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Le droit processuel est rythmé par le respect de formalités dont la rigueur assure l’effectivité des garanties fondamentales offertes aux parties. L’ordonnance rendue par le Tribunal judiciaire de Paris le 18 juin 2025 illustre la vigilance du juge des référés quant aux conditions de validité de la signification des actes introductifs d’instance.
En l’espèce, une société exploitant une pharmacie avait consenti un bail commercial avec trois copropriétaires indivis, représentés par un administrateur de biens. Se plaignant d’infiltrations affectant les locaux loués, la société locataire a assigné les bailleurs et le syndicat des copropriétaires devant le juge des référés aux fins d’expertise et de condamnation provisionnelle. Les actes introductifs ont été signifiés à l’adresse de l’administrateur de biens, en application d’une clause d’élection de domicile figurant au contrat de bail.
Les défendeurs n’ont pas comparu. Le juge des référés a dès lors examiné d’office la régularité des assignations. Il a constaté que la clause d’élection de domicile, limitée à l’exécution du contrat de bail, ne dérogeait pas aux règles légales de signification. Il a ordonné la réouverture des débats afin que les bailleurs soient régulièrement cités à leurs domiciles respectifs.
La question posée au juge était de déterminer si une clause d’élection de domicile stipulée dans un bail commercial permet de déroger aux dispositions de l’article 689 du code de procédure civile régissant le lieu de notification des actes de procédure.
Le Tribunal judiciaire de Paris a répondu par la négative. Il a jugé que la clause litigieuse concernait l’exécution du contrat et « ne contient aucune dérogation aux modalités légales de signification des actes de procédure ». Les assignations étant irrégulières, la réouverture des débats s’imposait.
Cette décision invite à analyser la distinction opérée entre domicile élu contractuel et domicile processuel (I), avant d’examiner les conséquences procédurales de l’irrégularité constatée (II).
I. La distinction entre domicile élu contractuel et domicile processuel
L’ordonnance rappelle le principe selon lequel l’élection de domicile ne vaut que dans les limites assignées par la volonté des parties (A), puis précise l’interprétation restrictive qui gouverne les clauses dérogatoires aux règles de signification (B).
A. Le cantonnement de l’élection de domicile à l’exécution contractuelle
L’article 689 du code de procédure civile dispose que les notifications sont faites au lieu où demeure le destinataire. Ce texte admet la validité de la notification au domicile élu « lorsque la loi l’admet ou l’impose ». La clause d’élection de domicile doit donc répondre à des conditions précises pour produire effet en matière processuelle.
Le contrat de bail stipulait que « pour l’exécution de celui-ci et de toute notification qui s’avérerait nécessaire, le bailleur élit domicile en son domicile ». Cette formulation, loin de désigner un domicile distinct, renvoyait au domicile réel des bailleurs. Le juge a relevé que la clause « concerne l’exécution du contrat de bail » sans viser les actes de procédure.
L’élection de domicile contractuelle poursuit des fins pratiques liées aux relations entre cocontractants. Elle facilite les échanges de correspondances et la mise en œuvre des obligations réciproques. Son périmètre demeure circonscrit au champ contractuel sauf volonté expresse des parties d’étendre ses effets.
B. L’interprétation restrictive des dérogations aux règles de signification
La signification à personne constitue le principe cardinal posé par l’article 654 du code de procédure civile. Lorsqu’elle s’avère impossible, l’article 655 autorise la signification à domicile ou à résidence. Ces textes d’ordre public protègent le droit d’accès au juge et le respect du contradictoire.
Le juge des référés a souligné que la clause litigieuse « ne contient aucune dérogation aux modalités légales de signification des actes de procédure pendant toute la durée du bail ». Cette motivation impose une lecture stricte des stipulations contractuelles susceptibles d’affecter les garanties procédurales.
L’exigence d’une dérogation expresse et non équivoque s’explique par la nature des intérêts en présence. La signification conditionne la saisine régulière de la juridiction et l’exercice effectif des droits de la défense. Une interprétation extensive des clauses d’élection de domicile exposerait les parties à des condamnations prononcées sans qu’elles aient été valablement informées de l’instance.
II. Les conséquences procédurales de l’irrégularité de la signification
L’ordonnance met en lumière le contrôle exercé par le juge sur la régularité de l’assignation en l’absence du défendeur (A) et illustre le mécanisme de la réouverture des débats comme remède à l’irrégularité (B).
A. Le contrôle de la régularité de l’assignation en l’absence du défendeur
L’article 472 du code de procédure civile dispose que le juge fait droit à la demande s’il l’estime « régulière, recevable et bien fondée » lorsque le défendeur ne comparaît pas. Cette règle impose un examen d’office de la validité des actes introductifs d’instance.
En l’espèce, les assignations avaient été « délivrées à étude à l’adresse de la société [administrateur de biens], qui ne constitue pas le domicile des défendeurs au sens de l’article 689 ». Le juge a constaté que les formalités prescrites n’avaient pas été respectées. Il ne pouvait dès lors statuer au fond sans méconnaître les droits des défendeurs défaillants.
Ce contrôle traduit la fonction protectrice du juge à l’égard de la partie absente. La non-comparution ne saurait dispenser le demandeur de satisfaire aux exigences procédurales. Le respect du contradictoire impose que le défendeur ait été mis en mesure de prendre connaissance de l’assignation.
B. La réouverture des débats comme remède procédural
Plutôt que de prononcer la nullité de l’assignation, le juge a ordonné « la réouverture des débats à l’audience du jeudi 11 septembre 2025 » afin que les bailleurs soient cités à leurs domiciles respectifs. Cette solution préserve les intérêts du demandeur tout en garantissant les droits des défendeurs.
La réouverture des débats constitue une mesure d’administration judiciaire permettant de régulariser la procédure sans anéantir les effets de l’acte introductif. Elle épargne au demandeur les frais et délais d’une nouvelle instance. La décision précise que les dépens sont réservés, témoignant de son caractère interlocutoire.
Cette approche pragmatique concilie efficacité processuelle et protection des garanties fondamentales. Elle invite le demandeur à accomplir les diligences nécessaires sous peine de voir sa demande rejetée lors de l’audience de renvoi. L’ordonnance s’inscrit dans une conception équilibrée du procès civil où la forme demeure au service du fond.