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Le jugement soumis au commentaire a été rendu le 17 juin 2025 par le Tribunal de proximité de Schiltigheim, statuant en matière de contentieux de la protection. Il porte sur le recouvrement d’une créance née d’un contrat de crédit à la consommation.
Les faits de l’espèce sont les suivants. Le 23 juin 2020, un établissement bancaire a consenti à un particulier un prêt personnel d’un montant de 35 000 euros, remboursable en 84 mensualités au taux annuel effectif global de 5,59 %. Un avenant relatif à l’assurance a été signé le 10 juillet 2020. L’emprunteur a cessé d’honorer ses échéances à compter du 30 septembre 2023. Une mise en demeure lui a été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 février 2024.
Par acte de commissaire de justice du 9 octobre 2024, l’établissement prêteur, venant aux droits du prêteur initial, a assigné l’emprunteur devant le Tribunal de proximité de Schiltigheim. Il sollicitait la constatation ou le prononcé de la résiliation du contrat de prêt, la fixation de la déchéance du terme au 11 mars 2024, ainsi que la condamnation du défendeur au paiement de diverses sommes au titre des échéances impayées, du capital restant dû, de la pénalité légale et des intérêts. L’emprunteur, bien que régulièrement cité à personne, n’a pas comparu.
Le juge des contentieux de la protection devait déterminer si l’action du prêteur était recevable au regard du délai de forclusion biennale, puis si les conditions de la résiliation du contrat et du recouvrement de la créance étaient réunies.
Le tribunal a constaté la résiliation du contrat de crédit et condamné l’emprunteur au paiement de la somme de 22 386,69 euros avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision. Il a également condamné le défendeur aux dépens et au paiement d’une indemnité de 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. En revanche, il a débouté le prêteur de sa demande tendant à voir appliquer le taux conventionnel.
Cette décision illustre le contrôle rigoureux exercé par le juge des contentieux de la protection en matière de crédit à la consommation. Elle permet d’examiner successivement l’office du juge dans la vérification de la régularité de l’action (I), puis les modalités de liquidation de la créance du prêteur défaillant (II).
I. Le contrôle de la recevabilité de l’action du prêteur
Le juge des contentieux de la protection exerce un contrôle d’office sur la recevabilité de l’action (A), ce qui garantit l’effectivité de la protection accordée à l’emprunteur (B).
A. La vérification d’office du délai de forclusion
Le tribunal a relevé d’office l’application de l’article R 312-35 du Code de la consommation. Ce texte enferme l’action du prêteur dans un délai de deux ans à compter du premier incident de paiement non régularisé. Ce délai constitue une forclusion et non une prescription, ce qui interdit au juge de l’appliquer d’office en vertu des règles de droit commun. Le Code de la consommation déroge à ce principe en imposant au juge de vérifier le respect de ce délai.
En l’espèce, le premier incident de paiement non régularisé remonte au 30 septembre 2023. L’assignation a été délivrée le 9 octobre 2024. Le tribunal en déduit que l’action a été introduite avant l’expiration du délai biennal. Cette vérification conditionne la recevabilité même de la demande. Le prêteur qui laisse s’écouler ce délai perd tout droit d’agir, quand bien même sa créance demeurerait certaine.
Le contrôle d’office du délai de forclusion s’inscrit dans l’office protecteur du juge des contentieux de la protection. La Cour de cassation a confirmé à plusieurs reprises cette obligation pesant sur le juge en matière de crédit à la consommation.
B. La portée de l’office protecteur du juge
Le tribunal indique que le conseil de la banque « ne sollicite pas la réouverture des débats dans le cas où la Juridiction soulèverait d’office un moyen tiré dudit Code ». Cette formule témoigne de la pratique désormais établie devant les juridictions de proximité. Les établissements de crédit anticipent le relevé d’office de moyens tirés du Code de la consommation.
L’office du juge des contentieux de la protection dépasse la simple vérification du délai de forclusion. Il s’étend à l’ensemble des dispositions protectrices du consommateur. Le juge doit vérifier la régularité formelle de l’offre préalable, le respect de l’obligation d’information précontractuelle et la conformité du taux effectif global. Le tribunal relève en l’espèce que « l’offre de prêt et les documents postérieurs soumis au Tribunal sont réguliers ».
Cette mission de contrôle revêt une importance particulière lorsque le défendeur ne comparaît pas. L’emprunteur défaillant ne peut faire valoir ses droits. Le juge supplée son absence en vérifiant d’office les moyens de défense qu’il aurait pu soulever. Cette protection judiciaire constitue un contrepoids à l’asymétrie structurelle entre le professionnel du crédit et le consommateur.
II. La liquidation de la créance du prêteur
La condamnation de l’emprunteur obéit aux dispositions spéciales du Code de la consommation (A), lesquelles limitent les sommes susceptibles d’être réclamées par le prêteur (B).
A. L’application des sanctions légales de la défaillance
Le tribunal vise expressément l’article L 312-39 du Code de la consommation. Ce texte autorise le prêteur, en cas de défaillance de l’emprunteur, à exiger « le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ». Il peut également solliciter une indemnité dont le montant est plafonné par l’article D 312-16 du même code.
En l’espèce, la créance est fixée à 22 386,69 euros. Cette somme comprend les échéances impayées pour 1 573,41 euros, le capital restant dû pour 18 705,62 euros, l’indemnité légale pour 1 594,93 euros et les intérêts pour 512,73 euros. Le tribunal prend soin de mentionner que ce montant s’entend « sous réserve de versements postérieurs et/ou non pris en compte dans le décompte de l’assignation ».
La décomposition de la créance répond à l’exigence de motivation des décisions de justice. Elle permet également à l’emprunteur condamné de vérifier le bien-fondé de chaque poste. Cette transparence facilite le contrôle de la juridiction d’appel en cas de recours.
B. Le refus d’application du taux conventionnel
Le prêteur sollicitait que les sommes produisent intérêts au taux conventionnel de 5,32 % à compter du 11 mars 2024. Le tribunal n’a pas fait droit à cette demande. Il a ordonné que la créance porte intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision.
Cette solution appelle plusieurs observations. L’article L 312-39 du Code de la consommation ne prévoit pas expressément le maintien du taux conventionnel après la résiliation du contrat. La jurisprudence admet certes que les intérêts contractuels puissent continuer à courir sur le capital restant dû. Toutefois, le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation. Il peut considérer que la résiliation met fin à l’application du taux conventionnel.
Le tribunal a également rejeté la date d’effet sollicitée par le prêteur. Ce dernier demandait que les intérêts courent à compter du 11 mars 2024, date de la déchéance du terme. Le juge a préféré retenir la date du prononcé de la décision. Ce choix limite la charge financière pesant sur l’emprunteur défaillant. Il s’inscrit dans la logique protectrice qui innerve le droit du crédit à la consommation. Le débiteur surendetté ne doit pas voir sa situation aggravée par l’accumulation d’intérêts pendant la durée de la procédure.
La mention selon laquelle « en cas de mise en place d’une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées dans ladite procédure » confirme cette préoccupation. Le juge anticipe la possible saisine de la commission de surendettement. Il rappelle que sa décision n’interdira pas l’aménagement ultérieur de la dette.