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Le jugement rendu le 20 juin 2025 par le Tribunal judiciaire de Paris, pôle social, porte sur l’opposabilité à l’employeur des arrêts de travail prescrits à une salariée intérimaire à la suite d’un accident du travail. Cette décision illustre les conditions dans lesquelles un employeur peut contester l’imputation de soins et arrêts de travail à un accident professionnel, ainsi que le rôle de l’expertise médicale judiciaire dans ce contentieux.
Une salariée intérimaire, employée de conditionnement, a été victime d’un accident du travail le 21 septembre 2015 en manipulant une machine défaillante. Le certificat médical initial faisait état d’une tendinopathie de la coiffe de l’épaule gauche. La caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge cet accident après enquête, malgré les réserves émises par l’employeur dès le lendemain des faits. La consolidation de l’état de santé a été fixée au 16 juin 2017, soit près de deux années d’arrêts et de soins.
L’employeur a saisi la commission médicale de recours amiable le 29 juillet 2021 pour contester l’opposabilité de l’intégralité des arrêts de travail. Cette commission a rejeté le recours par décision du 2 novembre 2021. La société a alors porté le litige devant le Tribunal judiciaire de Paris le 7 décembre 2021. Par jugement du 7 novembre 2022, le tribunal a ordonné une expertise médicale sur pièces. L’expert a déposé son rapport le 2 octobre 2023, concluant que les soins et arrêts directement imputables à l’accident n’avaient perduré que jusqu’au 26 octobre 2015.
Le tribunal devait déterminer si les arrêts de travail prescrits postérieurement au 26 octobre 2015 étaient imputables à l’accident du travail initial et, partant, opposables à l’employeur.
Le tribunal a déclaré inopposables à la société les arrêts de travail prescrits à compter du 27 octobre 2015, conformément aux conclusions de l’expertise médicale.
L’intérêt de cette décision réside dans l’articulation entre la présomption d’imputabilité et sa réfutation par l’expertise médicale (I), ainsi que dans les conséquences procédurales et financières de l’accord des parties sur les conclusions expertales (II).
I. La présomption d’imputabilité et sa réfutation par l’expertise médicale
A. Le mécanisme de la présomption légale d’imputabilité
Le tribunal rappelle le principe posé par l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale : « toute lésion qui se produit dans un accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail doit être considérée, sauf preuve du contraire, comme résultant d’un accident du travail ». Cette présomption simple facilite la prise en charge des victimes d’accidents professionnels. Elle dispense le salarié de prouver le lien de causalité entre l’accident et les lésions constatées.
La jurisprudence de la Cour de cassation a précisé que cette présomption s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits jusqu’à la consolidation. L’employeur supporte donc la charge d’apporter un commencement de preuve contraire pour remettre en cause cette imputation. Le tribunal souligne que ce commencement de preuve peut résider dans « un élément médical concernant la pathologie de l’accidenté de nature à exclure, en tout ou partie, le rôle causal du travail ».
En l’espèce, les réserves initiales de l’employeur ne suffisaient pas à renverser la présomption. Seule une expertise médicale pouvait établir objectivement la durée réelle d’imputation des lésions à l’accident.
B. L’expertise médicale, instrument de réfutation de la présomption
L’expertise ordonnée par le tribunal a permis de distinguer les conséquences directes de l’accident d’un état pathologique indépendant. Le rapport du 2 octobre 2023 conclut que « les soins et les arrêts de travail prescrits directement imputables à l’accident du travail n’ont perduré que jusqu’au 26 octobre 2015 ». Les prescriptions postérieures relèvent d’un « état indépendant évoluant pour son propre compte ».
Cette distinction entre imputabilité directe et état antérieur ou concomitant constitue un enjeu majeur du contentieux de la sécurité sociale. La charge financière des arrêts de travail influe directement sur le taux de cotisation accidents du travail de l’employeur. L’expertise sur pièces, sans examen de la victime, permet de statuer sur des éléments objectifs du dossier médical.
Le tribunal homologue les conclusions expertales sans les discuter. Cette position s’explique par l’accord des deux parties sur le rapport. L’absence de contestation de l’expertise par la caisse confirme la solidité des conclusions médicales.
II. Les conséquences de l’accord des parties sur les conclusions expertales
A. L’homologation judiciaire de l’accord
Le tribunal relève que « les deux parties sont parvenues à un accord qui apparaît conforme aux règles applicables et qu’il y a donc lieu d’homologuer ». Cette formulation traduit le contrôle exercé par le juge sur la conformité de l’accord au droit. L’homologation n’est pas automatique. Le tribunal vérifie que la solution respecte les dispositions légales applicables.
La procédure suivie illustre également les modalités de traitement des contentieux techniques de sécurité sociale. Les parties ont sollicité une dispense de comparution sur le fondement des articles R. 142-10-4 du Code de la sécurité sociale et 446-1 du Code de procédure civile. Cette faculté, justifiée par l’éloignement géographique, permet une gestion rationalisée du contentieux lorsque les parties s’accordent.
L’accord porte sur une inopposabilité partielle. La prise en charge reste opposable à l’employeur jusqu’au 26 octobre 2015. Cette solution préserve les droits de la victime, qui conserve le bénéfice de la législation professionnelle pour l’ensemble de ses arrêts.
B. La répartition des charges financières
Le tribunal condamne la caisse à supporter la charge définitive des frais d’expertise et à rembourser à l’employeur la somme de 960 euros avancée. Cette solution découle de la qualité de partie succombante de la caisse. L’article 696 du Code de procédure civile impose la charge des dépens à la partie qui perd le procès.
La portée financière de la décision dépasse les frais d’expertise. L’inopposabilité des arrêts de travail postérieurs au 26 octobre 2015 signifie que ces prestations ne seront pas imputées sur le compte employeur. Le taux de cotisation accidents du travail de la société ne sera pas majoré par ces dépenses.
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui permet aux employeurs de contester l’imputation d’arrêts de travail prolongés lorsqu’un état pathologique indépendant interfère avec les suites de l’accident initial. Elle rappelle l’importance de l’expertise médicale comme outil de vérification de l’imputabilité réelle des lésions au fait accidentel.