- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Le contentieux des soins psychiatriques sous contrainte confronte régulièrement le juge des libertés à la difficile conciliation entre la protection de la santé d’une personne et le respect de sa liberté individuelle. La décision rendue par le tribunal judiciaire de Sarreguemines le 18 juin 2025 illustre parfaitement cette problématique.
Une femme souffrant d’un trouble schizo-affectif avait été admise le 8 juin 2025 au Centre Hospitalier Spécialisé de Sarreguemines en hospitalisation complète sous contrainte, à la suite de troubles du comportement et d’épisodes d’hétéro-agressivité à domicile révélateurs d’une nouvelle décompensation. Le directeur de l’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention le 13 juin 2025, conformément à l’obligation de contrôle juridictionnel prévue par le code de la santé publique, aux fins de poursuite de la mesure.
La patiente, non comparante mais représentée par son conseil, contestait ainsi implicitement le maintien de son hospitalisation. Le directeur du centre hospitalier soutenait que les conditions légales demeuraient réunies et sollicitait l’autorisation de poursuivre les soins sous leur forme actuelle.
La question posée au juge était la suivante : les conditions médicales et juridiques justifiant le maintien d’une hospitalisation psychiatrique complète sous contrainte étaient-elles réunies, notamment au regard de l’état clinique de la patiente et de son aptitude à consentir aux soins ?
Le tribunal judiciaire de Sarreguemines a autorisé la poursuite des soins psychiatriques contraints sous forme d’hospitalisation complète, considérant que « l’état actuel, caractérisé par une décompensation maniaque avec des éléments psychotiques, ne lui permet pas de consentir aux soins ».
Cette décision invite à examiner d’abord le contrôle judiciaire de la régularité de la mesure d’hospitalisation contrainte (I), puis l’appréciation médicale de la nécessité du maintien des soins (II).
I. Le contrôle juridictionnel de la mesure d’hospitalisation contrainte
Le juge des libertés et de la détention exerce un contrôle systématique sur les mesures privatives de liberté en matière psychiatrique (A), contrôle qui s’inscrit dans un cadre procédural strict garantissant les droits de la personne hospitalisée (B).
A. L’obligation constitutionnelle de contrôle judiciaire
Depuis la réforme issue de la loi du 5 juillet 2011, modifiée par celle du 27 septembre 2013, le maintien d’une hospitalisation psychiatrique complète sous contrainte requiert l’autorisation du juge des libertés et de la détention. Cette exigence découle directement de l’article 66 de la Constitution, qui confie à l’autorité judiciaire la garde de la liberté individuelle.
En l’espèce, le tribunal vise expressément les articles L. 3211-12-1 et suivants du code de la santé publique, qui imposent la saisine du juge avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission. La saisine effectuée le 13 juin 2025, soit cinq jours après l’admission du 8 juin, respecte ce délai légal.
Le juge procède ainsi à « un contrôle de plein contentieux » qui porte tant sur la régularité formelle de la procédure que sur le bien-fondé de la mesure. Cette double dimension du contrôle garantit que la privation de liberté ne résulte pas uniquement d’une décision administrative mais reçoit l’aval de l’autorité judiciaire.
B. Les garanties procédurales offertes à la personne hospitalisée
La décision commentée révèle le soin apporté au respect du contradictoire. L’ordonnance mentionne que les « avis d’audience et convocations ont été adressés aux parties » et que le « dossier a été communiqué à l’avocat ». La patiente, bien que non comparante, était représentée par son conseil qui a pu faire valoir ses observations à l’audience.
L’audience s’est tenue « dans la salle d’audience spécialement aménagée » du Centre Hospitalier Spécialisé. Cette localisation répond à l’exigence légale de permettre au patient d’être entendu, tout en tenant compte des contraintes liées à son état de santé. Le ministère public, partie jointe à la procédure, a également pu faire valoir son avis.
Ces garanties procédurales participent du procès équitable exigé par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elles permettent d’assurer que la décision de maintien soit prise en toute connaissance de cause, après un débat contradictoire.
II. L’appréciation médicale justifiant le maintien de l’hospitalisation
Le juge fonde sa décision sur une évaluation clinique précise de l’état de la patiente (A), laquelle conduit au constat de son inaptitude à consentir aux soins (B).
A. La caractérisation des troubles psychiatriques
L’ordonnance décrit avec précision les manifestations cliniques observées. La patiente « accueille l’équipe soignante nue, avec un comportement désorganisé, des objets éparpillés dans sa chambre, et un discours décousu marqué par des fausses reconnaissances ». Elle « verbalise des angoisses profondes, persuadée que sa marraine lui parle à travers la VMC et que son fils l’observe depuis le ciel ».
Ces éléments caractérisent ce que l’avis médical qualifie de « décompensation maniaque avec des éléments psychotiques ». Le diagnostic de « trouble schizo-affectif difficilement stabilisable » éclaire le contexte de cette réadmission, intervenue après des épisodes d’hétéro-agressivité à domicile.
Le juge reprend ces éléments médicaux sans les remettre en cause, manifestant ainsi la confiance accordée à l’expertise psychiatrique. Cette déférence s’explique par la technicité de l’évaluation clinique, qui relève de la compétence des médecins. Le juge vérifie néanmoins que cette évaluation repose sur des certificats médicaux réguliers et un avis motivé récent.
B. L’inaptitude à consentir comme fondement de la contrainte
Le tribunal retient que « l’état actuel » de la patiente « ne lui permet pas de consentir aux soins ». Cette formulation reprend le critère central posé par l’article L. 3212-1 du code de la santé publique : les soins contraints ne peuvent être imposés qu’à une personne dont les troubles mentaux « rendent impossible son consentement ».
L’impossibilité de consentir résulte ici directement des symptômes décrits. Une personne présentant des fausses reconnaissances, un discours décousu et des convictions délirantes ne dispose pas de la lucidité nécessaire pour apprécier la nécessité des soins et y adhérer de manière éclairée. L’absence de consentement n’est pas une opposition volontaire mais une impossibilité pathologique.
Cette appréciation revêt une portée considérable : elle justifie une atteinte à la liberté individuelle, droit fondamental garanti par la Constitution et les conventions internationales. Le juge des libertés assume ainsi pleinement son rôle de gardien de cette liberté, en vérifiant que les conditions strictes posées par la loi sont effectivement réunies avant d’autoriser le maintien de la mesure.