Tribunal judiciaire de Strasbourg, le 13 juin 2025, n°24/06524

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Par un jugement du 13 juin 2025, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de [Localité 8] a statué sur un litige locatif relatif à l’obligation de délivrer un logement décent. Le débat portait sur un couloir initialement recouvert de moquette, dont la dépose a mis à nu des dalles contenant de l’amiante, ainsi que sur des équipements de salle de bains.

Un bail d’habitation a été conclu le 19 mai 2022, avec entrée dans les lieux le 31 mai 2022. L’état des lieux mentionnait une moquette « en état d’usage » dans le couloir et divers éléments neufs en salle de bains. La locataire a retiré la moquette sans solliciter l’accord écrit du bailleur, découvrant un ancien revêtement amianté sous-jacent. Elle a réclamé le remboursement de travaux et la prise en charge d’un nouveau revêtement, invoquant la santé d’un enfant et la décence.

Saisie par assignation du 2 mai 2024, la juridiction a été invitée à apprécier, d’une part, si la présence d’amiante encapsulée sous moquette et l’existence même de la moquette caractérisaient un défaut de décence obligeant le bailleur à financer des travaux. D’autre part, était discutée la qualification des interventions locatives en transformations soumises à autorisation, ainsi que la preuve de désordres en salle de bains.

La décision rappelle la norme de référence tirée de la loi du 6 juillet 1989, selon laquelle « le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé ». Elle vise aussi le décret du 30 janvier 2002, selon lequel « la nature et l’état de conservation et d’entretien » des revêtements « ne doivent pas présenter des risques manifestes pour la santé des locataires ». Les juges relèvent encore la stipulation contractuelle selon laquelle « le locataire ne peut réaliser que des aménagements ne constituant pas une transformation des lieux loués. Toute transformation nécessite l’accord écrit du bailleur (…) ».

Constatant que la moquette était en bon état lors de l’entrée, que l’amiante n’était pas apparente avant sa mise à nu, et que l’autorisation écrite manquait, le tribunal énonce que « La seule présence de moquette, en état d’usage, dans le couloir, ne saurait caractériser un risque manifeste pouvant porter atteinte à la santé du locataire. » Faute de preuve de désordres en salle de bains, il rejette la demande.

I. Le sens de la solution retenue

A. L’absence de risque manifeste en présence d’un encapsulage effectif

L’office du juge est guidé par le critère du « risque manifeste » de la loi de 1989 et du décret de 2002. La motivation s’adosse d’abord au constat que l’amiante n’était pas apparente avant la dépose de la moquette par la locataire. Le raisonnement établit que l’encapsulage empêchait la libération de fibres dans l’air, de sorte que le risque n’était ni actuel ni manifeste.

En ce sens, la juridiction rappelle que « le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé ». Puis elle précise, à propos des revêtements, que « la nature et l’état de conservation et d’entretien » ne doivent pas exposer les occupants. La décence s’apprécie objectivement au jour de la délivrance, au regard d’éléments visibles, sans confondre présence potentielle et danger avéré.

La formule décisive retient ainsi que « La seule présence de moquette, en état d’usage, dans le couloir, ne saurait caractériser un risque manifeste pouvant porter atteinte à la santé du locataire. » L’état d’usage neutralise l’allégation d’un péril, l’encapsulage initial sécurisant le support amianté.

B. Le régime des transformations locatives et la nécessité de l’accord écrit

Le second axe repose sur la qualification des travaux entrepris. Le remplacement d’une moquette par un parquet constitue une modification de la nature du revêtement, dépassant de simples aménagements. Le contrat exigeait un accord préalable et écrit, dont la preuve n’était pas rapportée par la locataire.

La clause visée est claire: « le locataire ne peut réaliser que des aménagements ne constituant pas une transformation des lieux loués. Toute transformation nécessite l’accord écrit du bailleur (…) ». En l’absence d’autorisation, l’initiative locative, à l’origine de la mise à nu du support amianté, ne peut fonder une obligation de remboursement ni de prise en charge par le bailleur.

La solution se prolonge par une exigence de prudence: le recouvrement ultérieur du support, pour rétablir l’encapsulage, ressortit à la responsabilité de celui qui a créé l’exposition. Le juge rattache ainsi le rejet des prétentions à la combinaison du texte contractuel et de l’appréciation du risque.

II. La valeur et la portée de la décision

A. Une interprétation fidèle au cadre légal et réglementaire

La motivation articule avec justesse la loi et le décret, en privilégiant l’examen probatoire et objectif du danger. En rappelant que « le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes », la décision réaffirme que la décence n’exige pas l’éradication de toute substance dangereuse potentielle, mais la prévention de risques actuels perceptibles.

L’usage du décret de 2002 précise utilement le critère pour les revêtements. En citant que « la nature et l’état de conservation et d’entretien » ne doivent pas présenter de risques manifestes, le tribunal consolide un contrôle concret, centré sur l’apparence et l’état de conservation. La logique protège la sécurité sans imposer une obligation de rénovation intégrale lorsqu’aucun risque manifeste n’est établi.

Le raisonnement reste également cohérent avec le droit des contrats. La référence à l’accord écrit pour toute transformation consacre un équilibre. Elle empêche que des initiatives unilatérales engendrent, après coup, une obligation à la charge du bailleur hors des règles de police de l’immeuble.

B. Conséquences pratiques pour les acteurs du bail d’habitation

La solution trace deux lignes directrices. D’abord, le locataire doit solliciter l’accord écrit pour tout changement substantiel du revêtement, surtout lorsque le support peut être sensible. À défaut, l’exposition créée par la dépose engage sa responsabilité de recouvrement, sans ouvrir droit au remboursement.

Ensuite, le bailleur, tenu par la décence, demeure prudent dans l’information. L’arrêt retient que le diagnostic initial ne portait que sur l’amiante apparente. Toutefois, face à des immeubles anciens, une communication préventive sur les supports encapsulés favorise la sécurité juridique et sanitaire des occupants.

La portée opérationnelle demeure mesurée. La formule selon laquelle « La seule présence de moquette, en état d’usage, dans le couloir, ne saurait caractériser un risque manifeste » conduit à privilégier le recouvrement et la conservation des protections existantes. Elle incite à traiter l’amiante par encapsulage et procédures encadrées, plutôt que par des déposes improvisées.

En matière probatoire, la décision rappelle la rigueur nécessaire. Les allégations de moisissures exigent des preuves circonstanciées. L’absence de facture utile pour les travaux déterminants et l’état d’usage constaté en salle de bains justifient le rejet. Le standard de la décence demeure ainsi exigeant quant aux démonstrations techniques et documentaires.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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