Tribunal judiciaire de Paris, le 17 juin 2025, n°19/04665

Le tribunal judiciaire de Paris, dans un jugement rendu le 17 juin 2025, statue sur un litige opposant une copropriétaire aux propriétaires du lot situé au-dessus du sien, à la suite de désordres ayant donné lieu à une expertise judiciaire. Cette décision illustre le régime du désistement d’instance et ses conséquences sur les demandes accessoires.

Une propriétaire d’un appartement au troisième étage d’un immeuble parisien avait assigné les propriétaires et usufruitiers du lot du quatrième étage, ainsi que leurs assureurs respectifs et le syndicat des copropriétaires, à la suite de désordres constatés par un expert judiciaire désigné en référé. Une ordonnance du juge de la mise en état avait déjà condamné les défendeurs à réaliser des travaux et à verser diverses indemnités. Ces travaux furent exécutés. Un protocole transactionnel fut ensuite conclu entre la plupart des parties, à l’exception des propriétaires du quatrième étage.

La demanderesse se désistait de son instance contre l’assureur des défendeurs, tout en maintenant ses demandes de frais irrépétibles et de dépens contre ces derniers. Le syndicat des copropriétaires se désistait également à l’encontre des assureurs. Les défendeurs sollicitaient principalement l’annulation du rapport d’expertise, subsidiairement le rejet des demandes, et à titre infiniment subsidiaire la garantie de leur assureur.

La question posée au tribunal était double. Il s’agissait de déterminer si le désistement d’instance pouvait être déclaré parfait malgré le maintien de demandes accessoires, et si le rapport d’expertise pouvait être annulé au motif que l’ancien conseil des défendeurs, devenu conseil de leur assureur, avait adopté une position différente.

Le tribunal constate le caractère parfait du désistement accepté par les assureurs et rejette la demande d’annulation de l’expertise. Il refuse toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

I. La consécration du désistement d’instance comme mode d’extinction du litige

A. Les conditions de perfection du désistement

Le tribunal applique les articles 394 et suivants du code de procédure civile pour constater le caractère parfait du désistement. La décision rappelle que « le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur », sauf lorsque celui-ci n’a présenté aucune défense au fond. En l’espèce, les assureurs avaient expressément accepté le désistement dont ils faisaient l’objet.

Cette solution s’inscrit dans une conception contractuelle du désistement d’instance. La rencontre des volontés suffit à éteindre l’instance sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un quelconque motif. Le tribunal se borne à constater cette acceptation sans exercer de contrôle sur son opportunité. Le désistement apparaît ainsi comme un instrument de maîtrise du procès par les parties elles-mêmes.

La particularité de l’espèce résidait dans le caractère partiel du désistement. La demanderesse ne se désistait qu’à l’égard de certains défendeurs tout en maintenant ses prétentions contre d’autres. Cette configuration, fréquente en matière de copropriété où les responsabilités sont souvent partagées, ne fait pas obstacle à la perfection du désistement.

B. Les effets limités du désistement d’instance

Le tribunal rappelle que « le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action, mais seulement extinction de l’instance ». Cette distinction fondamentale préserve la faculté pour le demandeur de réintroduire ultérieurement une action sur le même fondement. Le désistement met fin à la procédure en cours sans créer d’autorité de la chose jugée.

Cette solution protège le demandeur qui, ayant obtenu satisfaction par voie transactionnelle, n’a plus d’intérêt à poursuivre certains défendeurs. Elle préserve également ses droits pour l’avenir si la transaction venait à être remise en cause. Le désistement d’instance constitue ainsi un outil de gestion souple du contentieux.

La décision illustre cependant les limites de cette souplesse. Le maintien de demandes accessoires contre des parties non concernées par le désistement crée une situation procédurale complexe. Le tribunal doit alors statuer sur ces demandes résiduelles tout en constatant l’extinction partielle de l’instance.

II. Le traitement des demandes résiduelles après désistement partiel

A. Le rejet de la contestation de l’expertise judiciaire

Les défendeurs soulevaient la nullité du rapport d’expertise au motif que leur ancien conseil, désormais constitué pour leur assureur, avait adopté une position différente de celle soutenue lors des opérations expertales. Le tribunal écarte ce moyen en relevant que les défendeurs « ont été parties aux opérations d’expertise et y ont été représentés par un avocat » et qu’ils « ont pu faire part de leurs observations au travers de plusieurs dires adressés à l’expert ».

Cette motivation s’inscrit dans la jurisprudence constante relative au contradictoire dans l’expertise judiciaire. Le respect du principe de la contradiction s’apprécie au regard de la possibilité effective de discuter les éléments soumis à l’expert, non au regard des positions ultérieurement adoptées par les conseils des parties. Le changement de stratégie d’un avocat ne saurait remettre en cause la régularité d’opérations auxquelles son client a participé.

Le tribunal ajoute que « les propositions faites par l’expert judiciaire s’agissant des responsabilités » ne constituent pas davantage un motif d’annulation. Cette précision rappelle que l’expert technique peut émettre un avis sur les responsabilités sans empiéter sur l’office du juge, seul compétent pour trancher les questions juridiques.

B. Le sort équitable des frais et dépens

Le tribunal refuse toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens. Cette solution s’explique par le contexte particulier d’un litige largement résolu par voie transactionnelle. Le juge exerce son pouvoir d’appréciation « au regard de la solution du litige » et « en équité ».

Cette répartition équilibrée des frais traduit l’absence de perdant véritable dans une instance où les prétentions principales ont disparu. Les demandes accessoires deviennent alors le seul enjeu du procès. Le tribunal refuse de faire de ces demandes un instrument de sanction contre des parties qui ont contribué à la résolution amiable du différend.

La décision ordonne néanmoins l’exécution provisoire, jugée « nécessaire au regard de l’ancienneté du litige ». Cette motivation révèle le souci du juge de mettre un terme définitif à une procédure initiée en 2019. L’exécution provisoire, bien que portant sur un jugement essentiellement déclaratoire, permet d’éviter qu’un appel ne prolonge artificiellement un contentieux substantiellement éteint.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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