Tribunal judiciaire de S Sables-d’olonne, le 20 juin 2025, n°25/00199

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Rendu par le tribunal judiciaire des Sables-d’Olonne le 20 juin 2025, ce jugement tranche un contentieux de crédit à la consommation souscrit par voie électronique. Un établissement de crédit réclamait le solde du prêt après déchéance du terme, intérêts et frais, en se prévalant d’un « fichier de preuve » et d’une attestation de certification. L’emprunteuse, assignée selon l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas comparu. Le juge devait apprécier, malgré le défaut, la force probante de la signature électronique invoquée et la preuve du lien entre signature et contrat.

La procédure a connu plusieurs renvois pour compléter la signification. À l’audience, la demanderesse a maintenu l’intégralité de ses prétentions. Elle n’a pas développé d’observations sur la validité de la signature, se fondant sur les pièces produites. Deux thèses s’opposaient ainsi quant à la charge et au niveau de preuve exigés pour l’écrit électronique, selon que la signature était qualifiée ou seulement avancée.

La question juridique tenait à l’accès à la présomption de fiabilité posée par l’article 1367 du code civil, tel que précisé par le décret du 28 septembre 2017, et à la preuve de l’imputabilité et du rattachement du consentement électronique en l’absence de comparution du défendeur. Le juge rappelle d’abord que « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ». Il ajoute, au titre de l’article 1367, que « lorsqu’elle est électronique, [la signature] consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache ». Constatant une signature seulement avancée, l’insuffisance du « fichier de preuve » et l’absence d’indices d’exécution volontaire, il retient que « l’identité du signataire n’est pas garantie », et déboute la demanderesse de l’ensemble de ses demandes.

I. Le sens de la décision

A. Le cadre légal rappelé et l’office du juge statuant par défaut
Le juge fonde son contrôle sur le double socle du code de procédure civile et du code civil. Il rappelle d’abord que, même par défaut, l’examen au fond demeure intégral et exigeant. En ce sens, « le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée », ce qui commande la vérification autonome de la preuve, indépendamment de toute contestation.

S’agissant de l’écrit électronique, le jugement reprend les termes de l’article 1367 du code civil, selon lesquels « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur » et, « lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte ». Le décret du 28 septembre 2017 ne présume la fiabilité que pour la « signature qualifiée ». Le juge souligne utilement que « la présomption de fiabilité de la signature électronique, comme toute présomption, déplace l’objet de la preuve, mais ne la supprime pas ». La distinction entre signature qualifiée, présumée fiable, et signature avancée, librement admissible mais à démontrer, gouverne donc l’office du juge.

B. L’application aux faits : l’insuffisance d’une signature avancée non étayée
Le juge constate que la signature litigieuse est seulement avancée, de sorte que la présomption ne joue pas. Il rappelle ensuite une précision décisive, d’ordre méthodologique et probatoire : « l’établissement d’une présomption de fiabilité au bénéfice de la signature qualifiée ne signifie pas que la signature électronique non qualifiée est dépourvue de force probante. Elle constitue un moyen de preuve admissible selon l’article 1367 du code civil, mais […] il appartient à celui qui s’en prévaut d’établir sa force probante ». L’exigence porte à la fois sur l’imputabilité de la signature et sur son lien indissociable avec le document contractuel.

Le « fichier de preuve » ne décrit aucun processus de vérification d’identité effectif, ni le dispositif de création utilisé, ni la chaîne de certification, ni le scellement du document signé. D’où l’affirmation centrale du jugement, au cœur du raisonnement: « il convient cependant de considérer que l’identité du signataire n’est pas garantie ». L’absence d’indices d’exécution volontaire et l’impossibilité de relier de façon certaine la signature au contrat emportent l’échec de la preuve. La demande est donc rejetée dans toutes ses composantes, malgré le défaut de la défenderesse.

II. Valeur et portée

A. Une solution conforme au droit positif et équilibrée dans sa rigueur
La décision s’inscrit avec cohérence dans l’économie de l’article 1367 et du décret d’application. Elle distingue, sans les confondre, la présomption attachée à la signature qualifiée et la recevabilité, sans présomption, d’une signature avancée. L’énoncé suivant synthétise l’équilibre recherché: « elle constitue un moyen de preuve admissible selon l’article 1367 du code civil », mais sa fiabilité « doit » être démontrée. Cette approche interdit que le défaut de comparution réduise l’exigence probatoire, ce qui préserve la sécurité des consentements et la lutte contre l’usurpation d’identité.

La rigueur n’est pas disproportionnée. Elle correspond à la nature même de la preuve électronique, où l’identification du signataire et le scellement du document sont les deux piliers de l’imputabilité. Faute d’éléments techniques objectivables, la simple production d’un récapitulatif interne ou d’une attestation peu lisible ne saurait suffire. Le rappel que la présomption « déplace l’objet de la preuve, mais ne la supprime pas » évite les facilités probatoires et incite à une production complète et structurée.

B. Des enseignements pratiques pour la preuve du crédit électronique
La portée pratique est claire pour les opérateurs. En l’absence de signature qualifiée, il convient de produire un dossier probatoire complet: contrat scellé et horodaté, empreinte cryptographique, chaîne de certification, preuves d’authentification forte (OTP, journal OTP, adresse IP, device, logs), description des vérifications d’identité, et lien technique entre la signature et la version finale du document. La démonstration d’un début d’exécution volontaire, telle qu’un relevé de décaissement et des paiements effectifs, renforce utilement l’imputabilité.

Le contentieux de masse en matière de crédits à distance impose une standardisation de cette preuve. Des « fichiers de preuve » pleinement lisibles, vérifiables et assortis d’un descriptif précis des contrôles d’identité, réduiront le risque de déboutés. À défaut de présomption attachée à la signature qualifiée, la stratégie probatoire doit viser la reconstitution fidèle du parcours de souscription et l’articulation explicite entre identité, authentification et attachement documentaire. Cette décision signale, avec constance, que la défaillance du défendeur ne dispense jamais le demandeur d’une preuve complète et intelligible.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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