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La procédure de référé offre aux justiciables un accès rapide au juge. Son extinction par désistement d’instance illustre la maîtrise que conservent les parties sur le cours du procès, y compris devant la juridiction des référés.
Par ordonnance du 18 juin 2025, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris a constaté le désistement d’instance de cinq demandeurs à l’encontre d’une société civile immobilière.
Les demandeurs, cinq personnes physiques, avaient assigné en référé une société par actions simplifiée unipersonnelle exerçant une activité de foncière. L’assignation avait été délivrée le 27 novembre 2024. L’objet du litige n’est pas précisé dans la décision, mais relevait vraisemblablement d’un différend locatif ou immobilier. À l’audience du 14 mai 2025, puis lors du prononcé du 18 juin 2025, les demandeurs ont déclaré se désister de leur instance. La défenderesse n’avait présenté « aucune défense au fond ni fin de non-recevoir » au moment de ce désistement. Le juge a considéré que l’acceptation de la défenderesse n’était donc pas nécessaire. Il a déclaré le désistement parfait et constaté l’extinction de l’instance ainsi que son dessaisissement.
La question posée au juge des référés était de déterminer si le désistement d’instance pouvait être déclaré parfait sans l’acceptation de la partie adverse lorsque celle-ci n’a présenté aucun moyen de défense.
Le juge a répondu par l’affirmative. Il a constaté que la défenderesse n’ayant soulevé « aucune défense au fond ni fin de non-recevoir », son acceptation n’était pas requise. Le désistement a donc été déclaré parfait, emportant extinction de l’instance et dessaisissement de la juridiction.
Cette décision invite à examiner les conditions du désistement unilatéral en matière de référé (I) avant d’en apprécier les effets procéduraux (II).
I. Les conditions du désistement unilatéral en référé
Le régime du désistement d’instance repose sur une articulation entre la volonté du demandeur et la protection des droits du défendeur (A). L’absence de défense au fond constitue le critère déterminant de la dispense d’acceptation (B).
A. Le principe de l’acceptation du défendeur et ses tempéraments
L’article 394 du Code de procédure civile dispose que « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande ». Ce droit discrétionnaire traduit la maîtrise de l’instance par celui qui l’a introduite. Le désistement d’instance se distingue du désistement d’action en ce qu’il n’emporte pas renonciation au droit substantiel.
L’article 395 du même code prévoit cependant que le désistement « n’est parfait que par l’acceptation du défendeur ». Cette exigence protège le défendeur qui peut avoir intérêt à obtenir une décision sur le fond. Une relaxe judiciaire lui permet d’opposer l’autorité de chose jugée à toute action ultérieure.
L’alinéa 2 de l’article 395 tempère cette règle. L’acceptation n’est pas nécessaire lorsque le défendeur « n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste ». Cette dispense repose sur un raisonnement logique : celui qui n’a pas encore investi le débat contentieux ne saurait se prévaloir d’un intérêt à son maintien.
B. L’application du critère de l’absence de défense
En l’espèce, le juge des référés a relevé que la société défenderesse n’avait présenté « aucune défense au fond ni fin de non-recevoir ». Cette constatation factuelle détermine l’application de l’article 395 alinéa 2.
La notion de défense au fond renvoie aux moyens qui contestent le bien-fondé de la prétention adverse. La fin de non-recevoir vise les moyens qui tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable sans examen du fond. La simple constitution d’avocat ne suffit pas à caractériser une défense au fond.
Le juge a donc logiquement conclu que « l’acceptation de la défenderesse n’est pas nécessaire ». Le désistement pouvait produire ses effets de manière unilatérale. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui interprète strictement les conditions de la dispense d’acceptation.
La particularité de l’instance de référé ne modifie pas l’application de ces règles. Le juge des référés statue selon une procédure autonome mais demeure soumis aux dispositions générales du Code de procédure civile. Le caractère provisoire de ses décisions ne fait pas obstacle à l’exercice du droit au désistement.
II. Les effets du désistement parfait en matière de référé
Le désistement parfait produit des conséquences immédiates sur l’instance (A). Il laisse toutefois subsister des questions quant à la possibilité d’une action ultérieure (B).
A. L’extinction de l’instance et le dessaisissement du juge
L’article 398 du Code de procédure civile prévoit que le désistement « emporte extinction de l’instance ». Cette extinction est immédiate et définitive pour la procédure en cours. Le juge perd le pouvoir de statuer sur les demandes initialement formées.
Le dispositif de l’ordonnance traduit fidèlement ces effets. Le juge « constate l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la juridiction ». La formulation employée mérite attention : le juge constate plutôt qu’il prononce. Le désistement produit ses effets par la seule volonté des parties, le juge se bornant à les constater.
S’agissant des dépens, l’ordonnance renvoie à l’article 399 du Code de procédure civile. Ce texte dispose que le désistement emporte « soumission de payer les frais de l’instance éteinte ». Les demandeurs supporteront donc les dépens de la procédure qu’ils ont engagée puis abandonnée. Cette solution est conforme à l’idée que celui qui renonce à son action doit en assumer les conséquences financières.
B. La préservation du droit d’agir et ses limites
Le désistement d’instance n’emporte pas désistement d’action. L’article 398 alinéa 2 le confirme expressément. Les demandeurs conservent donc la faculté d’introduire une nouvelle instance sur le même fondement.
Cette préservation du droit d’agir constitue une différence essentielle avec le désistement d’action. Elle explique pourquoi l’acceptation du défendeur est en principe requise. Le défendeur peut légitimement préférer une décision au fond qui le mettrait à l’abri de toute nouvelle procédure.
En matière de référé, cette question présente une acuité particulière. La procédure de référé n’aboutit qu’à des mesures provisoires dépourvues d’autorité de chose jugée au principal. Le défendeur ne peut donc pas espérer obtenir une protection définitive par le rejet d’une demande de référé.
La portée du désistement demeure également limitée par la prescription. Si les demandeurs souhaitent réintroduire une action, ils devront vérifier que leur droit n’est pas éteint. L’assignation initiale avait interrompu la prescription, mais le désistement met fin à cet effet interruptif. Une nouvelle instance devra être engagée dans les délais légaux.
L’ordonnance commentée illustre ainsi le fonctionnement régulier du mécanisme du désistement. Elle confirme que la procédure de référé obéit aux règles communes du droit processuel, tout en s’inscrivant dans sa finalité propre de célérité et de provisoire.