’accès sous quarante-huit heures, puis l’autorisation de pénétrer avec commissaire de justice, serrurier et, si nécessaire, force publique, outre la condamnation aux dépens et l’allocation d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

I. Le cadre du référé et la caractérisation des conditions d’intervention

A. L’office du juge des référés et l’urgence retenue

Le juge se fonde sur les articles 834 et 835 du code de procédure civile, rappelant que « dans tous les cas d’urgence, le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ». Il souligne ensuite que le juge « peut également, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état […] soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ». L’état des lieux versé aux débats, comprenant des photographies et un courrier d’expertise, établit l’existence d’infiltrations affectant le lot inférieur. Le refus réitéré d’accès par l’occupante rend la prévention du dommage nécessaire, ce qui suffit, en référé, à légitimer la mesure d’autorisation. L’absence de comparution du défendeur n’emporte pas automaticité de l’accueil des prétentions, le juge rappelant l’article 472 du code de procédure civile, mais la démonstration de l’urgence et du risque actuel complète l’exigence de bien-fondé.

B. Le faisceau d’obligations légales justifiant l’accès aux lieux

Le raisonnement articule les devoirs du bailleur et ceux de l’occupant à l’aune des textes spéciaux. Le bailleur doit assurer la jouissance paisible des tiers et « utiliser les droits dont [il] dispose […] afin de faire cesser les troubles de voisinage » après mise en demeure, selon l’article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989. Symétriquement, le droit des baux impose l’accès pour travaux urgents. L’ordonnance cite l’article 1724 du code civil, selon lequel « le preneur doit les souffrir, quelque incommodité qu’elles lui causent ». Elle rappelle aussi l’article 7 e) de la loi précitée, qui prévoit que « le locataire est obligé de permettre l’accès aux lieux loués pour la préparation et l’exécution de travaux […] nécessaires au maintien en l’état ou à l’entretien normal des locaux ». L’occupante, à plus forte raison dépourvue de titre depuis la résiliation antérieure, ne peut opposer son refus au bailleur social tenu d’intervenir pour protéger le logement inférieur. Le juge en déduit que l’urgence et la nécessité de prévenir un dommage imminent sont suffisamment caractérisées pour fonder l’injonction d’accès.

II. La portée de la mesure ordonnée et son appréciation

A. Une ingérence proportionnée au regard de l’inviolabilité du domicile

La décision encadre strictement l’ingérence. Elle ordonne de laisser l’accès sous quarante-huit heures après signification puis, à défaut, autorise la pénétration « avec l’assistance d’un commissaire de justice, d’un serrurier et de la force publique ». Cette progressivité sert la proportionnalité, en exigeant une ultime mise en conformité spontanée avant intervention contrainte. Le périmètre est délimité par l’objet des travaux, cantonné à la recherche de l’origine de la fuite et à sa réparation. La temporalité est aussi bornée par une limite d’un mois, ce qui prévient tout détournement de la voie de fait et protège l’occupante contre des intrusions répétées sans finalité technique. Le recours à un officier public garantit la traçabilité des opérations et leur adéquation aux strictes nécessités.

B. Les effets pratiques, l’économie contentieuse et les limites du dispositif

La solution concilie efficacement la prévention du dommage, la cessation d’un trouble manifestement illicite et la continuité de la maintenance d’un parc d’habitation. L’allocation d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation aux dépens assument la logique de responsabilisation du refus injustifié, sans excéder un quantum mesuré. La voie du référé évite une paralysie technique lourde, tout en respectant le contradictoire formel et l’exigence de motivation. L’ordonnance rappelle que « l’exécution provisoire est de droit », ce qui assure l’effectivité immédiate des mesures. La portée de la décision demeure toutefois circonscrite aux hypothèses de dommage imminent dûment établi et de nécessité objectivée par des éléments concrets. En l’absence d’urgence, la mesure emporterait un risque d’atteinte disproportionnée au domicile. Le choix d’une astreinte n’est pas retenu, la combinaison d’un bref délai, d’un encadrement opératoire et du concours de la force publique apparaissant ici plus adaptée à la finalité réparatoire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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