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Le contentieux du crédit affecté à une opération de démarchage à domicile demeure une source abondante de litiges. Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes le 19 juin 2025 en offre une illustration topique, en ce qu’il sanctionne à la fois le vendeur et l’établissement de crédit pour manquement aux dispositions protectrices du Code de la consommation.
Une consommatrice avait signé le 10 juin 2019, à la suite d’un démarchage à son domicile, un bon de commande portant sur l’installation d’une pompe à chaleur et d’un ballon thermodynamique pour un montant de 20 500 euros. Cette acquisition était financée par un crédit affecté souscrit le même jour auprès d’un établissement bancaire. L’installation fut réalisée le 4 juillet 2019 et les fonds débloqués au profit du vendeur. Ce dernier fut placé en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Créteil le 14 juin 2023. La consommatrice assigna alors le liquidateur judiciaire et l’établissement prêteur devant le juge des contentieux de la protection.
La demanderesse sollicitait à titre principal la nullité du contrat de vente pour non-respect des mentions obligatoires du Code de la consommation et pour vice du consentement, ainsi que la nullité consécutive du contrat de crédit affecté. Elle invoquait en outre une faute de la banque lors du déblocage des fonds, de nature à la priver de son droit à restitution du capital prêté. L’établissement de crédit concluait au débouté et, subsidiairement, à la condamnation de l’emprunteuse à restituer tout ou partie du capital.
La question posée au tribunal était double : le contrat de vente conclu dans le cadre d’un démarchage à domicile encourt-il la nullité pour défaut des mentions obligatoires, et dans l’affirmative, la faute du prêteur dans le déblocage des fonds le prive-t-elle de son droit à restitution du capital ?
Le tribunal prononce la nullité du contrat de vente pour méconnaissance des articles L. 221-5 et L. 111-1 du Code de la consommation, puis la nullité consécutive du contrat de crédit. Il retient la faute de l’établissement bancaire et le prive de son droit à restitution du capital, le condamnant à rembourser l’intégralité des sommes versées par l’emprunteuse.
Cette décision mérite examen tant au regard des conditions de la nullité du contrat de vente pour irrégularité formelle (I) que des conséquences attachées à la faute du prêteur dans le mécanisme du crédit affecté (II).
I. La nullité du contrat de vente pour irrégularité formelle
Le tribunal caractérise avec précision les manquements aux obligations d’information précontractuelle (A), avant d’écarter la confirmation tacite invoquée par l’établissement de crédit (B).
A. Le constat circonstancié des manquements aux mentions obligatoires
Le tribunal procède à un examen méthodique du bon de commande au regard des exigences des articles L. 221-5 et L. 111-1 du Code de la consommation. Il relève que « le contrat ne désigne pas, de manière précise, la nature et les caractéristiques des biens offerts ». Cette insuffisance affecte tant le ballon thermodynamique, dont « la marque n’est pas lisible, ni identifiable et le modèle non renseigné », que la pompe à chaleur, pour laquelle « deux alternatives sont indiquées pour la marque ». Le tribunal souligne que « le terme haute température désigne une caractéristique technique de la pompe à chaleur, mais absolument pas un modèle identifiable ».
Le jugement relève également le caractère lacunaire des conditions d’exécution du contrat. La mention « Date de livraison/travaux: 45 jours après la date de signature au plus tard » est jugée « insuffisamment précise quant au délai concernant les différentes étapes de l’opération ». L’identification du vendeur fait pareillement défaut, seul « le tampon de la société » figurant à l’emplacement prévu pour le nom du conseiller. Les coordonnées du médiateur de la consommation ne sont pas renseignées, en méconnaissance de l’article R. 111-1 du Code de la consommation. Enfin, le point de départ du délai de rétractation demeure ambigu, le contrat mentionnant les deux hypothèses légales sans préciser celle applicable en l’espèce.
Le tribunal conclut que « l’ensemble de ces irrégularités ne permettait pas à [la consommatrice] de mesurer l’étendue de son engagement, ni d’être à même de vérifier les prestations proposées par rapport aux prix du marché ». Cette motivation s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence constante qui sanctionne par la nullité relative les contrats de démarchage dépourvus des mentions permettant au consommateur d’exercer un choix éclairé.
