Tribunal judiciaire de Rennes Statuant en Qualité de, le 13 juin 2025, n°24/09267

Tribunal judiciaire de Rennes, 13 juin 2025. Un bail d’habitation conclu en 2019, assorti d’un loyer modeste, a dégénéré en impayés persistants. Un commandement de payer a été signifié en août 2024, resté infructueux. La commission de prévention a été saisie et l’autorité préfectorale informée dans les délais. Assigné en décembre 2024, le juge des contentieux de la protection a été saisi pour constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner l’expulsion et liquider l’arriéré.

À l’audience de mai 2025, le bailleur a actualisé la dette, signalé l’absence de paiement du loyer courant d’avril, et mentionné un dossier de surendettement déclaré recevable fin avril. La locataire n’a ni comparu ni été représentée. Le bailleur s’est opposé à tout délai et n’a pas sollicité la suspension des effets de la clause. La procédure préalable exigée par l’article 24 de la loi de 1989 apparaissait respectée.

La question de droit tenait à l’office du juge au regard de l’article 24, dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2023. Fallait‑il, faute de reprise intégrale des loyers courants avant l’audience, constater la résiliation de plein droit et ordonner l’expulsion sans délais de paiement, nonobstant une recevabilité récente du surendettement et l’absence de plan d’apurement?

La décision y répond nettement. Elle relève que « Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ». Elle constate que « Le bailleur est donc bien fondé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 3 octobre 2024 ». Surtout, le juge énonce que « en l’absence de reprise intégral du paiement du loyer courant avant la date d’audience, le Juge doit constater l’acquisition de la clause résolutoire et ordonner l’expulsion du locataire, sans accorder des délais de paiement, sauf accord du bailleur ». La résiliation est donc retenue, l’expulsion ordonnée après rappel du délai légal et de la trêve hivernale, la dette liquidée avec intérêts, et une indemnité d’occupation fixée à compter du lendemain de l’audience.

I – L’office du juge sous l’empire du nouvel article 24

A – La recevabilité de l’action et l’acquisition de la clause résolutoire
Le juge vérifie d’abord la régularité de la saisine et l’effectivité des démarches préventives. L’assignation a été notifiée à l’État dans le délai de six semaines, et la commission de prévention informée plus de deux mois avant l’assignation. La décision le souligne, « Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ». Ce rappel méthodique, conforme à l’article 472 du code de procédure civile, conditionne l’examen au fond.

Au fond, la motivation s’attache au commandement régulièrement délivré et demeuré infructueux. Le montant exigé n’a pas été acquitté dans les deux mois et aucun plan n’a été conclu. Le juge en déduit que « Le bailleur est donc bien fondé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 3 octobre 2024 ». Le raisonnement est classique: la clause produit effet après le délai légal, à défaut de purge, et la résiliation opère de plein droit à la date retenue.

B – La rigueur nouvelle des délais de paiement et l’incidence du surendettement
La solution centrale porte sur l’office du juge depuis la réforme de 2023. Le jugement affirme que « en l’absence de reprise intégral du paiement du loyer courant avant la date d’audience, le Juge doit constater l’acquisition de la clause résolutoire et ordonner l’expulsion du locataire, sans accorder des délais de paiement, sauf accord du bailleur ». L’exigence de reprise intégrale des loyers courants borne désormais la faculté judiciaire d’accorder des délais.

La décision précise que les dispositions relatives aux délais de paiement et aux effets de la clause sont d’effet immédiat. Ce choix éclaire l’application du texte rénové à un bail antérieur, sans difficulté majeure de droit transitoire. La recevabilité récente du surendettement n’emporte pas suspension du constat de la clause, faute de reprise des paiements courants et en présence d’une opposition expresse du bailleur. Le juge privilégie une lecture finalisée du texte, centrée sur la discipline de paiement, tout en maintenant les garde‑fous d’exécution. Restent, en filigrane, des interrogations sur l’articulation pratique avec les mesures de traitement du passif et la prévention des expulsions.

II – Les conséquences pécuniaires et les modalités d’exécution

A – La dette locative, sa preuve et les intérêts légaux
La liquidation de la créance s’appuie sur un décompte précis non contesté, actualisé à la date de l’audience. La motivation rappelle les principes probatoires: « Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ». Elle ajoute que « L’article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

Le jugement ventile les intérêts suivant l’échéancier légal. Ils courent à compter du commandement pour la fraction initiale, de l’assignation pour le complément arrêté, puis de la signification pour le surplus. Le fondement mobilise les articles 1231‑6 et 1344‑1 du code civil. La méthode est orthodoxe et protège la cohérence temporelle des accessoires. La modération sur l’article 700, justifiée par la situation économique, traduit une appréciation équilibrée de l’équité procédurale.

B – L’indemnité d’occupation, le délai légal d’expulsion et l’exécution provisoire
S’agissant de la période postérieure à la résiliation, le juge rappelle la nature et le régime de l’indemnité. Il affirme que « L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges ». Elle se substitue au loyer à compter du lendemain de l’audience, et persiste jusqu’à la restitution effective. Le choix du 3 mai 2025 évite toute double imputation avec le loyer d’avril, déjà intégré dans l’arriéré. Cette fixation au lendemain de l’audience, plutôt qu’à la date de résiliation, illustre une gestion pragmatique des périodes de débitrice occupation sans titre.

Les modalités d’expulsion sont encadrées. Le dispositif « RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux ». Le rappel du délai de l’article L. 412‑1 du code des procédures civiles d’exécution, cumulé avec la trêve, maintient la protection minimale du débiteur occupant. L’exécution provisoire est préservée. La motivation indique que « Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire », et qu’il « n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision ». La cohérence est assumée avec le niveau d’impayés, l’ancienneté de la dette et l’absence de reprise des paiements.

Au total, l’arrêté illustre une application ferme du nouvel article 24, recentré sur la reprise des loyers courants comme condition d’un traitement aménagé. La solution conjugue une rigueur accrue sur la résiliation et une vigilance sur les garde‑fous d’exécution. Elle conforte la sécurité contractuelle du bailleur tout en conservant les délais légaux, ce qui appelle une attention soutenue lors des futurs dialogues entre prévention, surendettement et maintien dans les lieux.

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