Tribunal judiciaire de Rouen, le 22 août 2025, n°25/00109

Par un jugement du 22 août 2025, Tribunal judiciaire de Rouen, pôle social, la juridiction a statué sur un recours dirigé contre deux décisions de 2024 ayant refusé l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et son complément, ainsi que l’attribution d’une aide humaine scolaire. La demanderesse, agissant pour un enfant né en 2015, sollicitait l’AEEH avec complément n°1 jusqu’au 31 août 2027 et une aide d’accompagnant des élèves en situation de handicap. L’organisme défendeur concluait à la confirmation des refus. Une expertise médicale a été ordonnée, puis déposée, confirmant un trouble attentionnel avec répercussions fonctionnelles et besoins de soins réguliers. Restait à trancher, d’une part, les conditions d’ouverture de l’AEEH et de son complément au regard du taux d’incapacité et des dépenses spécifiques, d’autre part, l’admissibilité de la demande d’aide humaine au regard de l’exigence d’un recours préalable. Le tribunal a accordé l’AEEH et le complément n°1 à compter du 1er mai 2023 jusqu’au 31 août 2027 et a déclaré irrecevable la demande d’aide humaine scolaire.

I. La reconnaissance de l’AEEH et du complément n°1 au regard du taux d’incapacité et des besoins objectivés

A. Une évaluation globale et individualisée conforme au guide barème

Le juge fonde l’analyse sur le cadre légal et sur le guide barème, retenant une lecture fonctionnelle centrée sur les limitations d’activité et le retentissement. Le rappel selon lequel « L’approche évaluative en vue de la détermination du taux d’incapacité doit être individualisée et globale » éclaire le raisonnement au-delà du seul diagnostic. Cette exigence de globalité, renforcée pour les jeunes en développement, autorise la prise en compte d’atteintes dont l’impact peut se révéler dans le temps, au regard des soins requis et de leurs contraintes.

La juridiction précise le seuil caractérisant la tranche 50‑79 %, en citant que « Un taux de 50 % correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. » Elle confronte ce standard à un ensemble d’éléments concordants issus des bilans neurovisuel, psychométrique et psychomoteur, et à l’expertise. Il en résulte une gêne repérable dans la scolarité et la vie quotidienne, ainsi qu’un besoin de prises en charge régulières, ce qui satisfait l’exigence d’une limitation significative d’activité. La référence initiale à l’absence de « retentissement scolaire » dans une synthèse pluridisciplinaire est relativisée par l’appréciation juridictionnelle, attentive aux données cliniques objectivées et à leur cohérence.

Cette articulation entre norme et preuve médicale établit le dépassement du seuil de 50 % par une démonstration concrète, centrée sur l’autonomie fonctionnelle et les efforts de compensation. Elle fonde la suite du raisonnement sur l’ouverture des droits accessoires.

B. La preuve des dépenses spécifiques et la fixation temporelle des droits

Au titre du complément, le tribunal mobilise le référentiel relatif aux dépenses liées à l’éducation spéciale, en intégrant la fréquence et le coût des prises en charge non couvertes. La décision souligne un « ergothérapie/ psychomotricité / psychologue : moyenne mensuelle supérieure à 250 euros », seuil compatible avec le complément n°1 apprécié au regard du guide d’évaluation. L’analyse s’inscrit dans une logique cumulative et proratisée des frais, conforme à l’esprit du dispositif.

Le juge précise ensuite le point de départ et la durée d’attribution en combinant les textes applicables. Il énonce, dans une phrase décisive, que « Ainsi, confirmant l’analyse du médecin consultant s’agissant des éléments caractérisant un taux d’incapacité supérieur à 50% et la nécessité de soins très réguliers (ergothérapie/ psychomotricité / psychologue : moyenne mensuelle supérieure à 250 euros), l’AEEH et son complément n°1 seront donc attribués, conformément aux articles R. 541-4 (« II.-Lorsque le taux d’incapacité permanente de l’enfant est au moins égal à 50 % et inférieur à 80 %, la commission fixe la période d’attribution de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et, le cas échéant, de son complément, pour une durée au moins égale à deux ans et au plus égale à cinq ans ») et R. 541-7 du code la sécurité sociale (« L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé est attribuée à compter du premier jour du mois suivant celui du dépôt de la demande ») et compte tenu du fait que la demande est datée du 17 avril 2023, à compter du 1er mai 2023 jusqu’au 31 août 2027. » Cette formule rassemble exigence matérielle, ancrage temporel et sécurité juridique, tout en s’adossant à l’expertise.

La solution, ainsi motivée, conjugue contrôle de la matérialité des besoins et rectitude de la mise en œuvre temporelle des droits. Elle appelle une clarification procédurale distincte concernant l’aide humaine scolaire.

II. L’irrecevabilité de la demande d’AESH et l’articulation contentieuse des voies de droit

A. L’exigence du recours préalable et son contrôle juridictionnel

La demande d’aide humaine scolaire obéit au régime du recours préalable obligatoire contre les décisions de la commission compétente. Le tribunal rappelle le fondement textuel et constate l’absence de démarche préalable, relevée à l’audience. La conséquence est formulée sans détour par l’énoncé suivant : « Dès lors la demande doit être déclarée irrecevable. » L’application de la règle demeure stricte, puisque l’irrecevabilité ne dépend ni du bien‑fondé de l’aide, ni de l’urgence alléguée, mais du respect d’une condition de recevabilité autonome.

Cette solution assure la cohérence du dualisme procédural propre à la compensation du handicap, en distinguant l’ouverture de l’AEEH, relevant de l’évaluation médico‑sociale du taux et des charges, et l’attribution d’une aide humaine, conditionnée par un cheminement administratif préalable. Le juge social se réserve ainsi un contrôle juridictionnel ultérieur, à la condition que la voie administrative ait été régulièrement empruntée.

B. Une séparation nette des régimes, utile à la lisibilité mais porteuse de fragmentation

La décision offre une lecture pédagogique de la compensation. S’agissant de l’AEEH et de son complément, elle consacre une approche fonctionnelle, individualisée et évolutive, déjà rappelée par le guide barème, et garantit la prise en compte de soins réguliers et coûteux. Cette exigence de preuve, consolidée par l’expertise, renforce la sécurité des attributions et limite les effets de seuil temporels par une fixation claire du point de départ.

La solution procédurale sur l’aide humaine, inversement, peut générer une fragmentation des parcours si les demandeurs ignorent l’obligation de recours préalable. Elle clarifie cependant la répartition des compétences, en renvoyant l’intéressé vers la décision de la commission, porte d’entrée nécessaire avant tout contentieux. La lisibilité du système en sort renforcée, à condition d’une information adéquate des familles.

L’ensemble dessine une jurisprudence équilibrée. Elle valorise la substance des besoins au regard des critères légaux pour la prestation financière, tout en maintenant la discipline procédurale propre à l’aide humaine scolaire. Cette articulation, quoique exigeante, sécurise les droits reconnus et ordonne les voies de recours.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture