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Le Tribunal judiciaire de Rodez, par ordonnance du 13 juin 2025, a déclaré vacante la succession d’un défunt et désigné le Directeur Départemental des Finances Publiques de l’Hérault en qualité de curateur.
Le défunt est décédé sans que des héritiers connus ne se manifestent pour recueillir sa succession. Le Tribunal judiciaire de Rodez a été saisi aux fins de constater cette vacance et d’organiser l’administration des biens successoraux. La juridiction, statuant par voie d’ordonnance, a déclaré la succession vacante et confié au représentant de l’État la mission de procéder à l’ensemble des opérations de gestion, de liquidation et de règlement du patrimoine délaissé.
La question posée au tribunal était de déterminer si les conditions de la vacance successorale étaient réunies et, dans l’affirmative, de définir l’étendue des pouvoirs du curateur désigné pour administrer cette succession.
Le Tribunal judiciaire de Rodez a répondu par l’affirmative en déclarant la succession vacante et en investissant le curateur de « tous les droits et pouvoirs prévus aux articles 810 à 810-12 du Code civil et 1343 à 1349 du Code de procédure civile ». Il a détaillé les opérations que le curateur « devra ou pourra effectuer », comprenant notamment l’inventaire des biens, le recouvrement des créances, le paiement du passif et la réalisation de l’actif.
Cette décision illustre le mécanisme de la curatelle des successions vacantes, institution permettant à l’État d’assurer la préservation et la liquidation d’un patrimoine successoral délaissé. L’analyse portera sur les conditions de la déclaration de vacance successorale (I) puis sur le régime juridique de la curatelle ainsi instituée (II).
I. Les conditions de la déclaration de vacance successorale
La vacance successorale suppose la réunion de conditions légales précises (A), dont la constatation relève de la compétence exclusive du juge judiciaire (B).
A. Les conditions légales de la vacance
L’article 809 du Code civil dispose qu’une succession est vacante lorsqu’il ne se présente personne pour réclamer la succession, lorsque tous les héritiers connus ont renoncé, ou lorsque les héritiers n’ont pas opté dans le délai légal. Le législateur a ainsi prévu trois hypothèses distinctes permettant de caractériser la vacance.
En l’espèce, l’ordonnance du Tribunal judiciaire de Rodez du 13 juin 2025 se borne à « déclarer vacante la succession » sans préciser laquelle de ces trois conditions se trouvait réunie. Les motifs de la décision ayant été occultés, il est impossible de déterminer si le défunt était dépourvu d’héritiers connus, si ceux-ci avaient renoncé ou s’ils étaient demeurés inactifs au-delà du délai d’option.
Cette lacune n’affecte pas la validité de la décision. Le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour constater la réunion des conditions légales. La déclaration de vacance constitue un acte déclaratif qui cristallise une situation de fait préexistante. La succession était vacante avant même que le tribunal ne le constate formellement.
B. La compétence du juge judiciaire
L’article 809-1 du Code civil confie au tribunal judiciaire la compétence pour déclarer une succession vacante et désigner un curateur. Cette compétence s’exerce par voie d’ordonnance, procédure simplifiée adaptée à la nature non contentieuse de la mesure.
Le Tribunal judiciaire de Rodez a statué conformément à cette attribution légale. La présidente du tribunal, assistée d’un greffier, a rendu une ordonnance qui n’a pas vocation à trancher un litige mais à organiser l’administration d’un patrimoine délaissé. Cette procédure gracieuse se distingue radicalement du contentieux successoral classique.
La désignation du Directeur Départemental des Finances Publiques comme curateur répond à l’exigence posée par l’article 809-1 du Code civil. L’administration fiscale dispose de la compétence et des moyens nécessaires pour assurer cette mission d’intérêt général. Le choix d’un service situé dans l’Hérault alors que le tribunal siège à Rodez, en Aveyron, s’explique vraisemblablement par la localisation des biens successoraux.
II. Le régime juridique de la curatelle successorale
Le curateur désigné dispose de pouvoirs étendus pour administrer la succession (A), dans le cadre d’une mission strictement encadrée par la loi (B).
A. L’étendue des pouvoirs du curateur
L’ordonnance du 13 juin 2025 confère au curateur « tous les droits et pouvoirs prévus aux articles 810 à 810-12 du Code civil ». Ces dispositions lui permettent d’accomplir l’ensemble des actes conservatoires et d’administration nécessaires au règlement de la succession.
Le tribunal a pris soin d’énumérer de manière exhaustive les opérations que le curateur « devra ou pourra effectuer ». Cette liste comprend des actes matériels comme « la levée des scellés ou récolements », des actes juridiques comme « résilier toutes les locations ou consentir des baux d’une durée tout au plus égale à neuf ans », et des actes de disposition comme « vendre ou faire vendre, dans les formes voulues par la loi, le mobilier, tous les biens meubles et, en particulier, les valeurs mobilières ».
La possibilité de vendre les biens immeubles « s’il en est besoin » illustre l’étendue exceptionnelle des pouvoirs conférés. Le curateur peut ainsi réaliser l’actif successoral sans avoir à solliciter d’autorisation judiciaire complémentaire. Cette autonomie se justifie par la nécessité de liquider efficacement une succession que personne ne souhaite ou ne peut recueillir.
B. L’encadrement de la mission du curateur
Malgré l’ampleur de ses prérogatives, le curateur demeure soumis à des obligations strictes. L’ordonnance précise qu’il devra « rendre compte de sa mission » et que la juridiction entend qu’il lui « sera rendu compte conformément aux textes sus-visés ».
L’article 810-7 du Code civil impose au curateur d’établir un compte annuel de sa gestion. Cette obligation de reddition des comptes garantit la transparence de l’administration successorale et protège les intérêts d’éventuels héritiers qui se manifesteraient tardivement. La curatelle ne constitue pas une appropriation définitive des biens par l’État mais une administration provisoire.
L’ordonnance impose également au curateur de « souscrire la déclaration de succession et acquitter les droits de mutation par décès ». Cette obligation fiscale peut sembler paradoxale s’agissant d’une succession sans héritier. Elle s’explique par le fait que l’État, en tant que successeur irrégulier au sens de l’article 811 du Code civil, peut ultimement recueillir les biens. La déclaration de succession préserve ainsi les droits du Trésor public.
La publication de l’ordonnance « dans un journal local d’annonces légales » remplit une fonction de publicité essentielle. Elle informe d’éventuels héritiers ignorés de l’ouverture de la curatelle et leur permet de faire valoir leurs droits avant que la succession ne soit définitivement liquidée.