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La tension entre le droit du crédit à la consommation et les clauses pénales constitue un terrain fertile de contentieux. Le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement du 23 juin 2025, offre une illustration éclairante de cette confrontation entre les intérêts du prêteur et la protection de l’emprunteur défaillant.
Une société de financement avait consenti à un particulier, selon offre acceptée le 13 octobre 2021, un prêt personnel de 30 000 euros remboursable au taux conventionnel de 3,49 % l’an en 72 mensualités de 501,12 euros. L’emprunteur ayant cessé de régler ses échéances à compter du 30 juin 2023, le prêteur lui adressa une mise en demeure le 18 octobre 2023 puis prononça la déchéance du terme le 15 novembre 2023. Le prêteur réclamait le paiement de 25 026,42 euros, somme incluant une indemnité contractuelle de 8 % représentant 1 814,56 euros, outre la capitalisation des intérêts.
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris devait déterminer si l’action était recevable au regard du délai de forclusion biennale, si la déchéance du terme avait été valablement prononcée, et si les sommes réclamées, notamment l’indemnité de 8 % et la capitalisation des intérêts, pouvaient être accordées.
Le tribunal déclara l’action recevable, constata la validité de la déchéance du terme et condamna l’emprunteur au paiement de 23 211,86 euros avec intérêts au taux contractuel à compter de l’assignation. Le juge réduisit toutefois à néant l’indemnité de 8 % qualifiée de « clause pénale excessive pouvant être modérée par le juge » et rejeta la demande de capitalisation des intérêts.
Cette décision illustre le pouvoir modérateur du juge sur les stipulations contractuelles dans le crédit à la consommation (I) tout en rappelant les limites strictes posées par le législateur aux sommes susceptibles d’être réclamées à l’emprunteur défaillant (II).
I. Le pouvoir modérateur du juge sur l’indemnité contractuelle
Le tribunal exerce pleinement son office en réduisant la clause pénale (A), manifestant ainsi la portée protectrice du droit de la consommation (B).
A. La réduction de la clause pénale à néant
Le prêteur réclamait une indemnité de 8 % du capital restant dû, soit 1 814,56 euros. Le juge des contentieux de la protection réduisit cette indemnité « à néant, en tant que clause pénale excessive pouvant être modérée par le juge ». Cette motivation, bien que succincte, trouve son fondement dans l’article 1231-5 du code civil qui confère au juge le pouvoir de modérer toute peine manifestement excessive.
Cette réduction intégrale constitue une application rigoureuse du pouvoir de modération judiciaire. Le juge n’a pas simplement diminué le montant réclamé mais l’a totalement supprimé. Une telle décision suppose que le tribunal ait estimé l’indemnité disproportionnée au regard du préjudice effectivement subi par le créancier. Or, le créancier perçoit déjà les intérêts de retard au taux contractuel de 3,49 %. L’indemnité additionnelle apparaissait dès lors comme une sanction excessive de la défaillance.
B. La protection effective de l’emprunteur consommateur
Cette décision s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle favorable à l’emprunteur. Le juge des contentieux de la protection dispose d’une compétence spéciale en matière de crédit à la consommation qui lui confère un rôle de gardien de l’équilibre contractuel. Le tribunal pouvait soulever d’office les moyens tirés du caractère excessif de la clause pénale, ce qu’il fit en l’espèce malgré l’absence du défendeur.
La réduction à néant plutôt qu’à un montant intermédiaire traduit une conception exigeante de la protection du consommateur. Le juge refuse d’avaliser des stipulations contractuelles qui, bien que formellement régulières, aboutiraient à aggraver de manière disproportionnée la situation d’un débiteur déjà défaillant.
II. L’interdiction de la capitalisation des intérêts en matière de crédit à la consommation
Le tribunal rappelle le principe de l’interdiction de l’anatocisme (A) en se fondant sur le caractère limitatif des sommes exigibles (B).
A. Le rejet de la demande de capitalisation
Le prêteur sollicitait la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil. Le tribunal rejeta cette demande en énonçant que « la capitalisation des intérêts, dite encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation ». Cette prohibition ne résulte pas d’un texte explicite mais d’une construction jurisprudentielle fondée sur le caractère d’ordre public du régime protecteur du consommateur.
La capitalisation aurait permis aux intérêts échus de produire eux-mêmes des intérêts, alourdissant mécaniquement la dette du consommateur. Le refus de ce mécanisme financier protège l’emprunteur contre une spirale d’endettement que le législateur a précisément voulu prévenir.
B. Le caractère limitatif des sommes exigibles
Le tribunal fonde son refus sur l’article L.312-38 du code de la consommation selon lequel « aucune indemnité ni aucun frais, autres que ceux mentionnés aux articles L.312-39 et L.312-40 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur ». Ces articles énumèrent limitativement les sommes susceptibles d’être réclamées en cas de défaillance : le capital restant dû, les intérêts échus et une indemnité plafonnée.
Cette interprétation stricte des textes exclut toute créance qui ne serait pas expressément prévue par le législateur. La capitalisation des intérêts, mécanisme de droit commun, ne figure pas parmi les sommes énumérées. Elle ne saurait donc être accordée sans méconnaître le caractère d’ordre public de ces dispositions protectrices. Le tribunal réaffirme ainsi que le droit spécial de la consommation prime sur le droit commun des obligations lorsqu’il s’agit de protéger l’emprunteur.