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Par jugement du 18 juin 2025, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint‑Nazaire statue sur un litige locatif. Un logement d’habitation a été loué le 14 décembre 2020, avec loyer et provisions, puis des impayés persistants sont apparus. Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 10 juillet 2024, suivi d’un commandement de justifier d’une assurance le 10 octobre 2024, après l’échec de plans d’apurement successifs. Assigné le 21 janvier 2025, le locataire n’a pas comparu à l’audience du 2 avril 2025, tandis que le bailleur a sollicité la résiliation de plein droit, l’expulsion, le règlement de l’arriéré et une indemnité d’occupation. La juridiction devait apprécier la recevabilité de l’action au regard des formalités préalables, puis décider de l’acquisition de la clause résolutoire à la lumière du nouveau régime des délais de paiement. Elle a jugé l’action recevable, constaté la résiliation au 11 septembre 2024, ordonné l’expulsion différée, fixé une indemnité d’occupation et refusé l’allocation sur le fondement de l’article 700.
I. Le sens de la décision: recevabilité et clause résolutoire
A. Les conditions préalables de recevabilité
La juridiction rappelle le cadre applicable en cas de défaut de comparution. Elle cite expressément que «Lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime recevable, régulière et bien fondée.» L’office du juge reste donc plein et entier, impliquant un contrôle de la notification préfectorale et du délai postérieur à la saisine de la commission de prévention des expulsions.
La recevabilité est admise au double titre de l’information préfectorale préalable et du respect du délai de deux mois suivant la saisine de la commission, conformément aux articles 24 II et III de la loi du 6 juillet 1989 et à l’article R.824‑4 du code de la construction et de l’habitation. La chronologie des actes est correctement articulée avec les exigences textuelles, ce qui autorise l’examen du fond. La juridiction encadre par ailleurs l’étendue de son pouvoir en rappelant que «Le défendeur n’ayant pas comparu, le tribunal se prononcera dans les limites de l’assignation, soit pour la période arrêtée au 15 janvier 2025, terme du mois de janvier 2025 non inclus.»
B. La mise en œuvre et la suspension éventuelle de la clause
Le juge applique le régime rénové des délais de paiement introduit en 2023. Il énonce que «en vertu des dispositions de l’article 24 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs, modifiés par les articles 9 et 10 de la loi n° 2023‑668 du 27 juillet 2023, d’application immédiate en l’absence de dispositions transitoires, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343‑5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.» Le texte est interprété strictement autour d’un double faisceau probatoire: la capacité de remboursement et la reprise effective du loyer courant avant l’audience.
La décision précise encore que «Les demandes de délais de paiement peuvent désormais être présentées jusqu’à l’audience visant à constater la résiliation du bail.» Cette faculté tardive demeure sans effet en l’absence d’éléments concrets sur la solvabilité et d’une reprise intégrale et durable du loyer courant. Le juge retient l’aggravation de la dette, l’absence de justificatifs financiers et l’inertie sur l’assurance locative. Dans ces conditions, la suspension des effets de la clause n’est pas prononcée, d’autant que «Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge.» La solution est formulée en des termes clairs: «Il convient donc de constater que la clause résolutoire est acquise au bailleur et que le bail est résilié depuis le 11 septembre 2024.»
II. Valeur et portée de la solution
A. Une solution conforme aux textes et à l’économie de la réforme
La motivation s’inscrit dans le cadre légal actualisé, sans excéder l’office du juge. La référence à l’«application immédiate en l’absence de dispositions transitoires» consacre l’effectivité du nouveau mécanisme, en cohérence avec l’objectif de prévention, mais subordonné à des critères précis et cumulés. La balance opérée entre protection du logement et sécurité du crédit locatif demeure lisible et constante.
La cohérence se retrouve dans les demandes accessoires. La juridiction retient que «L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.» Elle rappelle également, au titre de l’autorité et de la sécurité, qu’«En application de l’article 514 du code de procédure civile, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont exécutoires de droit à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.» La solution est ainsi pleinement adossée aux textes, sans sur‑protection ni rigueur excessive.
B. Portée pratique et lignes directrices pour les praticiens
Plusieurs enseignements pratiques émergent, au‑delà de l’espèce. D’une part, la temporalité des demandes de délais s’étend jusqu’à l’audience, mais leur succès commande des preuves objectivées de solvabilité et la reprise intégrale, préalable et continue, du loyer courant. Les indications du jugement sur l’absence d’éléments et l’aggravation de la dette invitent à une anticipation probatoire rigoureuse.
D’autre part, la décision formalise un schéma opératoire en matière de clause résolutoire. À défaut de reprise pleine du courant et de plan crédible, la résiliation est constatée et l’occupation post‑résiliation bascule dans le régime indemnitaire. La juridiction clarifie encore les points périphériques en relevant que «Le sort des meubles étant réglé par les dispositions des articles L433‑1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point.» La ligne est nette: recentrer le débat sur la dette locative, la reprise du courant et la faisabilité d’un apurement encadré.
La portée de la solution est double. Elle conforte le rôle du juge comme filtre de crédibilité des apurements sous l’égide du nouvel article 24, dans un cadre d’exécution provisoire de droit qui garantit l’effectivité des décisions. Elle rappelle, enfin, que la protection du logement n’exonère ni de la charge de la preuve de solvabilité, ni de la discipline de paiement requise avant l’audience. En concentrant la motivation sur ces critères, la juridiction fournit un référentiel opérationnel, transposable à des situations analogues sans altérer l’équilibre voulu par le législateur.