B. Le rejet de la confirmation tacite de l’acte nul
L’établissement de crédit opposait la confirmation de l’acte nul résultant de l’acceptation sans réserve des travaux et de la signature de la fiche de réception. Le tribunal écarte cet argument en rappelant que la confirmation « est subordonnée à la conclusion d’un acte révélant que son auteur a eu connaissance de la cause de nullité et a entendu renoncer à la possibilité de l’invoquer ».
La signature de la fiche de réception « atteste seulement de la réalisation de travaux » et « ne suffit pas à caractériser la connaissance par celle-ci de ce que le contrat était entaché de nullité et sa volonté de le voir exécuter néanmoins ». Cette solution est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation qui exige, pour caractériser la confirmation, la démonstration d’une connaissance effective du vice et d’une volonté non équivoque d’y renoncer. La simple exécution du contrat ne saurait valoir confirmation lorsque le consommateur ignore les irrégularités affectant l’acte. Le tribunal fait ainsi prévaloir la protection effective du consommateur sur une lecture formaliste de son comportement.
II. Les conséquences de la faute du prêteur sur la restitution du capital
L’anéantissement du contrat de crédit affecté emporte en principe restitution du capital prêté. Le tribunal retient toutefois la faute de l’établissement bancaire (A) et en tire les conséquences sur son droit à restitution (B).
A. La caractérisation de la faute du prêteur dans le déblocage des fonds
Le tribunal retient que « les fonds ont été versés à la [société venderesse] alors même que le contrat principal était nul, ce que la [banque], au regard de sa qualité de professionnel, ne pouvait ignorer ». Cette formulation consacre une obligation de vigilance du prêteur quant à la régularité formelle du contrat principal.
Le jugement souligne que « le contrat de vente et le contrat de crédit constituent une opération commerciale unique » et que « la Banque aurait dû faire preuve d’une vigilance particulière concernant la régularité du contrat principal ». Il relève en outre que « la banque a eu recours aux services du vendeur pour la préparation et la conclusion du contrat de crédit le jour et sur les lieux de la vente ». Cette circonstance aggrave la responsabilité du prêteur qui « a donc transféré les mesures de contrôle du contrat de vente au vendeur » et « ne peut aujourd’hui se désolidariser de la nullité du bon de commande ».
Cette motivation s’inscrit dans une évolution jurisprudentielle tendant à renforcer les obligations du prêteur dans le mécanisme du crédit affecté. La qualité de professionnel et l’interdépendance des contrats imposent au banquier de vérifier la régularité apparente du contrat principal avant de débloquer les fonds.
B. La privation du droit à restitution du capital
La faute ainsi caractérisée emporte une conséquence radicale : la privation du droit à restitution du capital prêté. Le tribunal condamne l’établissement bancaire « à rembourser à [la consommatrice] l’intégralité des sommes perçues au titre du remboursement du prêt (capital, intérêts et frais divers) » et le déboute de sa demande de restitution des 20 500 euros.
Le tribunal justifie cette solution par l’existence d’un préjudice certain. Il relève que « tant la désinstallation du matériel que la restitution du prix d’achat seront manifestement impossibles en raison de la liquidation judiciaire » du vendeur. La consommatrice « est donc contrainte de garder un équipement dont elle n’est plus propriétaire et qui ne pourra être désinstallé qu’à ses frais et sans obtenir la restitution du prix d’achat ». Le tribunal précise que « l’annulation du contrat de vente fait immédiatement perdre à l’acheteur sa qualité de propriétaire du matériel et ce peu importe l’état de fonctionnement de l’installation ».
Cette solution, si elle peut paraître sévère pour l’établissement de crédit, traduit l’effectivité de la sanction des manquements aux règles protectrices du consommateur. Le prêteur qui s’associe à une opération commerciale irrégulière et délègue ses contrôles au vendeur assume le risque de l’insolvabilité de ce dernier. La liquidation judiciaire du vendeur ne saurait faire peser sur le consommateur les conséquences d’une opération dont il n’a pu apprécier la portée. Cette décision s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel favorable au consommateur victime d’un démarchage irrégulier, en faisant supporter au prêteur négligent les conséquences de sa défaillance dans le contrôle de l’opération financée.