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Le désistement d’instance et d’action constitue l’une des causes d’extinction de l’instance prévues par le Code de procédure civile. Cette modalité de fin du procès, laissée à l’initiative du demandeur, obéit à un régime juridique précis dont les conditions varient selon que le défendeur a ou non présenté des moyens de défense. Le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Libourne le 16 juin 2025 illustre le mécanisme du désistement parfait et ses conséquences procédurales.
Une société avait saisi le Tribunal judiciaire par lettre adressée au greffe le 16 janvier 2025 d’une demande dirigée contre une personne physique. Par courriel du 13 juin 2025, la demanderesse a déclaré expressément se désister de son instance et renoncer à son action. La défenderesse n’avait présenté aucun moyen de défense et n’a pas comparu à l’audience du 16 juin 2025.
Le tribunal devait déterminer si le désistement pouvait être déclaré parfait sans acceptation expresse du défendeur, puis en tirer les conséquences sur l’extinction de l’instance et de l’action.
Le tribunal a constaté le caractère parfait du désistement, prononcé son dessaisissement par l’effet de l’extinction de l’instance et de la renonciation à l’action, et condamné la partie demanderesse aux dépens en application de l’article 399 du Code de procédure civile.
La décision invite à examiner les conditions de perfection du désistement d’instance et d’action (I), avant d’en analyser les effets procéduraux (II).
I. Les conditions de perfection du désistement
Le désistement suppose la réunion de conditions tenant à la volonté du demandeur (A) et, le cas échéant, à l’acceptation du défendeur (B).
A. L’expression de la volonté de se désister
L’article 394 du Code de procédure civile dispose que « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Le désistement d’instance constitue un acte unilatéral par lequel le demandeur renonce à poursuivre la procédure qu’il a engagée. En l’espèce, la société demanderesse a manifesté sa volonté par courriel du 13 juin 2025. Le tribunal relève qu’elle « déclare expressément se désister de son instance et renoncer à son action ».
Cette formulation revêt une importance particulière. Le demandeur n’a pas seulement entendu mettre fin à l’instance en cours, ce qui aurait laissé intacte sa faculté d’introduire ultérieurement une nouvelle demande sur le même fondement. Il a également renoncé à son action, c’est-à-dire au droit d’agir lui-même. L’article 395 du Code de procédure civile distingue en effet le désistement d’instance, qui n’emporte pas renonciation à l’action, du désistement d’action, lequel implique que le demandeur abandonne définitivement toute prétention. La combinaison des deux formes de désistement manifeste une volonté non équivoque d’éteindre définitivement le litige.
Le mode de transmission de cette volonté par voie électronique ne soulève pas de difficulté. Les textes n’imposent aucun formalisme particulier pour le désistement, qui peut résulter d’une déclaration écrite adressée au greffe ou à la juridiction.
B. La dispense d’acceptation du défendeur
L’article 395 alinéa 1er du Code de procédure civile prévoit que « le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur ». Cette exigence d’acceptation vise à protéger le défendeur qui pourrait avoir intérêt à obtenir une décision sur le fond, notamment pour bénéficier de l’autorité de la chose jugée. L’alinéa 2 du même article apporte toutefois une exception : « Toutefois, l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste. »
Le tribunal constate en l’espèce que « la partie défenderesse n’a présenté aucun moyen de défense ». La défenderesse n’a pas comparu à l’audience et n’avait formulé aucune contestation antérieurement au désistement. Dans ces conditions, son acceptation n’était pas requise pour que le désistement produise ses effets. Le tribunal pouvait donc constater le « caractère parfait du désistement du demandeur » sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’accord de la partie adverse.
Cette solution se justifie par l’absence d’intérêt légitime du défendeur à s’opposer au désistement lorsqu’il n’a manifesté aucune volonté de participer au procès. Dès lors que le défendeur n’a pas pris la peine de conclure ni de comparaître, il serait incohérent de lui reconnaître un droit de veto sur l’extinction de l’instance.
II. Les effets du désistement parfait
Le désistement parfait emporte extinction de l’instance et dessaisissement du juge (A), ainsi que des conséquences sur la charge des dépens (B).
A. L’extinction de l’instance et le dessaisissement du juge
L’article 385 du Code de procédure civile range le désistement parmi les causes d’extinction de l’instance. L’article 384 précise que « l’instance s’éteint accessoirement à l’action par l’effet […] du désistement d’action ». Le tribunal tire les conséquences de ces dispositions en constatant « le dessaisissement du Tribunal par l’effet de l’extinction de l’instance et la renonciation à l’action ».
Le dessaisissement du juge constitue l’effet procédural immédiat du désistement parfait. Le tribunal n’est plus investi du pouvoir de statuer sur le fond du litige. Il lui appartient seulement de constater l’extinction de l’instance par un jugement qui n’est pas une décision au fond mais un simple acte de constatation. La juridiction prend acte de la volonté des parties, ou en l’occurrence du demandeur seul, de mettre fin au procès.
La mention selon laquelle le tribunal « constate, en conséquence, l’extinction de l’instance et la renonciation à l’action » souligne la double dimension du désistement opéré. L’extinction de l’instance met fin à la procédure en cours. La renonciation à l’action interdit au demandeur de saisir à nouveau une juridiction de la même prétention. Le désistement d’action produit ainsi un effet comparable à l’autorité de la chose jugée, en ce qu’il empêche définitivement la réitération de la demande.
B. Les conséquences sur la charge des dépens
Le tribunal condamne la partie demanderesse au paiement des dépens en application de l’article 399 du Code de procédure civile. Ce texte dispose que « les frais de l’instance éteinte sont à la charge du demandeur, à moins que le juge n’en décide autrement par décision motivée et sauf convention contraire et licite des parties ».
La règle se justifie par l’idée que le demandeur, ayant pris l’initiative d’engager une procédure puis d’y renoncer, doit en assumer les conséquences financières. Le tribunal précise statuer « en l’absence d’allégation de convention contraire et licite », ce qui correspond à l’hypothèse de droit commun. Les parties auraient pu convenir d’une répartition différente des dépens, mais aucune convention en ce sens n’a été portée à la connaissance du juge.
Cette solution illustre le principe selon lequel le désistement, s’il permet au demandeur de se libérer du procès, ne le dispense pas d’en supporter les frais. La condamnation aux dépens sanctionne en quelque sorte la légèreté procédurale de celui qui a mobilisé l’appareil judiciaire sans aller jusqu’au terme de l’instance. Elle préserve également les intérêts du défendeur qui, même sans avoir conclu, a pu engager des frais à raison de la procédure introduite contre lui.