Tribunal judiciaire de Rouen, le 20 juin 2025, n°25/00009

Le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rouen, par jugement du 20 juin 2025, a reporté l’audience d’adjudication d’un immeuble dans le cadre d’une liquidation. La juridiction a tenu compte d’un appel dirigé contre l’ordonnance du juge‑commissaire et d’une audience devant la cour d’appel de Rouen fixée au 3 septembre 2025. La mesure sollicitée par le créancier poursuivant a été finalement soutenue par les débiteurs, qui ont renoncé à leurs autres prétentions avant l’audience.

La procédure trouve son origine dans une ordonnance du 13 novembre 2024 autorisant la vente par adjudication des biens dépendant de l’actif. L’audience d’adjudication avait été fixée au 20 juin 2025. La veille, des écritures ont sollicité un report, au regard de l’appel interjeté et de la fixation à bref délai devant la cour d’appel. À l’audience, la demande de report a été reprise et soutenue contradictoirement, aucune partie intervenante non constituée n’ayant comparu.

La question était de savoir si l’existence d’un appel contre l’ordonnance ayant autorisé la vente justifiait, au titre du pouvoir de direction de l’audience d’adjudication, un renvoi de la vente forcée. La juridiction a répondu positivement, sur le fondement textuel rappelé par la formule: « Vu l’article R 322-19 du code de procédure civile d’exécution, ». Elle a motivé sa décision en ces termes: « Compte tenu de l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance du juge commissaire du 13 novembre 2024 et de la date d’audience de plaidoiries de la cour d’appel de [Localité 27] fixée au 03 septembre 2025, il convient de faire droit à la demande de report de la vente. » La nouvelle audience a été fixée au 5 décembre 2025, les frais de publicité et dépens étant réglés conformément au dispositif.

I. Le fondement et le sens du report

A. L’office du juge de l’exécution et la base textuelle du renvoi d’adjudication

La juridiction rappelle expressément le support normatif du renvoi d’adjudication par la mention: « Vu l’article R 322-19 du code de procédure civile d’exécution, ». Ce rappel situe la décision dans le cadre des pouvoirs d’organisation de l’audience, incluant le report pour assurer la régularité et l’efficacité des poursuites. Le juge de l’exécution veille ainsi à la bonne administration de la justice, en adaptant le calendrier lorsqu’un élément procédural pertinent affecte la pertinence immédiate de la vente.

Ce pouvoir est exercé in concreto, en considération de l’économie des poursuites et de la sécurité juridique de la réalisation forcée. Il autorise un renvoi lorsque la tenue de l’adjudication apparaît inopportune, par risque d’inutilité ou de contrariété avec une instance pendante. Reste à apprécier comment ce pouvoir s’exerce lorsqu’est en cause un recours contre l’acte fondateur de la vente.

B. La prise en compte d’un appel dirigé contre l’ordonnance fondatrice de la vente

La juridiction a estimé que la pendance de l’appel et la fixation à bref délai devant la cour d’appel justifiaient le report. Elle l’énonce dans une formule claire, déjà citée, qui rattache le renvoi à l’appel et à la date d’audience déterminée. Ce raisonnement privilégie la sécurité des opérations d’adjudication, en évitant qu’une vente intervienne alors que l’autorisation de vendre demeure susceptible d’être infirmée.

La solution ménage également la stabilité des enchères, la confiance des adjudicataires potentiels et l’efficacité des publicités. La fixation de la nouvelle date postérieure à l’audience d’appel s’inscrit dans une logique de proportion, qui limite la suspension au strict nécessaire. Il s’agit d’un ajustement ponctuel, destiné à prévenir une réalisation incertaine.

II. Valeur et portée de la solution

A. Une conciliation pragmatique des intérêts du créancier, du débiteur et des tiers

La décision concilie l’exigence de célérité des poursuites avec les droits au contrôle juridictionnel et l’intérêt des tiers enchérisseurs. Elle rattache les conséquences accessoires à la discipline des frais, en prévoyant que « Dit que les frais de publicité engagés par le créancier poursuivant seront soumis à taxe, ». Elle ajoute que « Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de poursuite de la saisie immobilière. » La cohérence de ces dispositions limite l’impact financier d’un report décidé dans l’intérêt commun de la procédure.

La valeur de la solution tient à sa mesure. Le juge ne subordonne pas la vente à une issue hypothétique indéfiniment différée. Il aménage une suspension brève, bornée par l’audience d’appel déjà fixée, prévenant ainsi les risques d’atteinte disproportionnée aux droits des créanciers. Ce faisant, la juridiction adopte une approche équilibrée des impératifs concurrents.

B. Un critère opératoire pour le report en présence d’un recours pendant: fixation proche et utilité de l’instance

La motivation retient deux éléments structurants: l’existence de l’appel et la fixation effective d’une audience de plaidoiries à brève échéance. Ce double critère offre un guide opérationnel au juge de l’exécution, qui peut différer la vente lorsque la perspective décisionnelle est proche et susceptible d’influer directement sur la validité de l’aliénation. Le report apparaît alors comme un instrument de sécurisation plutôt que comme un facteur d’inertie.

Une telle grille limite les risques d’appels dilatoires. Elle incite le juge à apprécier concrètement le calendrier des instances et l’utilité procédurale du renvoi, sans dénaturer la finalité des poursuites. En pratique, la solution conforte la qualité du marché des enchères et la prévisibilité des opérations, tout en préservant la possibilité pour le créancier de reprendre rapidement la vente en cas de confirmation de l’ordonnance.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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