Tribunal judiciaire de Paris, le 17 juin 2025, n°23/08571

Le tribunal judiciaire de Paris, juge de la mise en état, 17 juin 2025, statue sur un désistement d’instance et d’action dans un litige de construction. La demanderesse avait assigné un assureur et des liquidateurs judiciaires à la suite de difficultés dans l’exécution d’un contrat de construction d’une maison individuelle.

Après ces assignations de juin 2023, la demanderesse a, par conclusions d’incident du 6 mars 2025, déclaré se désister de l’instance et de l’action. L’incident a été appelé à l’audience du 5 mai 2025. Certains défendeurs étaient défaillants; un autre n’avait pas conclu au fond ni opposé de fin de non-recevoir.

La juridiction devait trancher deux points. D’abord, si le désistement peut être parfait sans acceptation du défendeur lorsque celui-ci n’a pas conclu au fond. Ensuite, quelles conséquences emporter sur l’extinction de l’instance et l’allocation des dépens au regard de l’article 399 du code de procédure civile.

Pour statuer, le juge de la mise en état a rappelé les textes applicables: «L’article 394 du code de procédure civile dispose que le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance.» Il a ajouté: «L’article 395 du même code dispose que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur. Toutefois, l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste.» En conséquence, le désistement a été déclaré parfait et l’instance éteinte; la demanderesse a été condamnée aux dépens, la juridiction relevant encore: «Aux termes de l’article 399 du code de procédure civile, sauf convention contraire, la partie qui se désiste et est à l’origine de la procédure, est condamnée aux dépens d’incident» et «En l’espèce, l’ensemble des parties n’ayant pas donné leur accord pour que chacune conserve la charge de ses dépens, il n’y a pas lieu de statuer en ce sens.»

I. Les conditions et la perfection du désistement sans acceptation

A. L’assise textuelle explicitée par le juge de la mise en état
Le juge fonde sa solution sur la logique des articles 394 et 395. Il rappelle d’abord la disponibilité procédurale du désistement, puis la règle de principe tenant à l’acceptation du défendeur. La décision reproduit ainsi, de manière pédagogique, les attendus nécessaires à la qualification du désistement. La citation selon laquelle «le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur» en marque la condition ordinaire, tandis que la clause suivante en précise l’exception.

Ce rappel textuel n’est pas purement formel. Il conditionne l’office du juge de la mise en état, compétent pour constater la perfection du désistement dans le cadre de l’instruction, lorsque les défendeurs ne se sont pas engagés au fond. L’articulation des articles 394 et 395 ainsi posée autorise la juridiction à constater l’extinction de l’instance sans requérir une acceptation devenue inutile.

B. L’incidence de l’absence de défenses sur la nécessité d’une acceptation
L’exception prévue par l’article 395 constitue le pivot de l’espèce. En l’absence de défense au fond ou de fin de non-recevoir, l’acceptation n’est plus exigée, comme l’énonce la formule: «Toutefois, l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste.» Le juge peut alors, sans autre formalité, constater la perfection du désistement.

Cette lecture protège la sécurité procédurale. Elle évite de subordonner la fin de l’instance à une acceptation dilatoire lorsque la contradiction n’a pas été engagée. Elle préserve aussi l’équilibre des droits, puisque le défendeur qui n’a pas conclu ne voit pas sa position juridiquement aggravée par une décision qui se borne à éteindre une instance devenue sans objet.

II. Les effets procéduraux et l’allocation des dépens

A. Extinction de l’instance et dessaisissement du tribunal
Le constat de perfection du désistement entraîne l’extinction de l’instance. La décision applique la conséquence usuelle du mécanisme: l’affaire sort du rôle, le juge est dessaisi, et aucune mesure d’instruction ne subsiste. L’économie de l’instance se trouve ainsi préservée, sans préjudice pour l’ordre public procédural.

La solution est cohérente avec l’office du juge de la mise en état, qui peut, dans ce cadre, mettre fin au litige procédural lorsque les conditions du désistement sont réunies. Elle s’inscrit dans une pratique constante de rationalisation des flux, en évitant la poursuite artificielle de procédures vouées à se clore.

B. La condamnation aux dépens et la portée pratique du refus d’une neutralisation
La décision retient ensuite l’article 399: «Aux termes de l’article 399 du code de procédure civile, sauf convention contraire, la partie qui se désiste et est à l’origine de la procédure, est condamnée aux dépens d’incident.» Cette règle, d’inspiration indemnitaire, internalise le coût de l’initiative devenue vaine au détriment de son auteur. Elle connaît une exception conventionnelle, qui suppose l’accord de tous.

En l’espèce, le juge refuse de neutraliser les dépens, relevant qu’«En l’espèce, l’ensemble des parties n’ayant pas donné leur accord pour que chacune conserve la charge de ses dépens, il n’y a pas lieu de statuer en ce sens.» La solution est adéquate au droit positif; elle rappelle que la neutralisation des frais demeure d’interprétation stricte. Sur le plan pratique, elle incite à une diligence précoce: négocier un accord sur les dépens au moment du désistement, à défaut s’exposer à la condamnation prévue par le texte.

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