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Le contentieux de la construction en copropriété donne régulièrement lieu à des mesures d’instruction ordonnées avant tout procès au fond. L’ordonnance rendue par le Tribunal judiciaire de Paris le 19 juin 2025 illustre le mécanisme procédural permettant d’étendre une expertise judiciaire à l’assureur du syndicat des copropriétaires.
Un syndicat des copropriétaires avait obtenu, par ordonnance du 19 mars 2025, la désignation d’un expert judiciaire. Par assignation du 27 mars 2025, ce syndicat a sollicité que l’expertise soit rendue commune à son assureur. Ce dernier a comparu en formulant des protestations et réserves.
Le juge des référés devait déterminer si les conditions de l’extension d’une mesure d’expertise à un tiers étaient réunies. La question posée était celle de savoir si l’assureur du syndicat des copropriétaires présentait un motif légitime justifiant qu’il soit appelé aux opérations d’expertise.
Le tribunal a fait droit à la demande en rendant l’ordonnance d’expertise commune à l’assureur. Il a prorogé le délai de dépôt du rapport au 20 avril 2026 et condamné le syndicat demandeur aux dépens.
Cette décision invite à examiner les conditions de l’extension d’une expertise à un tiers (I) avant d’en analyser les conséquences procédurales (II).
I. Les conditions de l’extension de l’expertise à l’assureur
A. Le fondement textuel de la demande en déclaration de jugement commun
Le tribunal fonde sa décision sur l’article 145 du code de procédure civile. Ce texte dispose que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé ». Le juge rappelle que sur ce fondement, « une ordonnance ayant désigné un expert peut être rendue commune à des tiers s’il existe un motif légitime qu’ils soient appelés aux opérations d’expertise ».
Cette formulation reprend la jurisprudence constante de la Cour de cassation en matière d’expertise in futurum. Le motif légitime constitue la clé de voûte du dispositif probatoire préventif. Il ne s’agit pas d’établir la certitude d’un litige futur mais seulement sa probabilité raisonnable. La notion de motif légitime est appréciée souverainement par les juges du fond.
L’extension à un tiers obéit à la même logique que la mesure initiale. Le demandeur doit démontrer que le tiers occupe une place probable dans le litige éventuel. Cette place probable s’apprécie au regard des liens juridiques existants et des responsabilités potentielles.
B. L’appréciation du motif légitime en l’espèce
Le tribunal retient que « les pièces versées aux débats caractérisent l’existence d’un motif légitime de rendre les opérations d’expertise communes à la partie défenderesse ». Cette motivation, bien que succincte, suffit à satisfaire l’exigence légale. Le juge des référés n’a pas à préjuger du fond du litige ni à se prononcer sur la garantie effective de l’assureur.
La qualité d’assureur du syndicat des copropriétaires justifie par elle-même l’intérêt à participer aux opérations d’expertise. En cas de sinistre relevant des garanties souscrites, l’assureur sera nécessairement appelé en cause. Sa présence aux opérations expertes lui permet d’exercer le principe du contradictoire et de faire valoir ses observations techniques.
Les protestations et réserves formulées par l’assureur n’ont pas fait obstacle à l’extension. Le tribunal en donne simplement acte, ce qui préserve les droits du défendeur sans remettre en cause le bien-fondé de la mesure. Cette solution équilibrée respecte les intérêts de chaque partie.
II. Les conséquences procédurales de l’extension
A. L’aménagement des délais de l’expertise
La mise en cause d’une nouvelle partie justifie un aménagement du calendrier expertale. Le tribunal relève que « compte tenu de cette nouvelle mise en cause, il y a lieu de proroger le délai imparti à l’expert pour déposer son rapport ». Le délai est ainsi reporté au 20 avril 2026, soit plus d’un an après l’ordonnance initiale.
Cette prorogation permet à l’expert d’intégrer la nouvelle partie dans ses opérations. L’assureur pourra formuler des dires, assister aux réunions d’expertise et produire des documents. Le respect du contradictoire impose ce délai supplémentaire. La durée retenue apparaît raisonnable au regard de la complexité habituelle des expertises en matière de construction.
Le tribunal prévoit une clause de caducité : « dans l’hypothèse où la présente décision serait portée à la connaissance de l’expert après le dépôt de son rapport, ses dispositions seront caduques ». Cette précaution évite qu’une notification tardive ne vienne perturber des opérations déjà achevées.
B. La répartition de la charge des dépens
Le tribunal condamne « la partie demanderesse aux dépens » au motif que la décision est rendue dans son intérêt. Cette solution applique le principe selon lequel celui qui sollicite une mesure d’instruction en supporte le coût. Le syndicat des copropriétaires, ayant pris l’initiative de l’extension, assume logiquement cette charge.
Cette répartition ne préjuge pas de l’issue du litige au fond. Les dépens de la procédure de référé sont distincts de ceux qui seront éventuellement mis à la charge de la partie succombante dans l’instance principale. La condamnation aux dépens du demandeur à une mesure d’instruction constitue une solution classique en jurisprudence.
Le rappel du caractère exécutoire par provision de l’ordonnance clôt le dispositif. Cette mention, conforme aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, permet l’exécution immédiate de la décision sans attendre l’expiration des voies de recours.