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Le divorce pour altération définitive du lien conjugal, consacré par la loi du 26 mai 2004, permet à un époux d’obtenir la dissolution du mariage lorsque la vie commune a cessé depuis une durée suffisante. Le Tribunal judiciaire de Strasbourg, dans un jugement rendu le 19 juin 2025, statue sur une telle demande et tranche plusieurs questions accessoires relatives aux effets patrimoniaux du divorce.
Une femme et un homme, tous deux de nationalité française, se sont mariés le 22 octobre 2022 à Strasbourg. Leur séparation est intervenue postérieurement. L’épouse a déposé une demande en divorce le 22 avril 2024, assortie d’une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux. L’époux a formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts ainsi qu’une demande au titre des frais irrépétibles.
Le tribunal devait déterminer si les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal étaient réunies, fixer la date des effets du divorce entre les époux quant à leurs biens, et statuer sur les demandes indemnitaires et de frais présentées par l’époux.
Le Tribunal judiciaire de Strasbourg prononce le divorce pour altération définitive du lien conjugal. Il ordonne le report des effets du divorce entre les époux quant à leurs biens au 18 septembre 2023. Il rejette la demande de dommages-intérêts de l’époux ainsi que sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Chaque partie est condamnée aux dépens qu’elle a engagés.
Cette décision illustre le régime du divorce pour altération définitive du lien conjugal dans ses conditions de prononcé (I) et révèle l’appréciation stricte des demandes accessoires formées par l’époux défendeur (II).
I. Le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal
Le tribunal retient le fondement de l’altération définitive du lien conjugal (A) et procède au report de la date des effets patrimoniaux du divorce (B).
A. La caractérisation de l’altération définitive du lien conjugal
Le divorce pour altération définitive du lien conjugal est prévu par l’article 237 du code civil. Ce texte dispose que le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré. L’article 238 du même code précise que cette altération résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce.
En l’espèce, le mariage a été célébré le 22 octobre 2022. La demande en divorce a été introduite le 22 avril 2024. Le tribunal prononce le divorce sur ce fondement, ce qui suppose que la cessation de la communauté de vie était établie depuis au moins un an à la date de la demande. La durée exigée par la loi est donc respectée.
Ce cas de divorce se distingue des autres causes de divorce par son caractère objectif. Le juge n’a pas à rechercher l’existence de fautes imputables à l’un ou l’autre des époux. Il constate simplement la réalité et la durée de la séparation. Cette approche traduit la volonté du législateur de permettre la dissolution du mariage lorsque l’union a perdu sa substance, indépendamment de toute considération sur les responsabilités respectives des époux.
Le tribunal, après avoir vérifié sa compétence internationale et l’applicabilité de la loi française, prononce donc le divorce conformément aux exigences légales. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui admet le divorce pour altération définitive du lien conjugal dès lors que les conditions de délai sont satisfaites.
B. Le report de la date des effets patrimoniaux du divorce
Le tribunal ordonne le report des effets du divorce entre les époux quant à leurs biens au 18 septembre 2023. Cette décision s’appuie sur les dispositions de l’article 262-1 du code civil.
Cet article prévoit que le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date de l’ordonnance de non-conciliation. Toutefois, l’un ou l’autre des époux peut demander que les effets du jugement soient reportés à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Le juge apprécie souverainement cette demande.
La date retenue du 18 septembre 2023 correspond vraisemblablement au moment où la vie commune a effectivement pris fin. Ce report permet de cristalliser la composition des patrimoines à une date antérieure au jugement. Les acquisitions et les dettes contractées postérieurement à cette date relèvent alors du patrimoine propre de chaque époux.
L’intérêt pratique de ce mécanisme est considérable. Il évite que l’un des époux soit tenu des engagements financiers pris par l’autre pendant la période séparant la fin de la vie commune du prononcé du divorce. Il préserve également chaque époux des conséquences patrimoniales d’actes accomplis unilatéralement par son conjoint après la rupture effective.
Le choix de cette date par le tribunal traduit une application classique du pouvoir d’appréciation conféré au juge par l’article 262-1 du code civil. La jurisprudence retient généralement comme critères déterminants la cessation effective de la cohabitation et l’absence de collaboration économique entre les époux.
II. Le rejet des demandes accessoires de l’époux
Le tribunal écarte la demande de dommages-intérêts formée par l’époux (A) et refuse de lui allouer une indemnité au titre des frais irrépétibles (B).
A. Le rejet de la demande indemnitaire fondée sur l’article 266 du code civil
L’époux avait formé une demande de dommages-intérêts. Cette demande reposait vraisemblablement sur les dispositions de l’article 266 du code civil, qui permet à un époux de solliciter des dommages-intérêts lorsque la dissolution du mariage lui cause des conséquences d’une particulière gravité.
Le tribunal rejette cette demande. Ce rejet s’explique par les conditions restrictives posées par le texte. L’article 266 du code civil exige en effet que l’époux demandeur soit défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute exclusive de son conjoint. Il doit en outre démontrer que la dissolution du mariage entraîne pour lui des conséquences d’une particulière gravité.
La jurisprudence interprète strictement ces conditions. Les conséquences d’une particulière gravité doivent être distinctes de celles résultant normalement de tout divorce. Il peut s’agir par exemple de la perte d’un statut social particulier, de l’atteinte portée à un projet de vie commun ou de circonstances exceptionnelles liées à l’âge ou à l’état de santé du conjoint délaissé.
En l’espèce, l’époux n’a manifestement pas rapporté la preuve de telles conséquences. Le mariage avait duré moins de deux ans avant la séparation effective. Cette brièveté de l’union rendait plus difficile la démonstration d’un préjudice d’une particulière gravité lié à sa dissolution.
Le rejet de cette demande confirme l’orientation jurisprudentielle consistant à réserver l’indemnisation de l’article 266 du code civil aux situations véritablement exceptionnelles. Le simple fait d’être défendeur à une procédure de divorce ne suffit pas à caractériser un préjudice indemnisable sur ce fondement.
B. Le refus d’allocation d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Le tribunal déboute également l’époux de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Cette disposition permet au juge de condamner la partie perdante à verser à l’autre partie une somme destinée à couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens.
Le rejet de cette demande s’inscrit dans le pouvoir souverain d’appréciation du juge. L’article 700 du code de procédure civile dispose en effet que le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. L’allocation d’une telle indemnité n’est donc pas automatique.
En matière de divorce, les juridictions font preuve d’une particulière prudence dans l’application de ce texte. L’échec d’un mariage ne saurait être systématiquement mis à la charge exclusive de l’un des époux au plan des frais de procédure. Le partage des dépens décidé par le tribunal, chaque partie supportant les siens, traduit cette approche équilibrée.
Le refus opposé à l’époux se justifie d’autant plus qu’il succombait dans ses demandes reconventionnelles. La demande de dommages-intérêts ayant été rejetée, il n’était pas fondé à solliciter la prise en charge de ses frais par son adversaire. L’équité commandait au contraire que chaque partie assume les conséquences financières de sa stratégie procédurale.
Cette répartition des charges processuelles reflète la nature particulière du contentieux familial. Le divorce n’oppose pas un gagnant à un perdant au sens classique du terme. Il consacre la fin d’une union dont les deux époux portent généralement, à des degrés divers, la responsabilité. La décision du tribunal traduit cette réalité en évitant de stigmatiser l’une des parties par une condamnation aux frais.