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Le contrôle juridictionnel des hospitalisations psychiatriques contraintes constitue une garantie fondamentale des libertés individuelles. La présente ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Pontoise le 17 juin 2025 illustre le mécanisme de saisine obligatoire du juge des libertés et de la détention prévu par le code de la santé publique.
Les faits de l’espèce se résument ainsi. Une patiente, née le 14 décembre 1969, fait l’objet d’une mesure de soins psychiatriques sous contrainte depuis le 10 juin 2025, sous la forme d’une hospitalisation complète au sein d’un établissement situé dans le Val-d’Oise. Le directeur de l’hôpital saisit le juge le 16 juin 2025 aux fins de contrôle de la nécessité du maintien de cette hospitalisation.
La procédure se déroule dans le cadre de la saisine obligatoire prévue à l’article L3211-12-1 du code de la santé publique. Un avocat est désigné d’office pour représenter la patiente. Celle-ci refuse de comparaître à l’audience, ainsi que l’atteste un certificat médical du 17 juin 2025. Le ministère public transmet des réquisitions écrites. L’audience se tient dans une salle située au sein même de l’établissement hospitalier.
La question posée au juge est la suivante : les conditions légales du maintien d’une hospitalisation psychiatrique complète sous contrainte sont-elles réunies lorsque le patient refuse de comparaître et que les certificats médicaux attestent de troubles mentaux excluant tout consentement aux soins ?
Le tribunal judiciaire de Pontoise ordonne le maintien de l’hospitalisation complète. Le juge constate que « les pièces produites au dossier et notamment les certificats médicaux et l’avis motivé confirment que l’état de l’intéressée n’est pas stabilisé et qu’au vu des avis médicaux, il existe des troubles mentaux qui ne permettent pas un consentement réel aux soins ». Il ajoute que « l’état de la personne impose des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ».
Cette décision invite à examiner le cadre procédural du contrôle juridictionnel de l’hospitalisation contrainte (I) avant d’analyser les conditions de fond justifiant le maintien de la mesure (II).
I. Le cadre procédural du contrôle juridictionnel de l’hospitalisation contrainte
L’ordonnance commentée met en lumière tant le mécanisme de la saisine obligatoire du juge (A) que les garanties procédurales entourant l’exercice de ce contrôle (B).
A. La saisine obligatoire du juge des libertés et de la détention
Le législateur a instauré par la loi du 5 juillet 2011 un contrôle juridictionnel systématique des hospitalisations psychiatriques contraintes. L’article L3211-12-1 du code de la santé publique impose au directeur de l’établissement de saisir le juge des libertés et de la détention avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission. Cette saisine n’est pas facultative ; elle constitue une obligation légale dont le non-respect entraîne la mainlevée de la mesure.
En l’espèce, le tribunal relève que « les délais de saisine de l’article L3211-12-1 du code de la santé publique ont été respectés ». La patiente ayant été admise le 10 juin 2025, la requête du directeur en date du 16 juin 2025 intervient dans le délai légal. Le juge statue le 17 juin 2025, soit au septième jour suivant l’admission.
Ce mécanisme de saisine obligatoire répond aux exigences constitutionnelles posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 novembre 2010. La haute juridiction avait alors censuré l’absence d’intervention systématique du juge judiciaire en matière d’hospitalisation d’office, rappelant que l’article 66 de la Constitution fait de l’autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle. Le dispositif actuel garantit qu’aucune privation de liberté pour motif psychiatrique ne puisse se prolonger au-delà de quelques jours sans validation judiciaire.
B. Les garanties procédurales du contrôle
L’ordonnance illustre la mise en œuvre des garanties procédurales entourant le contrôle juridictionnel. La patiente bénéficie de l’assistance d’un avocat désigné d’office. Les avis d’audience sont adressés à l’ensemble des parties intéressées : la patiente elle-même, le directeur de l’hôpital, le tiers demandeur de l’hospitalisation, le ministère public. Ce dernier transmet des réquisitions écrites.
