Tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, le 18 juin 2025, n°24/02860

Rendu par le juge des contentieux de la protection de [Localité 10] le 18 juin 2025, ce jugement statue sur la mise en œuvre d’une clause résolutoire dans un bail d’habitation, puis sur la faculté d’en suspendre les effets. Le litige naît d’impayés chroniques, d’un commandement de payer, et d’allégations de dysfonctionnement du chauffage ayant provoqué une réduction unilatérale du loyer par les locataires.

Le bail, daté du 30 août 2023, portait sur un logement d’habitation moyennant un loyer et des provisions. Des impayés ont motivé un commandement de payer délivré le 9 février 2024, puis une assignation du 16 décembre 2024, régulièrement notifiée au représentant de l’État plus de six semaines avant l’audience. Le décompte produit à l’audience du 19 mars 2025 faisait ressortir une dette résiduelle modeste. Les demandeurs sollicitaient le constat de la clause résolutoire, l’expulsion, des condamnations financières et une indemnité au titre de l’article 700. Les défendeurs sollicitaient des délais sur le fondement de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, ainsi que la délivrance de quittances pour les loyers acquittés.

La question posée tenait, d’abord, à l’acquisition de la clause résolutoire au regard du commandement et du délai conventionnel de deux mois. Elle portait, ensuite, sur l’aptitude des délais de paiement à suspendre les effets de la résiliation constatée, ainsi que sur les accessoires du litige, incluant indemnité d’occupation, quittances, dépens et exécution provisoire. Le juge déclare la demande recevable et constate l’acquisition de la clause résolutoire, tout en accordant des délais et en suspendant ses effets, sous condition d’apurement rapide de la dette.

I. Les conditions d’acquisition de la clause résolutoire et leurs effets

A. Recevabilité et régularité des diligences préalables

Le contrôle du respect des formalités préalables commande d’abord la recevabilité de l’action. Le juge relève l’information régulière du préfet, et retient en conséquence: «La demande est donc recevable.» Le juge vérifie ensuite la validité du commandement de payer, notamment la reproduction des mentions légales. L’acte du 9 février 2024 est apprécié au regard de l’article 24 de la loi de 1989, le jugement affirmant: «Ce commandement respecte les dispositions légales susvisées.» Cette double vérification éclaire la rigueur procédurale exigée avant toute résiliation de plein droit.

L’articulation entre délai légal et délai conventionnel est ensuite clarifiée. Le bail stipulait un délai de deux mois pour l’effet de la clause, plus long que le délai légal de six semaines, favorable aux locataires. Le juge s’y conforme et retient que la clause a produit effet au terme du délai, après commandement infructueux. Il énonce, de manière décisive: «La situation n’ayant pas été régularisée dans ce délai, il y a donc lieu de constater la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire y étant insérée, acquise au 9 avril 2024.» Le raisonnement s’inscrit dans une logique d’ordre public de protection, admettant les stipulations plus favorables sans altérer le socle impératif de l’article 24.

B. Constat de la résiliation, expulsion et indemnité d’occupation

La résiliation constatée emporte la perte du droit d’occuper. L’expulsion est ordonnée, sous les conditions légales, et une indemnité d’occupation est allouée pour la période postérieure à la résiliation, en équivalence du loyer charges comprises. Le juge retient la solidarité stipulée au bail, et précise sans ambiguïté: «Le bail stipulant une clause de solidarité, la condamnation au paiement de l’indemnité d’occupation sera solidaire.» La solution concilie la nature compensatoire de l’indemnité, qui répare la jouissance sans titre, avec la logique contractuelle de solidarité.

Le fondement textuel mentionné renvoie à l’article 1240 du Code civil. Cette référence, fréquente en pratique, interroge la qualification exacte de l’indemnité d’occupation. Une partie de la doctrine préfère y voir une dette indemnitaire sui generis, détachée du bail résilié, ou une obligation de restitution de valeur. Le choix opéré n’altère cependant ni le principe, ni le mode de calcul usuel, aligné sur le loyer contractuel majoré des charges, ajusté par l’indice de référence des loyers.

II. La suspension des effets par les délais et la modulation des accessoires

A. Octroi des délais de paiement et suspension corrélative

L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 permet l’octroi de délais si deux conditions cumulatives sont réunies: reprise du paiement du loyer courant et capacité d’apurement dans un horizon raisonnable. Le juge constate le respect de ces exigences au vu des paiements, des revenus et des charges relevés par le diagnostic social. Il motive ainsi l’usage du pouvoir de modulation: «Eu égard aux efforts récemment consentis par les locataires, qui sont manifestement en mesure d’apurer la dette dans des délais raisonnables, il sera fait droit à la demande de délais formulée par ces derniers.» L’économie de la loi de 1989 transparaît ici, privilégiant le maintien dans les lieux lorsque la situation est redressée et crédible.

La conséquence juridique immédiate tient à la suspension des effets de la clause pendant l’exécution du plan. Le dispositif le rappelle en des termes clairs et utiles à la sécurité juridique: «RAPPELLE qu’en conséquence, les effets de la clause résolutoire insérée au contrat de bail sont suspendus.» Cette suspension conditionnelle matérialise l’équilibre recherché entre la sanction de l’impayé et la prévention de l’exclusion, tout en conservant l’efficacité de la résiliation en cas de défaillance.

B. Quittances, dépens, exécution provisoire et portée pratique

La demande de quittances reçoit une suite favorable, au vu du décompte des loyers courants. Le juge constate l’état des paiements et en tire la conséquence utile pour l’information des parties. Deux passages l’expriment nettement: «Il résulte en l’espèce du décompte produit par le bailleur que les défendeurs sont à jour du paiement de leurs loyers jusqu’en février 2025.» Puis: «Les bailleurs seront par conséquent condamnés à leur délivrer quittance des loyers afférents à cette période.» Cette solution rappelle la nature impérative de l’article 21 de la loi de 1989 et le rôle probatoire des quittances dans la vie du bail.

La répartition des dépens illustre par ailleurs la logique de nécessité. Le coût du premier commandement est admis, mais pas celui, redondant, du 6 août 2024, jugé dépourvu d’utilité procédurale particulière. Cette modulation responsabilise les bailleurs dans leurs diligences et prévient les frais superflus. Enfin, l’exécution provisoire de droit des décisions de première instance est expressément relevée, conformément à l’article 514 du Code de procédure civile: «L’exécution provisoire sera par conséquent constatée au terme du présent jugement.» La portée pratique est immédiate, notamment pour l’exigibilité conditionnelle des sommes et le suivi du plan d’apurement.

Ce jugement explique avec méthode la chronologie utile, applique strictement l’article 24 de la loi de 1989, puis exerce avec mesure le pouvoir d’octroi de délais. Il consacre une lecture protectrice du délai conventionnel plus long, sans fragiliser la clause résolutoire, et privilégie une sortie régularisée dès lors que la dette est résiduelle et la solvabilité crédible. L’équilibre retenu, conjuguant sanction et sauvegarde, s’inscrit dans les principes gouvernant le contentieux locatif d’habitation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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