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Le surendettement des particuliers constitue un domaine où la protection du débiteur se conjugue avec les droits des créanciers. Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 16 juin 2025 illustre le contrôle exercé par le juge sur les mesures recommandées par la commission de surendettement, tout en confirmant l’équilibre recherché par le législateur.
En l’espèce, deux époux avaient saisi la commission de surendettement le 19 mars 2024. Leur demande fut déclarée recevable le 16 avril 2024. La commission recommanda, lors de sa séance du 9 juillet 2024, un plan comportant sept mensualités de 754 euros à un taux maximum de 4,92 %. Les débiteurs contestèrent cette décision, souhaitant obtenir une mensualité plus faible étalée sur douze mois.
Le tribunal judiciaire de Pontoise, saisi du recours formé le 25 juillet 2024, a examiné la contestation à l’audience du 19 mai 2025. Les débiteurs ont fait valoir l’évolution de leur situation professionnelle, notamment la reprise d’emploi du mari avec un salaire de 1 900 euros et les revenus de l’épouse de 1 320 euros mensuels, outre les prestations sociales.
La question posée au juge était de déterminer si le plan élaboré par la commission correspondait aux facultés contributives réelles des débiteurs, compte tenu de l’évolution de leurs ressources.
Le tribunal a confirmé le plan recommandé par la commission, considérant qu’il demeurait adapté à la situation des débiteurs au regard de leurs revenus actualisés de 3 770,48 euros et de leurs charges inchangées.
Cette décision invite à examiner le pouvoir d’appréciation du juge dans le contrôle des mesures de surendettement (I) avant d’envisager les effets du plan sur la situation des parties (II).
I. Le contrôle judiciaire des mesures recommandées par la commission de surendettement
Le juge dispose d’un pouvoir étendu lorsqu’il est saisi d’un recours contre les mesures recommandées (A), qu’il exerce par une appréciation concrète des facultés contributives du débiteur (B).
A. L’étendue du pouvoir juridictionnel en matière de surendettement
Le tribunal rappelle que « lorsqu’il est saisi de la contestation des mesures recommandées par une commission de surendettement, le juge est investi de la mission de traiter l’ensemble de la situation de surendettement du débiteur ». Cette formulation traduit la plénitude de juridiction conférée au magistrat par les articles L 733-12, L 733-13, L 733-1 et L 733-7 du code de la consommation.
Le juge n’est pas lié par les propositions de la commission. Il peut adopter des mesures différentes, plus favorables ou plus contraignantes selon les circonstances. Cette faculté garantit un examen individualisé de chaque situation, au-delà de l’appréciation administrative initiale.
La recevabilité du recours, formé dans les délais de l’article R 733-6 du code de la consommation, constitue le préalable nécessaire à l’exercice de ce pouvoir. En l’espèce, le tribunal déclare le recours recevable mais mal fondé, distinguant ainsi la régularité procédurale du bien-fondé substantiel de la contestation.
B. L’appréciation concrète des facultés contributives
L’article L 731-2 du code de la consommation impose au juge de laisser au débiteur une part de ressources « nécessaire aux dépenses courantes du ménage ». Cette part ne peut être inférieure au montant forfaitaire du revenu de solidarité active prévu à l’article L 262-2 du code de l’action sociale et des familles.
Le tribunal procède à une actualisation des revenus des débiteurs. Il relève des ressources de 3 770,48 euros, supérieures aux 3 112 euros retenus par la commission. Les débiteurs « ne justifient d’aucune charge différente de celles retenues par la commission ». Cette insuffisance probatoire justifie le maintien du plan initial.
La méthode retenue témoigne d’un contrôle pragmatique. Le juge calcule les revenus sur la moyenne des trois derniers mois, intégrant salaires et prestations sociales. Il refuse de prendre en compte des charges non démontrées, appliquant ainsi le principe selon lequel la charge de la preuve incombe à celui qui conteste la mesure.
II. Les effets du plan de redressement sur les droits des parties
Le plan homologué emporte des conséquences sur l’exécution des obligations (A) et soumet les débiteurs à un régime contraignant durant sa mise en œuvre (B).
A. La suspension des voies d’exécution et la substitution aux conventions antérieures
Le jugement précise que la décision « a pour effet de suspendre les cessions des rémunérations éventuellement consenties » par les débiteurs. Les mesures de redressement « se substituant aux conventions antérieurement conclues entre les débiteurs et leurs créanciers afin d’apurer leurs dettes ».
Cette substitution manifeste le caractère d’ordre public de la procédure de surendettement. Les accords privés cèdent devant la décision judiciaire, assurant l’égalité de traitement entre créanciers. Le plan devient le cadre exclusif d’apurement du passif.
Le tribunal fait également « obstacle à l’engagement de nouvelles mesures d’exécution par des créanciers parties à la décision, en ce compris les créanciers régulièrement appelés et qui n’ont pas produit leur créance ». Cette disposition protège le débiteur contre les poursuites individuelles pendant l’exécution du plan, y compris de la part des créanciers négligents.
B. Les obligations et sanctions pesant sur les débiteurs
Le régime du plan impose aux débiteurs des obligations strictes. Ils ne peuvent « contracter de nouvelles dettes, ni accomplir des actes de disposition de leur patrimoine sous peine d’être déchus du bénéfice de la présente décision ». Cette interdiction préserve le gage des créanciers et garantit la sincérité de la démarche des débiteurs.
La sanction du défaut de paiement est également prévue : « à défaut de paiement d’une seule mensualité à son échéance la présente décision sera caduque de plein droit, après mise en demeure restée infructueuse ». Cette caducité automatique constitue une épée de Damoclès incitant au respect scrupuleux des échéances.
Le tribunal rappelle enfin que « l’exécution provisoire de la présente décision est de droit », conformément aux dispositions processuelles applicables. Le plan entre immédiatement en vigueur, les premiers versements devant intervenir le 10 août 2025. Cette exécution provisoire de droit traduit l’urgence sociale attachée au traitement du surendettement, où tout retard aggrave la situation des parties.