Tribunal judiciaire de Paris, le 18 juin 2025, n°23/01081

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Rendu par le tribunal judiciaire de [Localité 5] le 18 juin 2025, ce jugement statue in limine litis sur la compétence territoriale dans un litige d’indemnisation fondé sur le règlement n° 261/2004. Deux passagers, ayant subi un retard aérien supérieur à trois heures entre un aéroport situé dans le ressort d’[Localité 4] et une destination hors Union, assignent un transporteur non établi dans l’Union. La défenderesse oppose l’incompétence, en visant le règlement n° 1215/2012 et les articles 42, 43 et 46 du code de procédure civile. Le juge écarte d’abord toute irrecevabilité tirée d’un défaut de tentative amiable, en rappelant que, s’agissant des procédures engagées après l’annulation de l’ancien article 750-1, « les requérants sont libérés de l’obligation de recourir à un mode amiable préalable ». La question posée tenait à la détermination de la juridiction compétente pour une demande indemnitaire standardisée, en présence d’un défendeur extérieur à l’Union et d’un établissement en France invoqué au titre des « gares principales ». Le tribunal retient l’incompétence au profit de la juridiction du lieu de départ, après avoir décliné l’article 4 du règlement n° 1215/2012 et appliqué l’article 46 du code de procédure civile.

I. Délimitation des règles de compétence applicables

A. L’écartement de l’article 4 du règlement n° 1215/2012 faute de domiciliation et d’établissement principal
Le juge commence par rappeler le principe de base du règlement Bruxelles I bis, selon lequel « les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité devant les juridictions de cet Etat membre ». Il précise ensuite que, pour les personnes morales, « l’application du règlement est conditionnée à ce que le défendeur soit domicilié là où est situé son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement ». L’examen probatoire, gouverné par l’article 9 du code de procédure civile, ne révèle aucun élément établissant en France une administration centrale ou un principal établissement du transporteur. Le tribunal refuse donc de transposer la domiciliation en s’appuyant sur une simple succursale, relevant que l’existence d’un bureau local ne suffit pas à caractériser un domicile au sens des articles 4 et 63.

Cette mise à l’écart est méthodique, car elle évite d’étendre artificiellement la compétence de l’État du for par la seule présence d’une antenne. Elle s’aligne sur la finalité de prévisibilité du règlement n° 1215/2012, qui rattache la compétence au siège, à l’administration centrale ou au principal établissement, et non à des structures secondaires sans autonomie décisive.

B. Le renvoi de l’article 6 du règlement n° 1215/2012 aux règles françaises et la mobilisation de l’article 46 du code de procédure civile
Constatant l’absence de domiciliation dans un État membre, le juge recourt à l’article 6 du règlement n° 1215/2012, qui prévoit que « la compétence est dans chaque état membre réglée par la loi de cet Etat membre ». Il précise, s’agissant d’une action indemnitaire fondée sur le règlement n° 261/2004, que « les dispositions du code des transports et du code de l’aviation civile n’ont pas vocation à s’appliquer ». La conséquence tient dans l’application des règles de droit commun du code de procédure civile, ce que résume la formule claire selon laquelle « seules les règles de compétence de droit commun […] doivent recevoir application à l’espèce ».

Le cœur de l’analyse se concentre alors sur l’article 46 du code de procédure civile. Le tribunal en rappelle les options offertes au demandeur et souligne que, pour un transport aérien de passagers, le lieu d’exécution « s’entend […] soit du lieu de départ, soit du lieu d’arrivée de l’avion ». Cette interprétation, cohérente avec l’économie d’un service de transport, structure la suite du raisonnement et oriente la solution vers le ressort du lieu de départ.

II. Appréciation et portée de la solution retenue

A. La théorie des « gares principales » soumise à une double exigence de substance et de lien
Le tribunal examine la voie subsidiaire tirée de l’existence d’un établissement en France. Il rappelle qu’« au regard de l’application prétorienne de la théorie des « gares principales », il est admis que le demandeur peut saisir la juridiction dans laquelle le défendeur dispose d’une succursale ». Cette possibilité demeure strictement encadrée, car « cette faculté s’apprécie […] selon l’importance de la succursale et son autonomie tant financière qu’administrative […] et d’autre part selon que le litige entretienne des liens suffisants avec l’établissement concerné ».

La motivation montre que la preuve de l’autonomie et du rattachement du litige fait défaut. Le juge en déduit l’impossibilité d’asseoir la compétence sur une succursale dont ni l’indépendance, ni l’implication concrète dans les faits générateurs n’ont été démontrées. Cette rigueur probatoire est convaincante, car elle empêche les forings opportunistes déconnectés de l’activité à l’origine du litige.

B. La fixation du lieu d’exécution en transport aérien et ses effets pratiques pour le contentieux du règlement n° 261/2004
Ayant circonscrit le cadre normatif, le tribunal retient que le lieu d’exécution de la prestation de transport, au sens de l’article 46, correspond au lieu de départ ou au lieu d’arrivée. Cette lecture rejoint les lignes posées par la jurisprudence européenne sur la localisation des obligations de service, tout en demeurant fidèle à la lettre des textes internes. Elle assure une prévisibilité simple pour les passagers et les transporteurs, qui identifient immédiatement deux foras potentiels.

La décision privilégie ici le départ, ce qui, au regard du dossier, s’imposait. Les billets avaient été acquis auprès d’un intermédiaire tiers, et aucun élément ne liait l’établissement local évoqué au retard subi. Le choix du ressort du départ s’accorde avec l’objectif d’une réparation standardisée du règlement n° 261/2004, sans brouiller la compétence par des rattachements accessoires. Il s’inscrit, en outre, dans une cohérence d’ensemble avec la solution selon laquelle « il en résulte que seules les règles de compétence de droit commun […] doivent recevoir application à l’espèce ».

En définitive, la décision ordonne un recentrage sain sur les critères objectifs de compétence. Elle articule correctement le renvoi de l’article 6 du règlement n° 1215/2012 avec l’article 46 du code de procédure civile, et réserve la théorie des « gares principales » à ses conditions strictes, ce qui renforce la sécurité juridique des contentieux aériens.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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