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Tribunal judiciaire de [Localité 9], 13 juin 2025. Un bailleur de location financière réclame loyers et indemnités après résiliation d’un contrat de services indispensable au fonctionnement d’un matériel télécom loué. La locataire avait signalé des pannes graves en novembre 2020, puis notifié la résiliation par lettre recommandée en février 2021 et restitué le matériel. Le prestataire n’a pas comparu, bien qu’appelé en intervention forcée. Le juge valide la résiliation sur le fondement des stipulations contractuelles, puis constate la caducité de la location au titre de l’article 1186 du code civil, avec pour effet l’écartement de toutes demandes fondées sur le contrat caduc et l’irrecevabilité des prétentions nouvelles dirigées contre le prestataire pour défaut de signification. La question tranchée tient, d’une part, à la mise en œuvre d’une clause résolutoire articulée avec la hiérarchie des stipulations contractuelles et l’article 1225, d’autre part, aux conditions de la caducité d’un contrat de location dans une opération d’ensemble au regard de l’article 1186, alinéas 2 et 3.
I. La résiliation contractuelle régulièrement mise en œuvre
A. La hiérarchie stipulationnelle au service de la preuve des notifications
Le tribunal rappelle, au sujet du régime des notifications, que « Si l’article 5 des conditions générales prévoit que les notifications qui y sont mentionnées devront être adressées par lettre recommandée avec avis de réception, c’est à condition que les conditions particulières ne prévoient pas un autre mode de notification ». Le raisonnement s’appuie sur l’article 1119, alinéa 3, du code civil, qui consacre la prévalence des conditions particulières en cas de contrariété. Les pièces produites établissent que le contrat de services autorisait, s’agissant du signalement de la défaillance, un courriel à l’adresse dédiée, accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Dès lors, les messages des 19 et 23 novembre 2020 décrivant l’arrêt quasi total des lignes constituaient une notification de défaut valable au regard des conditions particulières.
La clause résolutoire insérée à l’article 10.2 des conditions générales est ensuite citée et appliquée. Elle prévoit que « si la partie défaillante n’a pas remédié au manquement dans les 30 jours suivant l’envoi de la notification du défaut, la partie non fautive pourra alors, par l’envoi à la partie défaillante d’une notification de résiliation, prononcer la résiliation du contrat unilatéralement, automatiquement sans indemnité et sans qu’il soit besoin d’avoir recours aux juridictions compétentes pour la confirmer. Cette résiliation sera alors immédiate et prendra effet au jour de l’envoi de la notification de la résiliation. » Le juge constate le respect du délai de trente jours entre les courriels de défaut et la lettre recommandée de résiliation de février 2021, de sorte que la condition suspensive de la clause était réalisée et que la résiliation pouvait être valablement notifiée.
B. La clause résolutoire à l’épreuve de l’article 1225 du code civil
Le tribunal précise que « L’article 1225, alinéa 2, du code civil ne subordonne la résolution à une mise en demeure infructueuse, en cas de clause résolutoire, que s’il n’a pas été prévu que la résolution résulterait du seul fait de l’inexécution. » Or la stipulation litigieuse énonce expressément que l’absence de remède dans les trente jours ouvre, par simple notification, le droit de résilier. En assimilant la séquence courriel de défaut / écoulement du délai / lettre de résiliation à la mécanique de l’article 1225, le juge écarte toute exigence de mise en demeure supplémentaire. La solution est rigoureuse et claire, car elle distingue le signalement de l’inexécution, opéré selon les conditions particulières, de la notification de résiliation, formalisée par lettre recommandée.
Cette application conjointe de la hiérarchie contractuelle et de l’article 1225 emporte une validation complète de la résiliation. Elle confirme une ligne utile en pratique: si les conditions particulières fixent un canal de notification du défaut, celui-ci vaut déclencheur de la clause, dès lors que le texte résolutoire vise le seul fait de l’inexécution non réparée à terme.
II. La caducité de la location au titre de l’opération d’ensemble
A. L’interdépendance et la connaissance requise par l’article 1186
Le tribunal vise d’abord la norme. « Aux termes de l’article 1186 du code civil, un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît. » Il rappelle surtout l’alinéa 2: « Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie. » L’alinéa 3 parachève l’exigence de sécurité juridique: « La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement. »
À partir de là, le juge caractérise l’opération unique: la location d’un matériel conçu pour l’acheminement des communications et la fourniture du service téléphonique forment un tout indissociable, matériel et service étant nécessaires à la finalité économique recherchée. Le magistrat retient que l’exécution du contrat de services constituait une condition déterminante du consentement de la locataire à la location, aucun texte contractuel ne mentionnant la possibilité, ni les modalités, d’usage du matériel avec un autre opérateur. Il en déduit, au vu de la chaîne contractuelle et de la nature du bien livré, la connaissance de l’opération d’ensemble par le bailleur lors de son engagement.
Cette motivation, soucieuse de concrétude, privilégie des indices intrinsèques aux instruments: identité du matériel référencé dans les deux contrats, description du service nécessaire à son fonctionnement, silence sur une interopérabilité effective. Elle appelle une vigilance probatoire en sens inverse: en présence d’équipements dits génériques, la démonstration technique d’une possibilité d’usage alternatif pourrait neutraliser l’interdépendance ou remettre en cause le caractère déterminant du service.
B. Les effets tirés de la caducité et la portée pratique de la solution
Constatant l’anéantissement de l’un des piliers de l’opération, le juge retient que « Il convient donc de constater la caducité du contrat de location financière à la date d’effet de la résiliation du contrat de prestation de service ». La précision chronologique est nette: la caducité opère au jour de l’envoi de la notification de résiliation, conformément au texte contractuel, soit en février 2021. Les conséquences s’imposent alors avec logique: « Le contrat de location financière étant caduc à compter du 17 février 2021, ses clauses ne sont plus applicables. » Les demandes fondées sur des loyers postérieurs à cette date, l’indemnité contractuelle et les frais de résiliation, sont rejetées.
La décision contient toutefois une légère discordance matérielle dans le dispositif, qui mentionne une date antérieure d’une année. L’économie des motifs et la cohérence du calcul des conséquences convergent vers 2021, ce qui plaide pour une simple erreur de plume, rectifiable. En pratique, l’identification de la date pivot conditionne l’intégralité des postes de créance comme des restitutions éventuelles, et mérite une attention particulière lors de la rédaction.
Sur le terrain procédural, les prétentions nouvelles du bailleur contre le prestataire, non signifiées à la partie défaillante, sont déclarées irrecevables sur le fondement de l’article 68 du code de procédure civile. Cette rigueur rappelle que l’appel en garantie ou la résolution en chaîne exigent la régularité de la saisine et la notification effective des conclusions aux intéressés. La portée est double: sécuriser le contradictoire et éviter qu’un débat principal n’absorbe, sans forme, un litige distinct avec un intervenant.
La solution présente une utilité immédiate pour les montages dits “trilatéraux” autour des solutions télécoms et informatiques clés en main. Elle confirme que l’article 1186, désormais codifié, offre une réponse efficace lorsque la prestation déterminante disparaît et rend l’économie du contrat résiduel dénuée de sens. Elle suggère, pour les bailleurs, de clarifier l’absence d’interdépendance ou l’interopérabilité du matériel, et, pour les preneurs, de documenter précisément les défauts selon les canaux contractuels. Elle conduit, enfin, à calibrer les clauses résolutoires en distinguant nettement la notification du défaut et la notification de résiliation, afin d’éviter toute contestation quant à la nécessité d’une mise en demeure supplémentaire.