Tribunal judiciaire de St Denis, le 19 juin 2025, n°25/01632

Le désistement d’instance constitue une forme de résolution amiable des litiges dont le régime, fixé par les articles 394 à 399 du code de procédure civile, illustre la place accordée à la volonté des parties dans la conduite du procès civil. Le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Denis le 19 juin 2025 offre une application classique de ce mécanisme procédural.

Une demanderesse avait saisi le juge de l’exécution par acte du 14 mai 2025. L’objet exact de sa demande n’apparaît pas dans la décision. À l’audience du 19 juin 2025, elle a déclaré se désister de son instance. La défenderesse, une société bailleresse, représentée par un mandataire muni d’un pouvoir spécial, a accepté ce désistement.

Le juge de l’exécution devait déterminer si le désistement d’instance pouvait être déclaré parfait et quelles conséquences en tirer sur le plan procédural et financier.

Le magistrat a constaté le désistement, dit celui-ci parfait, prononcé l’extinction de l’instance et condamné la demanderesse aux dépens sur le fondement de l’article 399 du code de procédure civile.

Cette décision invite à examiner les conditions de validité du désistement d’instance (I), puis les effets que le droit positif attache à ce mécanisme extinctif (II).

I. Les conditions de validité du désistement d’instance

Le désistement d’instance obéit à des règles de fond tenant à la volonté des parties (A) et suppose la réunion de conditions procédurales précises (B).

A. L’exigence d’une manifestation de volonté non équivoque

L’article 394 du code de procédure civile dispose que « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Le juge a relevé que la demanderesse « a déclaré se désister de son instance ». Cette formulation traduit l’exercice d’un droit potestatif dont le titulaire est exclusivement le demandeur à l’action.

Le désistement constitue un acte unilatéral de volonté qui n’exige aucune forme particulière. Il peut être exprimé oralement à l’audience, comme en l’espèce. La jurisprudence admet également le désistement par conclusions écrites. La seule exigence tient au caractère non équivoque de la manifestation de volonté. Le demandeur doit exprimer clairement son intention d’abandonner l’instance engagée.

La décision commentée ne fait état d’aucune contestation sur ce point. L’acceptation expresse de la société défenderesse confirme l’absence de toute ambiguïté dans la déclaration de désistement. Cette convergence des volontés sécurise la qualification juridique retenue par le juge.

B. Le rôle de l’acceptation du défendeur

L’article 395 du code de procédure civile subordonne en principe la perfection du désistement à l’acceptation du défendeur. Cette exigence protège les intérêts de celui qui a été attrait en justice. Elle lui permet de refuser l’extinction de l’instance s’il souhaite obtenir une décision au fond, notamment pour bénéficier de l’autorité de la chose jugée.

Le même texte prévoit cependant une dispense d’acceptation lorsque le défendeur « n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir ». Le juge a rappelé cette règle dans ses motifs. La décision indique que « la société SHLMR a accepté le désistement », ce qui rend la question de la dispense sans objet pratique. L’acceptation expresse suffit à rendre le désistement parfait.

Cette acceptation a été formulée par un représentant muni d’un pouvoir spécial. La mention de ce pouvoir dans le jugement atteste du respect des règles de représentation en justice. Le mandataire disposait bien de la capacité de consentir au désistement pour le compte de la personne morale défenderesse.

II. Les effets du désistement d’instance parfait

Le désistement valablement formé produit des effets sur l’instance elle-même (A) et emporte des conséquences financières pour son auteur (B).

A. L’extinction de l’instance sans dessaisissement du juge du fond

L’article 398 du code de procédure civile énonce que « le désistement d’instance emporte extinction de l’instance ». Le juge a tiré cette conséquence en constatant que l’instance était éteinte. Cette extinction opère de plein droit dès que le désistement est parfait.

Le désistement d’instance se distingue du désistement d’action prévu à l’article 400 du même code. Le premier laisse subsister le droit d’agir. Le demandeur conserve la faculté d’introduire ultérieurement une nouvelle instance fondée sur les mêmes prétentions. Le second emporte renonciation au droit substantiel d’agir et produit les effets d’un acquiescement à la prétention adverse.

La décision commentée vise exclusivement le désistement d’instance. La demanderesse pourrait théoriquement saisir à nouveau le juge de l’exécution sur le même fondement, sous réserve de la prescription. Cette solution préserve sa situation juridique tout en mettant fin au litige pendant.

Le jugement de désistement ne tranche aucune question de fond. Il se borne à prendre acte de la volonté des parties de ne pas poursuivre l’instance. Cette décision ne bénéficie pas de l’autorité de la chose jugée au principal.

B. La charge des dépens pesant sur le demandeur défaillant

L’article 399 du code de procédure civile prévoit que « le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte ». Le juge a fait application de cette règle en laissant les dépens à la charge de la demanderesse.

Cette solution repose sur une logique d’imputation des frais à celui qui a pris l’initiative d’une instance qu’il abandonne ensuite. Le demandeur qui se désiste est présumé avoir engagé à tort une procédure judiciaire. Il doit en assumer les conséquences financières.

Le texte réserve toutefois la possibilité d’une convention contraire. Les parties auraient pu s’accorder pour faire peser les dépens sur le défendeur ou pour les partager. Aucun accord de cette nature n’a été invoqué en l’espèce. Le juge s’est donc conformé à la règle supplétive de l’article 399.

La décision ne statue pas sur l’article 700 du code de procédure civile. L’absence de demande au titre des frais irrépétibles explique ce silence. La société défenderesse n’a pas sollicité d’indemnisation pour les frais exposés et non compris dans les dépens. Cette retenue s’inscrit dans la logique du désistement accepté, qui traduit souvent une volonté commune d’apaisement du litige.

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Hassan KOHEN
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