Tribunal judiciaire de Paris, le 19 juin 2025, n°24/10020

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Rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris le 19 juin 2025, le jugement tranche un litige de sortie de bail après décès de la locataire en titre, dans un logement conventionné. L’occupant, petit-fils de la défunte, sollicitait le transfert du bail ; l’organisme bailleur s’y opposait, invoquant l’inadaptation du logement à la taille du ménage et réclamant l’expulsion, une indemnité d’occupation majorée, une astreinte et le maintien de diverses condamnations accessoires. Appelé en cause, l’occupant n’a pas comparu.

Les faits utiles se résument aisément. Un bail d’habitation, conclu en 1985 sur un logement de trois pièces, a survécu au décès de la locataire intervenue le 27 novembre 2021. Le descendant a demandé le transfert au début de l’année 2022. Le bailleur social a refusé, a proposé des relogements restés sans suite, puis a mis en demeure de quitter les lieux à l’automne 2024, avant d’assigner en expulsion.

La procédure est régulière et conduit le juge à statuer au fond malgré le défaut de comparution. Le jugement rappelle que, lorsque le défendeur est défaillant, « le juge fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime recevable, régulière et bien fondée ». Le bailleur sollicitait l’expulsion sans délai, une astreinte, des arriérés et une indemnité d’occupation au loyer majoré de 30 %. L’occupant contestait implicitement la demande par la prétention au transfert du bail.

La question de droit se concentre sur le régime du transfert du bail dans le parc conventionné lorsque le descendant vivant seul occupe un logement de trois pièces, et sur les conséquences de l’absence de transfert en termes d’expulsion, de délai légal et de dette d’occupation. La solution retenue refuse le transfert pour inadaptation à la taille du ménage, constate la situation d’occupant sans droit ni titre depuis le décès, ordonne l’expulsion avec maintien du délai légal de deux mois, écarte l’astreinte, fixe l’indemnité d’occupation au montant du loyer majoré des charges, refuse la majoration de 30 %, et statue sur les intérêts, la capitalisation, les frais irrépétibles et les dépens.

I. Le refus du transfert dans le parc conventionné et l’encadrement de l’expulsion

A. Le contrôle des conditions cumulatives du transfert en logement conventionné

Le jugement articule de manière précise l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 et son correctif propre au logement conventionné. Il rappelle d’abord la règle supplétive: « A défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l’abandon du domicile par ce dernier. » Cette résiliation de plein droit ne joue toutefois qu’en l’absence d’ayants droit remplissant les conditions.

L’office du juge se déplace ensuite vers l’article 40 III, conditionnant le transfert, en logement conventionné, à une double exigence d’attribution et d’adaptation: « à condition que le bénéficiaire du transfert ou de la continuation du contrat remplisse les conditions d’attribution et que le logement soit adapté à la taille du ménage. » L’exemption de ces conditions, le cas échéant, ne vise pas les descendants majeurs sans vulnérabilité particulière, ce que le jugement souligne implicitement.

Au regard des pièces, la juridiction constate qu’un logement de trois pièces est occupé par une seule personne, ce que confirment des correspondances postérieures au décès. L’inadaptation est déduite de manière factuelle, dans l’esprit du texte qui vise une adéquation ménage/logement. Le rejet du transfert était donc juridiquement commandé, d’autant que des propositions de relogement proportionné avaient été formulées. La solution, calée sur la lettre des textes, rappelle utilement que l’exigence d’adaptation n’est pas une formalité mais une véritable condition, spécifique aux logements conventionnés.

B. Les effets de l’absence de transfert: qualification, délai légal et proportion des mesures

La conséquence directe de l’absence de transfert est la qualification d’occupant sans droit ni titre à compter du décès. Cette qualification ouvre la voie à l’expulsion, mais sous l’empire des garanties du code des procédures civiles d’exécution. Le jugement expose le régime du délai légal: « Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte. » À défaut de preuve de mauvaise foi, et en l’absence de voie de fait d’entrée, « le délai légal de deux mois […] ne sera pas supprimé. »

Ce refus de suppression, cohérent avec la chronologie des démarches, illustre une gradation proportionnée des mesures d’exécution. En présence d’une procédure de relogement engagée et d’un temps de réaction bref entre mise en demeure et assignation, la caractérisation d’une résistance fautive n’était pas démontrée. L’expulsion est donc ordonnée, mais avec le délai légal et le rappel des textes régissant le traitement des meubles, conformément au cadre normatif de l’exécution. L’économie générale de la décision privilégie ainsi l’effectivité de la reprise des lieux, sans altérer les garanties minimales du débiteur d’expulsion.

II. L’indemnité d’occupation: principe, quantum et accessoires de la condamnation

A. Délimitation temporelle et fixation du montant sans majoration

Le jugement distingue nettement la dette locative antérieure au décès, qui demeure attachée à la locataire en titre, et la dette d’occupation postérieure, due par l’occupant sans droit ni titre. Il rappelle le fondement dual de l’indemnité d’occupation, contrepartie de la jouissance et réparation du préjudice, puis l’office du juge: « Le montant de cette indemnité relève de l’appréciation souveraine du juge. » Sur cette base, la juridiction retient un montant égal au loyer, soumis à indexation, augmenté des charges, tel qu’il aurait été dû en cas de poursuite du bail.

La demande de majoration de 30 % est écartée de manière explicite et mesurée: « rien ne justifiant la majoration de 30% sollicitée par la requérante. » Le quantum ainsi fixé traduit une conception équilibrée de la dette d’occupation, qui sanctionne le maintien tout en s’adossant au loyer de référence, sans pénalité automatique. L’arriéré arrêté au 2 octobre 2024 est limité à 1 422,06 euros pour la période de décembre 2021 à septembre 2024, tenant compte des versements postérieurs à l’assignation. Le juge concilie ainsi la réparation du préjudice locatif et la prise en compte des paiements intervenus.

B. Intérêts, capitalisation, frais et rejet de l’astreinte

S’agissant des intérêts, la solution est classique. Les sommes allouées portent intérêts au taux légal à compter du jugement, avec capitalisation selon la lettre du code civil: « La capitalisation des intérêts, de droit lorsqu’elle est demandée conformément à l’article 1343-2 du code civil, sera ordonnée. » Cette articulation respecte l’économie des articles 1231-6, 1231-7 et 1342-10, tout en garantissant l’effectivité du créancier sur la durée.

Le rejet de l’astreinte s’inscrit dans une logique de proportionnalité et d’utilité des mesures d’exécution. Le jugement rappelle la finalité du mécanisme: l’astreinte, « dont le but, aux termes de l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, est d’assurer l’exécution d’une décision. » Or l’enchaînement rapide mise en demeure–assignation, cumulé au recours déjà prévu à la force publique, ne justifiait pas l’adjonction d’une contrainte financière supplémentaire. Cette retenue, jointe à l’exécution provisoire de droit, préserve l’autorité de la décision sans alourdissement excessif.

Enfin, les accessoires suivent le sort de la prétention principale. L’allocation d’une somme modérée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation aux dépens s’inscrivent dans la pratique des contentieux d’occupation post-résiliation. L’ensemble dessine une solution mesurée, juridiquement rigoureuse et conforme à la spécificité des logements conventionnés, où l’adaptation du logement à la taille du ménage constitue une condition déterminante du transfert, et non un simple élément d’appréciation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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