L’audience se tient « en salle d’audience située à l’hôpital », conformément aux dispositions de l’article R3211-10 du code de la santé publique qui autorise le juge à siéger au sein de l’établissement de santé. Cette localisation vise à faciliter la comparution des patients et à permettre au juge d’appréhender le contexte de la mesure.
La patiente est mentionnée comme « non comparante (refus de se présenter) ». Le certificat médical de situation atteste de ce refus. Cette situation soulève la question de l’effectivité du droit d’être entendu. Le code de la santé publique prévoit que le juge peut statuer sans audition du patient si celui-ci refuse de comparaître ou si son état de santé ne le permet pas. L’article R3211-12 précise que le juge recueille alors l’avis du médecin. En l’espèce, le tribunal se fonde sur le certificat médical attestant du refus de comparution et statue par ordonnance qualifiée de contradictoire, la patiente étant représentée par son avocat.
II. Les conditions de fond du maintien de l’hospitalisation complète
Le juge vérifie l’existence de troubles mentaux justifiant la contrainte (A) et contrôle la nécessité de la forme hospitalière des soins (B).
A. L’existence de troubles mentaux excluant le consentement
Le maintien de l’hospitalisation contrainte suppose la persistance de troubles mentaux rendant impossibles le consentement aux soins. L’article L3212-1 du code de la santé publique exige que les troubles rendent impossible le consentement et que l’état de la personne impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante.
Le tribunal relève que « les pièces produites au dossier et notamment les certificats médicaux et l’avis motivé confirment que l’état de l’intéressée n’est pas stabilisé et qu’au vu des avis médicaux, il existe des troubles mentaux qui ne permettent pas un consentement réel aux soins ». Cette formulation reprend les critères légaux en distinguant deux éléments : d’une part l’existence de troubles mentaux, d’autre part l’impossibilité d’un consentement « réel » aux soins.
La notion de consentement « réel » mérite attention. Elle implique que le juge ne se contente pas de constater un refus de soins exprimé par le patient. Un tel refus peut précisément résulter des troubles mentaux eux-mêmes, ce qui justifie la contrainte. Le contrôle porte sur la capacité du patient à comprendre la nécessité des soins et à y adhérer de manière éclairée. Cette appréciation repose essentiellement sur les certificats médicaux versés au dossier, le juge n’étant pas médecin.
La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que le juge doit vérifier l’existence des troubles au moment où il statue. Le caractère « non stabilisé » de l’état de la patiente, mentionné par l’ordonnance, indique la persistance des troubles et justifie la prolongation de la mesure.
B. La nécessité de l’hospitalisation complète
Le législateur a prévu plusieurs modalités de prise en charge des soins psychiatriques sans consentement. L’hospitalisation complète n’en constitue qu’une forme, la plus attentatoire à la liberté. Elle doit être justifiée par la nécessité d’une surveillance constante.
L’ordonnance retient que « l’état de la personne impose des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ». Cette motivation répond à l’exigence légale de proportionnalité. Le juge doit vérifier que la forme d’hospitalisation complète demeure adaptée à l’état du patient et qu’une prise en charge moins restrictive ne suffirait pas.
La loi du 27 septembre 2013 a renforcé cette exigence en créant l’article L3211-2-1 qui dispose que la restriction à l’exercice des libertés individuelles doit être « adaptée, nécessaire et proportionnée » à l’état mental du patient. Le juge exerce ainsi un contrôle de proportionnalité entre la gravité de l’atteinte à la liberté et la nécessité médicale.
En l’espèce, la motivation demeure succincte. Le tribunal se borne à reprendre les termes légaux sans expliciter les éléments médicaux justifiant le caractère indispensable de la surveillance constante. Cette concision s’explique par la nature de la procédure et le délai bref dans lequel le juge doit statuer. Elle n’en soulève pas moins la question de l’intensité du contrôle juridictionnel sur les décisions médicales. La Cour européenne des droits de l’homme exige un contrôle effectif de la nécessité de la privation de liberté pour raisons psychiatriques. La présente ordonnance satisfait formellement à cette exigence en constatant la réunion des conditions légales, laissant toutefois une large place à l’appréciation médicale.