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Le contrat conclu entre un professionnel et un consommateur confère à ce dernier des prérogatives protectrices dont la mise en œuvre contentieuse soulève des questions relatives à la charge probatoire et aux conditions du référé-provision. Le tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé le 20 juin 2025, a eu à connaître de telles difficultés dans une affaire opposant un particulier à une société spécialisée dans l’aménagement intérieur.
Un consommateur avait commandé une cuisine équipée auprès d’une société, moyennant un prix dont deux acomptes furent versés en octobre et décembre 2023, pour un montant total de 5.280 euros. La livraison devait intervenir avant le 15 janvier 2024. Ce délai ne fut pas respecté. Le consommateur refusa l’avoir proposé par le professionnel. Par courrier recommandé du 25 avril 2024, il mit en demeure la société de procéder à la livraison. Cette mise en demeure demeura infructueuse. Le 17 mai 2024, il notifia la résolution du contrat conformément aux dispositions du code de la consommation.
Par acte de commissaire de justice du 25 novembre 2024, le consommateur assigna la société devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé. Il sollicitait la condamnation de la défenderesse au paiement d’une provision de 5.486,77 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2024, de leur capitalisation, ainsi que d’une indemnité de 800 euros au titre des frais irrépétibles. L’affaire fut redistribuée au pôle civil de proximité du tribunal judiciaire de Paris et appelée à l’audience du 19 mai 2025. La société défenderesse, régulièrement convoquée, ne comparut ni ne se fit représenter.
Le juge des référés était saisi de la question suivante : le consommateur qui a régulièrement résolu un contrat de vente pour défaut de livraison peut-il obtenir en référé le remboursement des acomptes versés au titre d’une créance non sérieusement contestable ?
Le tribunal fit partiellement droit aux demandes. Il condamna la société au paiement d’une provision de 5.280 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation, rejeta la demande de capitalisation des intérêts et accorda l’indemnité sollicitée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette ordonnance illustre le régime du référé-provision appliqué aux obligations de remboursement nées de la résolution d’un contrat de consommation (I), tout en révélant les exigences probatoires auxquelles demeure soumis le créancier même en présence d’une défenderesse défaillante (II).
I. Le remboursement consécutif à la résolution contractuelle, fondement d’une créance non sérieusement contestable
Le tribunal retient l’existence d’une créance justifiant l’octroi d’une provision en se fondant sur le mécanisme de résolution unilatérale du contrat prévu par le code de la consommation (A), ce qui permet de caractériser l’absence de contestation sérieuse requise en matière de référé-provision (B).
A. La résolution unilatérale pour inexécution, source de l’obligation de remboursement
Le tribunal se fonde sur les articles L. 216-6 et L. 216-7 du code de la consommation pour apprécier le bien-fondé de la demande. L’article L. 216-6 organise la faculté pour le consommateur de résoudre le contrat « si, après avoir mis en demeure le professionnel d’effectuer la délivrance ou de fournir le service dans un délai supplémentaire raisonnable, ce dernier ne s’est pas exécuté dans ce délai ». L’ordonnance constate que le demandeur a respecté ce formalisme en adressant une mise en demeure le 25 avril 2024 avant de notifier la résolution le 17 mai 2024.
L’article L. 216-7 impose au professionnel de rembourser « la totalité des sommes versées, au plus tard dans les quatorze jours suivant la date à laquelle le contrat a été dénoncé ». Le tribunal relève que la société « ne justifie pas du règlement de sa dette de 5.280 euros ». La créance de remboursement apparaît ainsi comme la conséquence automatique de la résolution régulièrement prononcée.
La décision s’inscrit dans la logique protectrice du droit de la consommation qui permet au consommateur de se défaire unilatéralement d’un contrat inexécuté sans recourir au juge pour prononcer la résolution. Cette faculté, introduite par la réforme du droit des contrats de 2016 dans le droit commun et préexistante en droit de la consommation, renforce l’efficacité des droits du consommateur face à un professionnel défaillant.
B. L’absence de contestation sérieuse caractérisée par la défaillance du débiteur
Le tribunal statue au visa de l’article 835 du code de procédure civile qui permet au juge des référés d’accorder une provision « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ». L’ordonnance retient que le demandeur « justifie de l’existence d’une créance non contestable à son bénéfice ».
Cette appréciation s’appuie sur la production d’éléments probants : le devis signé le 24 octobre 2023, les relevés bancaires attestant du versement des acomptes, les échanges de courriels relatifs aux retards de livraison et les mises en demeure adressées à la société. Le juge applique également l’article 472 du code de procédure civile selon lequel « lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond » et le juge « ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».
La défaillance de la société ne dispense pas le juge d’un examen au fond mais facilite la caractérisation de l’absence de contestation sérieuse. En l’absence de toute argumentation adverse, les éléments produits par le demandeur suffisent à établir le caractère non sérieusement contestable de l’obligation. Cette solution confirme que le référé-provision constitue un instrument efficace de recouvrement pour le consommateur confronté à un professionnel qui se soustrait tant à ses obligations contractuelles qu’à la contradiction judiciaire.
II. Les limites de l’appréciation favorable au créancier en matière de demandes accessoires
Si le tribunal accueille la demande principale, il en va différemment de certaines demandes accessoires dont le rejet illustre les exigences probatoires maintenues à l’égard du demandeur (A), témoignant d’un contrôle judiciaire préservé malgré l’absence du défendeur (B).
A. Le rejet partiel fondé sur l’insuffisance des justificatifs produits
Le tribunal refuse de faire courir les intérêts à compter du 9 novembre 2024, date à laquelle le demandeur prétendait avoir adressé une mise en demeure. L’ordonnance relève que le demandeur « ne justifie pas de l’envoi d’une mise en demeure en format recommandé le 9 novembre 2024 ». Les intérêts ne courent qu’à compter de la délivrance de l’assignation, soit le 25 novembre 2024.
Cette solution fait application de l’article 1231-6 du code civil qui prévoit que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, lequel court à compter de la mise en demeure. Le tribunal exige la preuve de l’envoi en recommandé pour retenir la date invoquée, le simple courriel ou la lettre simple ne suffisant pas à constituer une interpellation suffisante.
Le tribunal rejette également la demande de capitalisation des intérêts au motif que « le demandeur ne justifie pas d’une clause contractuelle la prévoyant et la nature du litige ne la justifiant pas ». L’anatocisme, prévu par l’article 1343-2 du code civil, suppose en effet que les intérêts soient dus pour une année entière. En l’espèce, le délai écoulé entre l’assignation et le délibéré ne permet pas de remplir cette condition.
B. Le maintien d’un contrôle juridictionnel effectif en dépit de la non-comparution
L’ordonnance illustre le rôle du juge des référés qui, même en l’absence du défendeur, ne se borne pas à entériner les demandes du requérant. L’article 472 du code de procédure civile impose au juge de vérifier le caractère régulier, recevable et bien fondé de la demande. Le tribunal fait preuve de rigueur en distinguant ce qui est établi par les pièces produites de ce qui relève de la simple allégation.
Cette approche préserve l’équilibre du procès civil. Le défendeur défaillant ne comparaît pas mais ses droits demeurent protégés par l’exigence de preuve pesant sur le demandeur. La provision accordée reste provisoire par nature et ne préjuge pas du fond du litige qui pourrait être ultérieurement soumis au juge du principal.
La portée de cette ordonnance réside dans la confirmation de l’efficacité du mécanisme de résolution unilatérale du code de la consommation combiné au référé-provision. Le consommateur peut obtenir rapidement le remboursement des sommes versées à un professionnel défaillant sans attendre une procédure au fond. Cette solution devrait être maintenue par la jurisprudence dès lors que le consommateur respecte le formalisme légal et produit les pièces justificatives attendues.