Tribunal judiciaire de Strasbourg, le 13 juin 2025, n°24/01543

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Rendue par le juge des contentieux de la protection de Strasbourg le 13 juin 2025, l’ordonnance tranche un litige de bail d’habitation concernant l’acquisition d’une clause résolutoire, le montant d’un arriéré locatif et l’aménagement de ses effets. Un bail d’habitation avait été conclu le 1er mai 2019 pour un loyer mensuel de 320 euros et 30 euros de provisions. Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 29 juillet 2024, la dette étant alors alléguée à 5 400 euros en principal, puis le locataire a été assigné en référé le 28 novembre 2024 pour expulsion, indemnité d’occupation et paiement.

La procédure a connu une réouverture des débats au 31 mars 2025 avec injonctions de produire. À l’audience du 16 mai 2025, le bailleur a renoncé à ses prétentions relatives à un garage et s’est dit favorable à des délais de paiement avec mécanismes de déchéance. Le locataire, qui indique avoir repris une activité professionnelle, a proposé un apurement de la dette à 400 euros par mois. Le débat s’est concentré sur la régularité du commandement, l’exactitude du décompte et la possibilité de suspendre la clause malgré l’absence de reprise intégrale du loyer courant avant l’audience.

La question de droit posée est double. D’une part, la clause résolutoire a-t‑elle produit effet au terme du délai de deux mois prévu par l’article 24 I de la loi du 6 juillet 1989, au vu des paiements intervenus et de la contestation du décompte? D’autre part, le juge peut‑il, faute de reprise du loyer courant, accorder des délais de paiement et suspendre les effets de la clause en se fondant sur l’article 1228 du code civil, alors que l’article 24 VII conditionne la suspension à la reprise intégrale?

La juridiction constate l’acquisition de la clause au 29 septembre 2024 à 24 heures, refuse la réduction du délai d’expulsion de l’article L. 412‑1 du code des procédures civiles d’exécution, fixe l’arriéré à 6 150 euros à la date de mai 2025, refuse les délais sur le fondement de l’article 24 V et VII, puis, en application de l’article 1228 du code civil, accorde des délais d’apurement et “suspend les effets de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais accordés”. Elle déboute enfin de la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

I. La mise en œuvre de la clause résolutoire et la fixation de la dette

A. L’acquisition de la clause après un commandement demeuré infructueux

Le juge rappelle la force obligatoire du contrat et la règle spéciale du bail d’habitation. C’est à juste titre qu’il cite l’article 24 I, selon lequel « toute clause prévoyant la résiliation de plein droit (…) ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ». Il relève que le bail « contient une clause résolutoire » et qu’« un commandement de payer a été signifié le 29 juillet 2024 (…) demeuré infructueux pendant plus de deux mois », en sorte « qu’il y a lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire (…) étaient réunies à la date du 29 septembre 2024 à 24 heures ». La motivation, claire et chronologique, met l’accent sur l’absence de paiement dans le temps du commandement, condition déterminante de l’effet automatique de la clause.

Le refus de réduire le délai légal d’expulsion s’inscrit dans la logique du contrôle de proportionnalité prévu par l’article L. 412‑1 du code des procédures civiles d’exécution. La juridiction énonce que « les éléments de la cause, les paiements intervenus et l’absence de caractérisation de la mauvaise foi ne justifient pas la réduction du délai légal ». En l’absence de mauvaise foi caractérisée, la solution est prudente et respecte l’économie protectrice du texte.

B. Le contrôle judiciaire du décompte et la correction du quantum

Sur la dette, la charge de la preuve est rappelée par l’article 1353 du code civil. La juridiction relève que le bailleur « produit un décompte particulièrement abscons relevant plus d’une reconstitution a posteriori », opère les déductions nécessaires et écarte les sommes réclamées au titre du garage, au motif de l’absence de base contractuelle et de l’abandon des prétentions. La méthode, rigoureuse, distingue ce qui est dû au titre du bail d’habitation et ce qui ne l’est pas.

Le raisonnement arithmétique conduit à retenir une dette de 4 400 euros au 31 décembre 2024, puis 6 150 euros en y ajoutant les échéances de 2025 jusqu’en mai inclus. Le juge constate que le locataire « s’accorde sur une absence de paiement » et le condamne « à titre provisionnel au paiement de cette somme de 6 150 euros, avec les intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance ». L’emploi du provisoire, en référé, est conforme à la nature des pouvoirs exercés et à la certitude de l’obligation, une contestation sérieuse n’ayant pas été établie.

II. L’aménagement judiciaire des effets de la résiliation: régime spécial et recours au droit commun

A. Le refus des délais de l’article 24 V et VII faute de reprise intégrale

La loi du 6 juillet 1989 organise un régime dérogatoire de délais d’apurement, jusqu’à trois ans, sous condition de reprise du loyer courant avant l’audience. La juridiction en déduit, de manière explicite, que « l’octroi de délais de paiement par le juge sur ce fondement est désormais conditionné à la reprise intégrale du paiement des loyers par le locataire ». Elle constate ensuite la défaillance de cette condition: « Il est constant que le locataire n’a pas repris le paiement du loyer courant. Faute de reprise intégrale (…) les délais de paiement ne peuvent être accordés sur ce fondement. »

Ce rappel de la conditionnalité traduit la lettre et l’esprit du texte spécial, qui subordonne la suspension des effets de la clause à une reprise effective du loyer. La solution protège l’exécution régulière du bail et incite à une reprise immédiate des paiements, au prix d’une exigence stricte dont la portée pratique peut se révéler dissuasive pour un débiteur en voie de redressement.

B. L’octroi de délais sur le fondement de l’article 1228 et la suspension corrélative

La juridiction se saisit ensuite du droit commun des sanctions de l’inexécution. Elle vise l’article 1228 du code civil, selon lequel « le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur ». Elle en déduit que « les éléments de la cause permettent (…) d’autoriser [le locataire] à se libérer du montant de sa dette », en fixant des mensualités et un terme, et précise, de manière décisive, que « les effets de la clause résolutoire seront suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés ».

Le choix opère un équilibre pragmatique entre la rigueur du régime spécial et l’objectif d’apurement réaliste. La valeur de la solution appelle cependant discussion. Le régime de l’article 24 VII conditionne la suspension de la clause à la reprise du loyer, exigence absente ici. Le recours à l’article 1228 permet de différer l’exécution de la résolution et d’ordonner la poursuite provisoire du contrat sous condition d’apurement, mais il interroge sur l’articulation entre texte spécial et droit commun. La juridiction forme un dispositif clair, assorti de clauses de déchéance et d’une mise en demeure préalable de sept jours, qui rétablit l’effectivité de la résolution en cas de défaillance. Cette technique ménage la continuité du logement, sécurise l’apurement et limite le risque moral par une réactivation automatique de la clause.

La portée de l’ordonnance est double. D’une part, elle confirme une lecture stricte de l’article 24 quant à la suspension fondée sur la reprise du loyer. D’autre part, elle illustre une voie d’aménagement par l’article 1228, apte à concilier le rétablissement du débiteur et la garantie du créancier. L’économie du dispositif, qui conditionne la survie du bail à l’exécution des échéances fixées, s’avère cohérente avec le rappel que, si « les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais été acquise », tandis qu’en cas d’incident elle « retrouve son plein effet ». Cette articulation, assumée, témoigne d’un usage mesuré des pouvoirs du juge pour ordonner l’exécution avec délai sans vider de sa substance la résolution acquise.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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