Tribunal judiciaire de Rennes, le 16 juin 2025, n°25/04982

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L’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes le 16 juin 2025 statue sur une troisième prolongation de rétention administrative. Elle intervient à la suite de deux décisions antérieures de prolongation, respectivement le 21 avril 2025 par le juge compétent à Rouen et le 17 mai 2025 à Rennes, dans le cadre d’une mesure d’éloignement non exécutée faute de documents de voyage. L’intéressé, placé en rétention, a parallèlement fait l’objet d’une hospitalisation complète sous contrainte en raison de troubles psychiatriques, consécutifs à un incident survenu dans les locaux de rétention.

La procédure révèle que l’autorité préfectorale a saisi le juge aux fins d’une nouvelle prolongation de quinze jours, sur le fondement de l’article L.742-5 du CESEDA. Le conseil de l’intéressé a soulevé, d’une part, l’irrégularité tirée du cumul de deux mesures privatives de liberté et, d’autre part, l’incompatibilité manifeste de l’état de santé avec tout maintien en rétention. Le juge a écarté le premier moyen comme infondé et a considéré le second non démontré au vu des pièces, retenant l’existence d’une prise en charge médicale adaptée sous hospitalisation complète.

La question posée portait sur la compatibilité de la rétention administrative avec une hospitalisation sans consentement, et sur les conditions du renouvellement de la rétention lorsque l’éloignement dépend de la délivrance à bref délai de documents consulaires. Le juge répond en affirmant la compatibilité de principe des deux régimes et en vérifiant l’absence d’incompatibilité concrète liée à la santé, avant d’ordonner une prolongation supplémentaire de quinze jours en raison d’un empêchement temporaire imputable à l’absence de titres de voyage.

I – L’affirmation de la compatibilité entre rétention administrative et soins sans consentement

A – Une compatibilité de principe fondée sur la finalité distincte des mesures

Le juge rappelle, en des termes clairs, que « il est rappelé que les mesures de rétention administrative et d’hospitalisation sans consentement ne sont pas incompatibles ». Cette affirmation s’ancre dans la dualité des finalités poursuivies, l’une relevant de la police des étrangers et l’autre de la protection de la santé. Elle autorise le maintien de la rétention en dépit d’une hospitalisation, sous réserve d’une prise en charge médicale effective. Le contrôle juridictionnel porte alors sur l’articulation des régimes sans les confondre, ce qui exclut toute automaticité de la mainlevée de la rétention.

L’office du juge réside donc dans une appréciation concrète des circonstances et des garanties offertes. La compatibilité est ainsi conçue comme un principe conditionné, à manier au regard des éléments médicaux et de l’effectivité des soins. Elle ne dispense pas d’un examen au cas par cas, mais autorise la poursuite de la mesure de police dès lors que les exigences sanitaires demeurent satisfaites.

B – Un contrôle effectif recentré sur l’adéquation des soins et l’absence d’atteinte excessive

Le juge s’attache ensuite à évaluer l’adéquation de la prise en charge au regard du cadre légal applicable. Il vise l’article R.744-18 du CESEDA et cite que « S’ils en font la demande, [les étrangers] sont examinés par un médecin de l’unité médicale du centre de rétention administrative, qui assure, le cas échéant, la prise en charge médicale durant la rétention administrative ». Par ce renvoi, il souligne la permanence des garanties sanitaires à l’intérieur, puis à l’extérieur, du centre lorsque l’état requiert une hospitalisation.

La motivation insiste sur l’insuffisance des éléments fournis pour établir une incompatibilité manifeste. Le juge énonce ainsi qu’« en l’état, il n’est nullement établi que l’administration compétente, avec le concours du service médical, serait dans l’incapacité de mettre en œuvre une prise en charge adaptée ». L’examen se concentre sur l’effectivité des soins et la proportionnalité de la mesure, ce qui conduit à rejeter le grief d’irrégularité tiré du cumul des privations de liberté, faute de démonstration contraire.

II – Les conditions de la troisième prolongation au regard de l’article L.742-5 du CESEDA

A – L’empêchement consulaire et l’absence de garanties de représentation

Le juge retient que l’intéressé est dépourvu de documents de voyage et mentionne qu’« L’absence de document de voyage équivaut à la perte de ceux-ci conformément à la jurisprudence constante de la Cour de Cassation (Civ. 1ère 29 février 2012) ». Cette référence consolide la qualification d’un empêchement imputable à l’indisponibilité des titres, distinct d’une inertie de l’administration. Elle s’articule avec la vérification de l’absence de garanties de représentation, élément renforçant la nécessité de la mesure.

L’article L.742-5 permet la prolongation lorsque l’éloignement demeure momentanément impossible pour des causes étrangères à l’administration et que la délivrance doit intervenir à bref délai. Le juge adopte cette grille d’analyse et constate la persistance d’un obstacle consulaire, tout en retenant la perspective d’une résolution prochaine, condition déterminante de la nouvelle prolongation.

B – La notion de « bref délai » et les exigences de diligence administrative

Le contrôle de la condition tenant au « bref délai » demeure ici concis, mais s’appuie sur les éléments du dossier alléguant une intervention prochaine de l’autorité consulaire. La décision indique que, « conformément aux dispositions de l’article L.742-5 du CESEDA, il ressort, dès lors, que l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte du défaut de délivrance des documents de voyage […] et qu’il est établi […] que cette délivrance doit intervenir à bref délai ». Le raisonnement s’inscrit dans la logique d’un empêchement temporaire, non imputable à l’administration.

Cette motivation s’accorde avec l’économie du texte, qui requiert des diligences soutenues et une perspective réaliste d’exécution. La portée de l’ordonnance tient alors à rappeler le standard probatoire attendu: établir un empêchement étranger à l’administration et crédibiliser l’imminence de la délivrance. Dans ce cadre, la prolongation ordonnée pour quinze jours apparaît proportionnée à l’objectif d’éloignement, sous réserve du strict suivi des démarches consulaires et d’une vigilance constante sur la situation médicale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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