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Juge de l’exécution de [Localité 8], 17 juin 2025. Un créancier, titulaire d’un jugement de 2015, a fait signifier un commandement aux fins de saisie-vente le 27 décembre 2024, puis a procédé à une saisie-vente le 24 mars 2025. Le débiteur a saisi le juge pour solliciter l’annulation de la signification du jugement, la non-avenue de celui-ci, la nullité du commandement, le cantonnement de la créance au regard de la prescription des intérêts, et l’octroi de délais de paiement.
La procédure est contradictoire. Le débiteur invoque l’irrégularité de la signification du jugement de 2015 et des mentions du commandement, puis la prescription des intérêts au-delà de deux ans. Le créancier défend la régularité des actes, produit un décompte récapitulatif, et conclut à la fixation de la dette au montant arrêté par l’huissier.
La question portait d’abord sur la validité des significations et, partant, sur la non-avenue du jugement au regard du délai de notification. Elle portait ensuite sur l’étendue des pouvoirs du juge de l’exécution pour fixer la créance en appliquant la prescription biennale des intérêts et pour aménager les modalités de paiement. La décision rejette les nullités, affirme l’absence de non-avenue, confirme la validité du commandement, déclare prescrits les intérêts antérieurs au 27 décembre 2022, fixe la créance à 36 968,60 euros, et accorde des délais échelonnés sur vingt-quatre mois.
I. Le contrôle de la régularité des significations et du commandement
A. La vérification des diligences de signification du jugement
Le juge rappelle d’abord le cadre légal des nullités, en soulignant que « la nullité des actes d’huissier est régie selon les nullités des actes de procédure ». Il précise aussi que « l’irrégularité de forme n’entraîne la nullité de l’acte qu’en cas de démonstration d’un grief ». La décision expose ensuite le régime des significations, en indiquant que « la signification d’un acte doit être faite à personne ou, à défaut, à domicile ou résidence », et que la procédure de l’article 659 n’est sanctionnée qu’en cas de diligences insuffisantes.
Au regard des diligences accomplies, la motivation est claire et circonstanciée. L’huissier a constaté le nom du destinataire sur la boîte aux lettres, recueilli une confirmation de voisinage, laissé avis de passage, procédé au dépôt à l’étude, puis expédié une copie par courrier simple. Le juge en déduit que « la signification n’encourt donc aucune nullité ». La conséquence est double. D’une part, le délai de six mois a été respecté, ce qui exclut la non-avenue. D’autre part, le jugement n’était pas par défaut et « est un jugement contradictoire » au sens des textes applicables.
Cette solution éclaire la portée du contrôle confié au juge de l’exécution. Elle confirme une approche rigoureuse de l’exigence de grief, tout en s’en tenant à l’examen des diligences effectives et vérifiables. Elle dissuade les contestations fondées sur de simples allégations de changement d’adresse, lorsque les indices matériels convergent vers la stabilité du domicile déclaré.
B. Les exigences formelles du commandement et la portée des erreurs
S’agissant du commandement préalable à la saisie-vente, la décision rappelle que « le créancier muni d’un titre exécutoire […] peut faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels […] après signification d’un commandement ». Elle ajoute, conformément au texte, que le commandement « doit, à peine de nullité, mentionner le titre exécutoire avec le décompte distinct des sommes réclamées […] ainsi que l’indication du taux des intérêts ». Le juge souligne encore qu’« il est constant que l’erreur dans le décompte ne constitue pas une cause de nullité mais peut seulement en affecter la portée ».
L’acte litigieux distinguait le principal, les intérêts et les frais. Il précisait le taux, la période et l’assiette des intérêts, permettant au débiteur de vérifier et, au besoin, de contester le calcul. Le contrôle de régularité est alors pleinement satisfait, ce qui justifie le rejet de la nullité et de la mainlevée. Cette articulation est conforme à la jurisprudence qui réserve la nullité aux manquements structurels, tout en renvoyant l’incidence d’éventuelles erreurs de chiffrage à la fixation de la dette.
La cohérence de l’ensemble se lit dans la séparation des plans. Le juge assure la sécurité des actes d’exécution en exigeant un décompte intelligible, mais réserve l’ajustement du montant à la phase de fixation. Cette méthode protège la finalité de l’exécution, sans sacrifier les garanties du débiteur quant à la portée économique de l’acte.
II. La fixation de la dette au prisme de la prescription et des délais
A. La prescription biennale des intérêts relevée d’office et ses effets
Le juge rappelle son pouvoir de faire les comptes, et précise que « le juge peut relever d’office la prescription biennale des intérêts en matière de crédit à la consommation ». La motivation constate une erreur initiale de référence à une prescription quinquennale, puis applique la prescription biennale aux intérêts échus avant les deux années précédant le commandement. Elle en tire la conclusion suivante: « Il convient donc de fixer la dette à cette somme et de déclarer prescrits les intérêts antérieurs au 27/12/2022 ».
La solution se fonde sur l’interruption par le commandement, conformément au texte civil, et opère un cantonnement précis. Les intérêts conservés s’élèvent à 2 452,84 euros, pour une dette totale fixée à 36 968,60 euros à la date retenue. Le raisonnement confirme que l’erreur de base de calcul par le créancier n’entraîne pas la déchéance du droit aux intérêts dans la limite légale, mais commande leur rectification dans le strict périmètre temporel.
La portée de cette motivation est nette. Elle sécurise la pratique des exécutions en autorisant la correction juridictionnelle des intérêts, sans crise de validité des actes. Elle renforce, par ailleurs, la protection du débiteur de consommation, en consacrant la vigilance du juge sur la prescription biennale, même en l’absence d’exception formelle.
B. L’aménagement de l’exécution et l’équilibre des intérêts
Le juge rappelle que « le juge de l’exécution peut reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ». L’analyse des ressources et charges du foyer, de l’historique des règlements, et d’un premier échec d’échéancier, conduit à refuser une mensualité symbolique. Elle aboutit, en revanche, à la fixation d’échéances de 200 euros pendant vingt-trois mois, avec solde au vingt-quatrième, assorties d’une clause de déchéance.
Cette modulation illustre une conciliation mesurée entre les intérêts antagonistes. La créance fixée demeure exigible, mais l’exécution reçoit un étalement proportionné, au regard de la situation du débiteur et des besoins légitimes du créancier. Le refus d’allocation au titre des frais irrépétibles, et la condamnation aux dépens, s’inscrivent dans cet équilibre.
L’ensemble dessine une ligne jurisprudentielle lisible. La régularité formelle est contrôlée avec rigueur, la substance économique est rectifiée par l’effet de la prescription biennale, et l’exécution est aménagée dans les bornes textuelles. Cette combinaison renforce la sécurité des actes tout en réaffirmant la vocation pédagogique et correctrice du juge de l’exécution.