Tribunal judiciaire de Rouen, le 3 septembre 2025, n°23/04066

Par un jugement du Tribunal judiciaire de Rouen du 3 septembre 2025, le juge aux affaires familiales a prononcé un divorce aux torts exclusifs d’un époux et ordonné l’ensemble des mesures accessoires. La décision règle à la fois les effets personnels du divorce, la prestation compensatoire et l’organisation parentale. Elle contient de nombreuses mentions normatives dont l’articulation éclaire la portée de la solution.

Les faits utiles tiennent à une union célébrée en 2012 et à l’existence de deux enfants nés en 2009 et 2012. Les relations conjugales se sont dégradées, conduisant à une instance de divorce contentieux, au cours de laquelle des propositions ont été formulées quant à la liquidation. La demanderesse, représentée, n’a pas comparu, tandis que le défendeur a été assisté lors des débats tenus en chambre du conseil, l’issue étant un jugement contradictoire de première instance.

La contestation portait notamment sur le fondement du divorce, l’usage du nom d’époux après la rupture, l’éventuelle prestation compensatoire et l’ensemble des mesures relatives aux enfants. La question de droit principale interrogeait la cohérence des effets personnels et patrimoniaux d’un divorce pour faute, l’incidence de ce fondement sur la prestation compensatoire et la détermination des modalités d’exercice de l’autorité parentale dans l’intérêt de l’enfant.

Le juge a retenu la faute exclusive de l’un des époux, a rappelé les effets légaux attachés au prononcé et a refusé l’usage du nom de l’autre après le divorce. Une prestation compensatoire en capital a été allouée sous forme de mensualités revalorisées. L’autorité parentale conjointe a été réaffirmée, la résidence fixée chez la mère, les droits d’accueil encadrés et la contribution à l’entretien maintenue avec indexation et intermédiation.

I. Sens et cohérence de la décision

A. Le divorce aux torts exclusifs et ses effets personnels

Le prononcé aux torts exclusifs produit ses effets de droit, que le jugement explicite par des rappels utiles. Le juge énonce ainsi, d’une part, que « RAPPELLE que chacun des ex-époux perd l’usage du nom de l’autre à l’issue du prononcé du divorce ; ». En rejetant la demande de conservation du nom, la décision se conforme à l’article 264 du Code civil, qui réserve l’autorisation à l’existence d’un intérêt particulier, strictement apprécié. L’absence de motifs publics identifiables confirme que la solution s’ancre dans la règle plutôt que dans l’exception.

D’autre part, la décision précise la purge des avantages consentis au titre du régime matrimonial. Elle affirme que « RAPPELLE que le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordées par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union ; ». Cette mention, de portée générale, sécurise la liquidation et prévient les confusions persistantes entre avantages conventionnels à effet différé et donations de biens présents.

Enfin, la publicité de l’état civil assure l’opposabilité des changements aux tiers, conformément aux textes procéduraux. La décision « ORDONNE la publicité de cette décision en marge des actes de l’état civil […] conformément aux dispositions de l’article 1082 du code de procédure civile ; ». La coordination des registres participe d’une bonne administration de la preuve et protège la sécurité des transactions.

B. La prestation compensatoire en capital échelonné et indexé

La juridiction alloue un capital modeste, payable par mensualités, et assortit ces versements de règles de paiement et de revalorisation. Elle prescrit que « DIT que ces mensualités sont payables d’avance, le 1er de chaque mois, par mandat ou virement ou encore en espèces contre reçu, au domicile du créancier, et sans frais pour lui ; ». Cette précision, classique, favorise la prévisibilité budgétaire et l’absence de frais accessoires indus.

La revalorisation annuelle est également prévue, ce qui est admis pour un capital fractionné dans le cadre de l’article 275 du Code civil. Le jugement retient que « DIT que cette pension sera indexée le 1er septembre de chaque année sur la base de l’indice des prix à la consommation publié par l’INSEE (série France entière pour les ménages urbains), pour la première fois le 1er septembre 2026 ; ». L’indexation protège le pouvoir d’achat du créancier et stabilise la relation d’obligation, sans créer d’effet rétroactif prohibé.

La charge de calcul est explicitement confiée au débiteur, dans une logique d’effectivité. La décision « RAPPELLE au débiteur de la pension qu’il lui appartient de calculer et d’appliquer l’indexation et qu’il pourra avoir connaissance de cet indice ou calculer directement le nouveau montant en consultant le site : http://www.insee.fr. ou http://www.servicepublic.fr ». L’énoncé conforte l’exigence de diligence et la disponibilité publique des indices, facilitant la preuve en cas de recouvrement.

II. Valeur et portée de la solution

A. Neutralité des torts et équité de la compensation

La prestation compensatoire vise la compensation de la disparité créée par la rupture et non la sanction d’un comportement. L’allocation d’un capital malgré le divorce aux torts exclusifs illustre la neutralité relative du fondement au regard des articles 270 et 271 du Code civil. La solution est équilibrée, car elle distingue clairement la faute, pertinente pour le prononcé, et la logique indemnitaire de la disparité, appréciée in concreto à l’aune des ressources, charges et perspectives. Le quantum retenu, échelonné et indexé, traduit une appréciation mesurée de la disparité, distincte des avantages matrimoniaux révoqués.

La décision montre également l’articulation avec les opérations de liquidation-partage, en rappelant la nécessité d’un calendrier spécifique et d’un cadre procédural distinct. Le juge « CONSTATE que des propositions ont été effectuées quant au règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des parties ; ». Ce constat circonscrit la prestation compensatoire à sa fonction propre, en évitant de la transformer en substitut de liquidation, ce que proscrit la jurisprudence constante. La clarté formelle du dispositif favorise une exécution paisible et limite les conflits d’interprétation.

B. Intérêt supérieur de l’enfant et encadrement de la coparentalité

La décision réaffirme avec précision les principes gouvernant l’autorité parentale conjointe. Elle rappelle que « RAPPELLE que l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ; qu’elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ; que les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ; ». Cette formulation, complète, recentre les débats sur l’intérêt de l’enfant et légitime l’ensemble des aménagements organisés.

Le juge fixe un cadre résidentiel et un droit d’accueil cohérents avec cette finalité, en ménageant la stabilité quotidienne et des temps de présence réguliers du parent non gardien. Il est énoncé que « FIXE la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère ; ». La limitation des nuitées, au profit d’accueils diurnes réguliers, traduit une prudence adaptée à la situation et à l’objectif de continuité éducative.

La solidarité parentale est enfin organisée par la répartition des frais exceptionnels et le recours systématique à l’intermédiation financière, mécanismes d’effectivité éprouvés. La décision dispose que « DIT que les frais exceptionnels engagés pour les enfants (voyages scolaires, activités extrascolaires, frais médicaux non remboursés) sont partagés par moitié entre les parents, au besoin, les y CONDAMNE ; » et qu’« RAPPELLE que la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants sera versée par l’intermédiaire de l’organisme débiteur des prestations familiales au parent créancier ; ». Ces dispositions favorisent la prévention des impayés et la traçabilité, tout en clarifiant l’obligation de remboursement des dépenses hors budget courant.

L’ensemble compose une décision lisible et conforme au droit positif, qui distingue rigoureusement la logique de sanction du prononcé de la logique compensatoire et protectrice des mesures accessoires, en rendant leur exécution prévisible et contrôlable.

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Hassan KOHEN
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