Tribunal judiciaire de Paris, le 20 juin 2025, n°25/05300

La caducité de l’acte introductif d’instance pour défaut de comparution du demandeur constitue une sanction procédurale dont l’application soulève des questions relatives à l’équilibre entre la bonne administration de la justice et le droit d’accès au juge.

Par acte du 19 mai 2025, une demanderesse a assigné un défendeur devant le Tribunal judiciaire de Paris, pôle civil de proximité, pour l’audience du 20 juin 2025. À cette date, ni la demanderesse ni son conseil n’ont comparu. Le défendeur, également absent, n’a pas sollicité de décision au fond.

Le Tribunal judiciaire de Paris, statuant par décision du 20 juin 2025, a déclaré la citation caduque sur le fondement de l’article 468 alinéa 2 du code de procédure civile. Le juge a constaté l’extinction de l’instance et mis les dépens à la charge de la demanderesse. Il a rappelé que cette caducité pouvait être rapportée dans un délai de quinze jours si la demanderesse faisait connaître un motif légitime justifiant son absence.

La question posée au juge était celle de savoir si l’absence du demandeur à l’audience, sans motif légitime, devait entraîner la caducité de la citation lorsque le défendeur ne sollicite pas de jugement au fond.

Le Tribunal a répondu par l’affirmative. Il a relevé que la demanderesse « n’a pas comparu à l’audience » et qu’« elle n’a présenté aucun motif légitime justifiant son absence ». Constatant par ailleurs que « le défendeur n’a pas sollicité de décision au fond », le juge en a déduit qu’il convenait « de déclarer d’office la citation caduque ».

Cette décision illustre la mise en œuvre du mécanisme de la caducité comme instrument de régulation du contentieux (I) tout en révélant les tempéraments apportés à cette sanction par la possibilité d’un relevé de caducité (II).

I. La caducité de la citation, sanction du défaut de diligence du demandeur

La caducité prononcée par le Tribunal repose sur un fondement textuel précis (A) et produit des effets extinctifs sur l’instance (B).

A. Le fondement légal de la caducité pour défaut de comparution

L’article 468 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que si le demandeur ne comparaît pas sans motif légitime, la citation peut être déclarée caduque. Cette disposition organise une sanction de l’inertie procédurale du plaideur qui a pris l’initiative de saisir la juridiction.

Le Tribunal de Paris fait application de ce texte en constatant la réunion de ses conditions. La demanderesse avait introduit l’instance par acte du 19 mai 2025. Elle disposait donc d’un délai suffisant pour préparer sa comparution. Son absence à l’audience du 20 juin 2025, conjuguée à celle de son avocat, caractérise un défaut de comparution au sens de l’article 468.

La décision relève qu’aucun « motif légitime » n’a été présenté. Cette exigence traduit la volonté du législateur de ne pas sanctionner automatiquement toute absence. Seule l’absence injustifiée déclenche la caducité. Le juge dispose ainsi d’un pouvoir d’appréciation, même si la formulation de la décision suggère que ce pouvoir est encadré par l’absence de tout élément justificatif porté à la connaissance du tribunal.

B. Les effets de la caducité sur l’instance

La caducité entraîne l’extinction de l’instance. Le Tribunal « constate l’extinction de l’instance dont les dépens resteront à la charge de la demanderesse ». Cette formulation révèle la double conséquence de la sanction.

L’extinction de l’instance signifie que le lien juridique d’instance créé par la citation disparaît. Le défendeur est libéré de l’obligation de se défendre. L’affaire n’est plus pendante devant la juridiction. Cette extinction n’emporte toutefois pas les effets d’un jugement au fond. La demanderesse conserve la faculté d’introduire une nouvelle instance, sous réserve des règles de prescription.

L’imputation des dépens à la demanderesse constitue la traduction financière de sa défaillance. Ayant pris l’initiative du procès puis l’ayant abandonné, elle doit en supporter les frais. Cette solution s’inscrit dans la logique selon laquelle les dépens suivent le sort de l’instance et pèsent sur la partie qui succombe ou qui, comme en l’espèce, provoque l’extinction prématurée de l’instance.

II. Le tempérament de la caducité par le mécanisme du relevé

La rigueur de la caducité est atténuée par la possibilité offerte au demandeur de la faire rapporter (A), ce qui traduit une conception équilibrée de la sanction procédurale (B).

A. La faculté de relevé de caducité

Le Tribunal rappelle dans son dispositif que « la déclaration de caducité peut être rapportée dans un délai de 15 jours si la demanderesse fait connaître le motif légitime pour lequel elle n’a pas comparu ». Ce rappel, qui figure expressément dans la décision, constitue une garantie procédurale essentielle.

L’article 468 du code de procédure civile organise ce mécanisme de relevé. Le demandeur défaillant n’est pas définitivement privé de son droit d’action par la seule déclaration de caducité. Il dispose d’un délai de quinze jours pour justifier de son absence. Si le motif est reconnu légitime, la caducité est rapportée et l’instance reprend son cours.

Cette faculté suppose une démarche active du demandeur. Il ne s’agit pas d’une voie de recours au sens strict mais d’un mécanisme de régularisation. Le demandeur doit établir que son absence procédait d’une cause qui, si elle avait été connue du juge, aurait conduit celui-ci à ne pas prononcer la caducité. La maladie, l’accident, l’erreur excusable sur la date d’audience peuvent constituer de tels motifs.

B. L’équilibre entre efficacité procédurale et accès au juge

La décision du Tribunal de Paris illustre la recherche d’un équilibre entre deux impératifs. La bonne administration de la justice commande que les instances ne demeurent pas indéfiniment pendantes lorsque le demandeur se désintéresse de son procès. Le droit d’accès au juge, garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, impose que les sanctions procédurales ne privent pas définitivement le justiciable de la possibilité de faire valoir ses droits.

La caducité réalise cet équilibre. Elle sanctionne l’inertie sans fermer définitivement la voie judiciaire. Le demandeur peut rapporter la caducité dans le délai de quinze jours. À défaut, il peut réintroduire une nouvelle instance. La sanction porte sur l’instance et non sur le droit substantiel.

La portée de cette décision demeure limitée. Il s’agit d’une application mécanique d’un texte clair à une situation dépourvue d’ambiguïté. L’absence non justifiée du demandeur, combinée à l’absence de demande du défendeur tendant à un jugement au fond, ne laissait au juge d’autre option que la déclaration de caducité. Cette solution, conforme à la lettre et à l’esprit de l’article 468 du code de procédure civile, participe de la maîtrise du temps judiciaire sans sacrifier les garanties fondamentales du procès.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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