Tribunal judiciaire de Saint Etienne, le 17 juin 2025, n°25/01437

Le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Étienne le 17 juin 2025 illustre l’application classique du mécanisme de la clause résolutoire en matière de bail d’habitation. Un bailleur avait consenti un bail portant sur un logement moyennant un loyer mensuel de 610 euros outre charges. Face aux impayés accumulés par la locataire, le bailleur lui a fait délivrer un commandement de payer le 12 novembre 2024 pour un arriéré de 2 680 euros. Ce commandement étant demeuré infructueux, le bailleur a assigné la locataire devant le juge des contentieux de la protection aux fins de voir constater la résiliation du bail et ordonner son expulsion.

La locataire, régulièrement convoquée, n’a pas comparu à l’audience du 6 mai 2025 et ne s’est pas fait représenter. Le diagnostic social et financier n’a pu être réalisé en raison de son absence aux rendez-vous proposés. Le bailleur a actualisé sa créance à la somme de 5 340,43 euros arrêtée au 1er mai 2025.

La question posée au juge était de déterminer si les conditions d’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail étaient réunies, permettant de constater la résiliation de plein droit du contrat et d’ordonner l’expulsion de la locataire défaillante.

Le tribunal a constaté que le bail se trouvait résilié de plein droit au 24 décembre 2024 par application de la clause résolutoire. Il a condamné la locataire au paiement de l’arriéré locatif, ordonné son expulsion et fixé une indemnité d’occupation à sa charge.

Cette décision invite à examiner le régime de la clause résolutoire tel qu’issu de la réforme de 2023 (I), avant d’envisager les conséquences de la résiliation sur le sort du locataire défaillant (II).

I. Le jeu de la clause résolutoire après la réforme du 27 juillet 2023

Le jugement commenté met en lumière les conditions d’acquisition de la clause résolutoire (A), dont l’appréciation par le juge demeure encadrée malgré l’absence du locataire (B).

A. Les conditions d’acquisition de la clause résolutoire

Le tribunal rappelle le régime applicable en visant l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989. Il relève que « par modification législative du 27 juillet 2023, l’effet produit par cette clause est réduit à six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux ». Cette réduction du délai, passé de deux mois à six semaines, traduit la volonté du législateur d’accélérer le recouvrement des créances locatives tout en maintenant un temps de réaction pour le locataire.

En l’espèce, le bail contenait une clause prévoyant la résiliation de plein droit en cas de défaut de paiement « six semaines après un commandement de payer resté infructueux ». Le commandement ayant été délivré le 12 novembre 2024 pour un arriéré vérifié, le délai de six semaines a expiré le 24 décembre 2024. Le juge constate que la locataire « n’a pas réglé la dette locative » dans ce délai, de sorte que « les conditions d’acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 24 décembre 2024 ».

Cette motivation illustre le caractère automatique de la clause résolutoire une fois ses conditions réunies. Le juge ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité de la résiliation. Son rôle se limite à vérifier que le formalisme a été respecté et que le délai s’est écoulé sans régularisation.

B. Le contrôle judiciaire maintenu en l’absence du locataire

L’absence de la défenderesse à l’audience aurait pu laisser craindre une décision rendue sans véritable examen du dossier. Le tribunal écarte cette hypothèse en se fondant sur l’article 472 du code de procédure civile. Il rappelle que « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond » et que « le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».

Cette exigence de vérification constitue une garantie procédurale essentielle. Elle interdit au juge de faire droit mécaniquement aux demandes du bailleur au seul motif de l’absence du locataire. Le tribunal a ainsi procédé à « l’examen de l’ensemble des pièces versées aux débats » pour s’assurer du bien-fondé des prétentions.

La décision souligne également que le diagnostic social et financier n’a pu être réalisé « en raison de l’absence du locataire aux rendez-vous proposés ». Ce dispositif, institué pour évaluer la situation du locataire et envisager d’éventuels délais de paiement, suppose sa coopération. Son défaut prive le juge d’éléments susceptibles de justifier la suspension des effets de la clause résolutoire en application de l’article 24 alinéa 6 de la loi de 1989.

II. Les conséquences de la résiliation sur le locataire défaillant

La constatation de la résiliation emporte des conséquences patrimoniales immédiates pour le locataire (A), auxquelles s’ajoute la mise en œuvre de la procédure d’expulsion (B).

A. La dette locative et l’indemnité d’occupation

Le tribunal condamne la locataire au paiement de la somme de 5 340,43 euros correspondant aux « loyers, charges et indemnités d’occupation jusqu’à l’échéance du mois de mai 2025 incluse ». Cette créance actualisée à la date de l’audience traduit l’aggravation de la dette pendant la procédure.

Le jugement distingue ensuite la période antérieure à la résiliation, où le locataire doit les loyers contractuels, de la période postérieure, où il devient « occupant sans droit ni titre ». Le tribunal relève que « cette occupation illicite cause manifestement et nécessairement un préjudice au bailleur qui doit être réparé par l’allocation d’une indemnité d’occupation ».

Cette indemnité est fixée « à une somme égale au montant du loyer indexé et des charges dus si le bail n’avait pas été résilié ». Ce mode de calcul, conforme à la jurisprudence constante, vise à placer le bailleur dans la situation qui aurait été la sienne en l’absence d’inexécution. L’indemnité court « à compter de la résiliation du bail » et jusqu’à « complète libération des lieux », ce qui incite le locataire à quitter rapidement le logement.

B. La procédure d’expulsion et ses garanties

Le tribunal ordonne l’expulsion de la locataire tout en respectant les garanties procédurales prévues par le code des procédures civiles d’exécution. Il précise que l’expulsion ne pourra intervenir que « deux mois après la signification par commissaire de justice d’un commandement de quitter les lieux portant mention de la présente décision demeuré infructueux ».

Ce délai de deux mois constitue un ultime répit accordé au locataire avant l’exécution forcée. Il lui permet soit de libérer volontairement les lieux, soit de solliciter des délais auprès du juge de l’exécution en application de l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution.

Le tribunal rappelle également les dispositions de l’article L. 433-1 relatives au sort des meubles. Ces derniers doivent être « remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne » ou, à défaut, laissés sur place ou entreposés avec sommation de les retirer. Cette précision revêt une importance pratique considérable pour l’exécution effective de la mesure.

La décision est assortie de l’exécution provisoire de plein droit, conformément aux dispositions issues de la réforme de la procédure civile. Le bailleur pourra donc faire exécuter le jugement sans attendre l’expiration des délais de recours, sous réserve du respect du délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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