Tribunal judiciaire de Rennes, le 19 juin 2025, n°25/04654

Le désistement d’instance constitue l’une des voies d’extinction du procès civil, distincte du désistement d’action en ce qu’il ne préjuge pas du droit substantiel du demandeur. La décision rendue le 19 juin 2025 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rennes illustre le régime procédural applicable lorsque les parties parviennent à un accord en cours d’instance.

Une personne physique avait saisi le juge de l’exécution d’une demande dont l’objet n’est pas précisé dans la décision. L’établissement bancaire défendeur était représenté à l’audience par une personne munie d’un pouvoir de représentation. Au cours de l’audience du 19 juin 2025, les parties sont parvenues à un accord amiable. La demanderesse a alors déclaré se désister de son instance. Le défendeur, présent à l’audience, a accepté ce désistement.

Le juge de l’exécution devait déterminer si les conditions du désistement parfait étaient réunies et, dans l’affirmative, en tirer les conséquences quant à l’extinction de l’instance et à la charge des dépens.

Le juge a déclaré parfait le désistement d’instance, constaté l’extinction de l’instance et son dessaisissement, et mis les frais de l’instance éteinte à la charge de la demanderesse conformément à la règle supplétive de l’article 399 du code de procédure civile.

Cette décision permet d’examiner les conditions de perfection du désistement d’instance (I), avant d’en envisager les effets procéduraux et financiers (II).

I. Les conditions de perfection du désistement d’instance

Le régime du désistement d’instance repose sur une articulation entre la volonté unilatérale du demandeur et l’acceptation éventuelle du défendeur (A). La présente décision illustre l’alternative posée par l’article 395 du code de procédure civile quant à la nécessité de cette acceptation (B).

A. Le principe du désistement soumis à acceptation

Le juge de l’exécution vise expressément les articles 394 et 395 du code de procédure civile pour fonder sa décision. L’article 394 pose le principe selon lequel « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Cette faculté constitue une prérogative unilatérale du demandeur qui décide de renoncer à poursuivre le procès qu’il a engagé.

L’article 395 alinéa 1er tempère cette unilatéralité en énonçant que « le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur ». Cette exigence se justifie par la protection des intérêts du défendeur qui a pu engager des frais et développer une stratégie de défense. Le défendeur peut légitimement souhaiter obtenir une décision au fond qui le mette définitivement à l’abri d’une nouvelle instance identique.

En l’espèce, le défendeur était présent à l’audience et a expressément accepté le désistement. Le juge relève que « la partie défenderesse présente à l’audience a accepté ce désistement ». Cette acceptation rendait le désistement parfait conformément au mécanisme de l’article 395 alinéa 1er.

B. L’exception du désistement parfait sans acceptation

Le juge de l’exécution ne se contente pas de constater l’acceptation du défendeur. Il relève également que les conditions de l’exception prévue à l’article 395 alinéa 2 étaient réunies. Selon ce texte, « l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste ».

La décision précise que le désistement est parfait, l’établissement bancaire défendeur « n’ayant en effet présenté aucune défense au fond ou fin de non recevoir au moment où ledit désistement est intervenu ». Le juge procède ainsi à une double vérification. D’une part, l’acceptation était acquise. D’autre part, même sans cette acceptation, le désistement aurait été parfait faute de défense au fond ou de fin de non-recevoir.

Cette motivation surabondante présente un intérêt pratique certain. Elle sécurise la décision en la fondant sur deux bases juridiques alternatives. Le défendeur qui n’a pas conclu au fond ne peut prétendre avoir un intérêt à ce que le procès se poursuive jusqu’à une décision définitive. La Cour de cassation veille au respect de cette distinction et contrôle que les juges du fond caractérisent l’absence de défense au fond ou de fin de non-recevoir lorsqu’ils déclarent un désistement parfait sans acceptation.

II. Les effets du désistement parfait

Le désistement parfait produit des effets immédiats sur l’instance en cours (A). La question de la charge des dépens obéit à un régime supplétif que la présente décision applique strictement (B).

A. L’extinction de l’instance et le dessaisissement du juge

Le dispositif de la décision « constate l’extinction de l’instance et le dessaisissement du Tribunal ». Ces deux effets découlent automatiquement du caractère parfait du désistement. L’instance s’éteint sans qu’il soit statué sur le fond du litige. Le juge perd son pouvoir juridictionnel sur l’affaire.

Cette extinction ne préjuge pas du droit d’action du demandeur. Contrairement au désistement d’action qui emporte renonciation au droit substantiel, le désistement d’instance laisse subsister la faculté d’introduire ultérieurement une nouvelle demande identique. Cette distinction fondamentale explique pourquoi le défendeur peut avoir intérêt à refuser le désistement pour obtenir une décision définitive au fond.

En l’espèce, les parties étaient parvenues à un accord. Cet accord explique tant le désistement de la demanderesse que l’acceptation du défendeur. L’extinction de l’instance résulte de la volonté commune des parties de mettre fin au litige par la voie transactionnelle plutôt que juridictionnelle. Le juge de l’exécution n’a pas à homologuer cet accord ni à en vérifier le contenu. Son office se limite à constater le désistement et ses effets.

B. La charge des dépens de l’instance éteinte

L’article 399 du code de procédure civile dispose que « le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte ». Le juge de l’exécution fait application de cette règle supplétive en décidant que « les dépens doivent rester à la charge » de la demanderesse.

Cette imputation des dépens au demandeur qui se désiste obéit à une logique d’équité. Celui qui a pris l’initiative du procès et qui y renonce doit en supporter les frais. Cette règle n’est toutefois pas d’ordre public. Les parties peuvent y déroger par convention contraire, ce qui sera fréquent lorsque le désistement intervient à la suite d’un accord amiable comportant une clause sur la charge des frais.

La décision précise « sauf convention contraire », reprenant la formule légale. Cette réserve laisse ouverte la possibilité pour les parties d’avoir prévu une répartition différente des dépens dans leur accord. Le juge n’a pas à vérifier le contenu de cet accord ni à s’assurer de l’existence d’une telle clause dérogatoire. Il applique la règle supplétive tout en rappelant son caractère non impératif. La mention de l’exécution provisoire de droit, qui figure au dispositif, apparaît quelque peu superflue s’agissant d’une décision constatant un désistement, mais témoigne du formalisme attaché aux décisions du juge de l’exécution.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture