Tribunal judiciaire de Paris, le 16 juin 2025, n°25/80274

Par un jugement du 16 juin 2025, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a tranché un différend né d’une saisie de valeurs mobilières. Un créancier, titulaire d’un titre exécutoire confirmé en 2021, avait fait saisir des droits et signifié un ordre de vente en mars 2024 au dépositaire des titres. Le tiers saisi n’a procédé à la vente qu’en mai 2025 et avait initialement communiqué une valorisation erronée, ce qui a conduit le créancier à l’assigner.

La vente et le versement sont finalement intervenus avant le délibéré, entraînant un désistement des demandes principales et le maintien des prétentions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile. Le tiers saisi s’opposait à toute condamnation et sollicitait, à son profit, une indemnité sur le fondement de cet article. La question posée était celle de la succombance, malgré la satisfaction postérieure à l’assignation, et de l’allocation des frais irrépétibles au regard de l’équité.

Le juge retient la succombance du tiers saisi après avoir rappelé que « la partie qui succombe supporte les dépens » et que, au titre de l’article 700, « Le juge tient compte de l’équité ». Constatant que « la vente des titres saisis […] n’a été réalisée par ses soins que le 15 mai 2025 » et qu’« Elle n’explique pas les raisons de ce délai, ni même d’avoir réagi immédiatement à réception de l’assignation », il souligne que « Cette carence a conduit […] à saisir le juge de l’exécution d‘une demande manifestement fondée ». Le tiers saisi est dès lors « réputé succomber à l’instance et condamné au paiement des dépens » et, comme « partie tenue aux dépens, ne peut prétendre à une indemnité au titre des frais irrépétibles. Sa demande sera rejetée. Elle sera par ailleurs condamnée à payer […] la somme de 1.200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ».

I. La qualification de la succombance du tiers saisi

A. La carence fautive au regard du régime de la saisie de valeurs mobilières
Le juge articule son appréciation autour d’un double manquement du tiers saisi, dépositaire des titres saisis selon les articles R. 232-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution. D’abord, la valorisation initialement transmise était manifestement erronée, ce qui a induit le créancier en erreur sur l’utilité de la vente. Ensuite, surtout, l’ordre de vente régulièrement signifié en mars 2024 est demeuré sans exécution pendant plus d’un an, sans motif explicite.

L’énoncé judiciaire, sobre et précis, retient que « la vente des titres saisis […] n’a été réalisée par ses soins que le 15 mai 2025 » et qu’« Elle n’explique pas les raisons de ce délai ». L’absence de réaction « immédiatement à réception de l’assignation » est également relevée, traduisant une inertie incompatible avec l’obligation de diligence attachée au statut de tiers saisi. La vente intervenue in extremis ne purge pas la carence antérieure lorsqu’elle a imposé au créancier une action qu’il n’aurait pas dû engager.

B. La consécration d’une succombance procédurale fondée sur la nécessité du procès
La motivation retient une logique de causalité procédurale: la carence du tiers saisi a rendu le procès nécessaire, ce qui justifie de le « réputer succomber ». La formule « Cette carence a conduit […] à saisir le juge de l’exécution d‘une demande manifestement fondée » caractérise l’utilité de l’instance et ancre la succombance au sens de l’article 696 du code de procédure civile.

La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui admet la condamnation aux dépens de la partie ayant provoqué inutilement le procès, même en cas de satisfaction ultérieure. Le juge n’opère pas une répartition gracieuse, mais constate une défaillance objective; il rattache ainsi la charge des dépens à la résistance injustifiée et à l’absence d’explication utile. La transition vers l’indemnité de l’article 700 s’opère naturellement, sous l’angle d’une réparation autonome et équitable des frais non compris dans les dépens.

II. La portée pratique en matière de frais irrépétibles et de discipline du tiers saisi

A. L’affirmation d’une responsabilité procédurale dissuasive du tiers saisi
Le dispositif écarte toute indemnité au profit du tiers saisi, rappelant qu’une « partie tenue aux dépens, ne peut prétendre à une indemnité au titre des frais irrépétibles. Sa demande sera rejetée ». L’articulation avec l’équité, rappelée par la formule « Le juge tient compte de l’équité », conduit à octroyer au créancier une somme modérée de 1.200 euros, « en application de l’article 700 du code de procédure civile ».

Cette solution a une vertu disciplinaire claire. Elle incite le dépositaire à une gestion rigoureuse des réponses à saisie, des indisponibilités et des ordres de vente, tout particulièrement lorsque la saisie porte sur des instruments financiers volatils. L’indemnité, modulée, répare les frais exposés pour contraindre à l’exécution, sans excéder une mesure de proportionnalité conforme à l’office du juge de l’exécution.

B. Les limites de l’équité: désistement, satisfaction postérieure et justification des retards
Le juge aurait pu, au nom de l’équité, estimer qu’aucune condamnation complémentaire ne se justifiait une fois la vente réalisée et le paiement intervenu. Il rappelle cependant qu’« Il peut, même d’office, […] dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation », tout en écartant cette voie au regard de la carence constatée et de l’utilité du procès. La cohérence de la décision tient à l’idée que l’équité ne couvre pas l’inertie injustifiée.

L’enseignement pratique est net: le tiers saisi doit documenter, sans délai, les causes objectives d’un éventuel report d’exécution, faute de quoi il s’expose à être réputé succombant et à supporter dépens et frais irrépétibles. L’allocation d’une somme mesurée achève d’équilibrer la sanction procédurale, en laissant au juge une marge d’appréciation strictement guidée par la nécessité du procès et la transparence des diligences accomplies.

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