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La clause résolutoire constitue un mécanisme classique du droit des baux d’habitation, conçu pour sanctionner l’inexécution des obligations locatives. Cette disposition contractuelle, encadrée par la loi du 6 juillet 1989, produit ses effets de manière automatique après expiration d’un délai légal. Le contentieux locatif illustre régulièrement les difficultés rencontrées par les juridictions pour concilier les intérêts antagonistes du bailleur et du preneur.
Le Tribunal de proximité de Schiltigheim, par jugement du 17 juin 2025, a été saisi d’un litige relatif à des loyers impayés et à la mise en œuvre d’une clause résolutoire.
Une société a donné à bail un appartement à usage d’habitation situé à Schiltigheim par contrat du 9 août 2021, moyennant un loyer mensuel de 435 euros outre 55 euros de provision sur charges. Des loyers étant demeurés impayés, la bailleresse a fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire le 23 août 2024, pour un montant de 1 564,17 euros. Le commandement demeurant infructueux, la société a assigné le locataire devant le Juge des contentieux de la protection par acte du 15 janvier 2025.
À hauteur de première instance, la bailleresse sollicitait la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, subsidiairement la résiliation judiciaire, la condamnation au paiement des arriérés locatifs, l’expulsion et l’allocation d’une indemnité d’occupation. Le locataire, comparaissant en personne, reconnaissait sa dette et invoquait sa situation professionnelle pour solliciter des délais de paiement.
La question posée au tribunal était la suivante : le locataire peut-il bénéficier de délais de paiement suspendant les effets de la clause résolutoire lorsqu’il n’a pas repris le versement intégral du loyer courant avant l’audience ?
Le tribunal constate l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 23 octobre 2024, ordonne l’expulsion et rejette la demande de délais de paiement au motif que « le loyer courant n’est pas payé » et que la dette présente une « importance » incompatible avec un échelonnement.
L’intérêt de cette décision réside dans l’application rigoureuse des conditions légales de suspension des effets de la clause résolutoire (I) et dans la mise en évidence du caractère impératif de la reprise du paiement du loyer courant comme préalable à tout octroi de délais (II).
I. L’acquisition de la clause résolutoire soumise à un formalisme protecteur
Le juge procède à une vérification méthodique des conditions procédurales de recevabilité de l’action (A) avant de constater la réunion des conditions de fond de la clause résolutoire (B).
A. Le respect des formalités préalables à l’action en résiliation
Le tribunal relève que « une copie de l’assignation a été notifiée à la Préfecture du BAS-RHIN par la voie électronique le 16 janvier 2025 conformément aux dispositions de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 ». Cette notification préfectorale constitue une formalité substantielle destinée à permettre aux services sociaux d’intervenir en amont de l’expulsion.
La juridiction constate également que la bailleresse « justifie avoir saisi la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) le 28 octobre 2024, conformément aux dispositions de l’article 24 II de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 ». Cette saisine préalable de la CCAPEX s’inscrit dans le dispositif de prévention des expulsions locatives renforcé par le législateur.
Ces formalités attestent de la volonté du législateur d’instaurer un temps de médiation sociale avant toute décision juridictionnelle définitive. Le bailleur ne peut obtenir la résiliation que s’il a préalablement permis aux acteurs de la prévention d’explorer les solutions alternatives. En l’espèce, cette démarche n’a pas permis d’aboutir à un règlement amiable.
B. Le constat de l’acquisition de plein droit de la clause résolutoire
Le tribunal rappelle les termes de l’article 24 I de la loi du 6 juillet 1989 selon lesquels « toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ».
La juridiction vérifie la réunion des conditions légales. Le bail contenait une clause résolutoire. Le commandement de payer, visant cette clause, a été signifié le 23 août 2024. Ce commandement « est demeuré infructueux pendant plus de deux mois, de sorte qu’il y a lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail étaient réunies à la date du 23 octobre 2024 ».
Le mécanisme de la clause résolutoire opère de manière automatique dès lors que les conditions sont remplies. Le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de la résiliation. Son rôle se limite à constater la réunion des conditions légales. Seul l’octroi de délais de paiement peut suspendre les effets de cette acquisition.
II. Le rejet des délais de paiement fondé sur l’absence de reprise du loyer courant
Le tribunal applique strictement les conditions légales de l’article 24 V de la loi de 1989 (A), illustrant la rigueur du mécanisme de suspension des effets de la clause résolutoire (B).
A. L’exigence légale de la reprise du paiement intégral du loyer courant
Le tribunal rappelle les termes de l’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 qui dispose que le juge peut accorder des délais de paiement « à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience ».
Le locataire avait pourtant fait état d’une amélioration de sa situation professionnelle, déclarant un revenu mensuel de 1 700 à 1 800 euros et affirmant « pouvoir payer le loyer dès le lendemain ». Les parties avaient été autorisées à produire dans un délai de quinze jours « un justificatif de la reprise du paiement du loyer courant ».
Le tribunal constate cependant qu’« aucun document n’est parvenu à la Juridiction dans le cadre du délibéré ». Cette carence probatoire conduit au rejet de la demande de délais. La simple promesse de payer ne saurait se substituer à la preuve effective de la reprise des paiements.
B. L’impossibilité de suspendre les effets d’une clause résolutoire acquise sans preuve de solvabilité
Le tribunal motive son refus en relevant que « la mise en place de délais de paiement est impossible, et ce compte tenu du fait que le loyer courant n’est pas payé (aucune note en délibéré n’ayant été adressée par les parties), et compte tenu de l’importance de la dette ».
Cette double motivation soulève une interrogation quant à l’articulation des critères. La loi pose deux conditions cumulatives : la capacité à régler la dette et la reprise du loyer courant. L’absence de reprise du loyer courant suffit à justifier le rejet, indépendamment de l’appréciation de la capacité de remboursement.
La référence à « l’importance de la dette », passée de 1 564,17 euros au stade du commandement à 5 369,43 euros au jour de l’audience, illustre l’aggravation de la situation du débiteur inactif. Le locataire qui ne reprend pas le paiement du loyer courant voit sa dette croître mécaniquement, rendant toujours plus hypothétique sa capacité future à résorber l’arriéré. Le refus de délais apparaît alors comme la conséquence logique d’une inertie incompatible avec le bénéfice d’une mesure de faveur.