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Le bail d’habitation confère au locataire un droit au maintien dans les lieux qui ne saurait perdurer lorsque celui-ci manque à son obligation essentielle de paiement du loyer. Le mécanisme de la clause résolutoire, strictement encadré par le législateur, permet alors au bailleur de mettre fin au contrat, sous réserve du respect d’un formalisme protecteur du preneur.
Le Tribunal de proximité de Haguenau a rendu, le 19 juin 2025, une décision relative à la résiliation d’un bail d’habitation pour défaut de paiement des loyers et à ses conséquences.
Un bailleur a consenti, par contrat du 1er décembre 2018, la location d’un logement moyennant un loyer mensuel de 450 euros outre 50 euros de provisions sur charges. Le locataire ayant cessé tout règlement depuis octobre 2022, le bailleur lui a fait signifier, le 5 août 2024, un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail, pour une somme de 4 500 euros. Ce commandement demeurant sans effet, le bailleur a assigné le preneur le 29 janvier 2025 devant le Juge des contentieux de la protection.
En première instance, le demandeur sollicitait le constat de la résiliation de plein droit du bail, l’expulsion du défendeur assortie d’une astreinte, la condamnation de ce dernier au paiement des arriérés locatifs et d’une indemnité d’occupation mensuelle. Le locataire, comparant personnellement, invoquait la perte de son emploi, ses charges familiales et l’insalubrité prétendue du logement, sans formuler toutefois de demande reconventionnelle ni produire d’élément probant à l’appui de cette dernière allégation.
Le tribunal devait déterminer si les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies et, dans l’affirmative, quelles conséquences en tirer quant à l’occupation des lieux et à la créance du bailleur.
Le juge a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 6 octobre 2024, soit deux mois après le commandement de payer. Il a condamné le locataire au paiement de la somme de 5 461 euros au titre des arriérés, fixé une indemnité d’occupation égale au montant du loyer charges comprises et ordonné l’expulsion à défaut de libération volontaire dans les deux mois suivant le commandement de quitter les lieux, sans astreinte.
Cette décision illustre le jeu de la clause résolutoire dans le bail d’habitation, mécanisme encadré par des conditions strictes dont la réunion emporte des conséquences rigoureuses (I). Elle révèle également les limites des moyens de défense du locataire défaillant face à une demande d’expulsion (II).
I. Le mécanisme de la clause résolutoire : un formalisme protecteur aux effets automatiques
Le tribunal rappelle les conditions d’acquisition de la clause résolutoire (A) avant d’en tirer les conséquences sur le plan de l’expulsion et de la créance locative (B).
A. Les conditions d’acquisition de la clause résolutoire
L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 subordonne l’efficacité de la clause résolutoire pour défaut de paiement à la délivrance préalable d’un commandement de payer demeuré infructueux pendant six semaines. Le jugement relève que le commandement du 5 août 2024, délivré pour une somme « au moins égale au montant convenu pour l’application de la clause résolutoire », comportait les mentions prescrites par la loi et visait un délai conforme aux stipulations contractuelles.
Le tribunal vérifie également le respect de l’obligation de notification au préfet imposée par le même texte. L’assignation avait été transmise à la préfecture « par transmission électronique EXPLOC du 29 janvier 2025, soit plus de six semaines avant la date de la première audience ». Cette formalité, destinée à permettre l’intervention des services sociaux, conditionne la recevabilité de la demande en résiliation.
Le défendeur n’ayant « pas justifié avoir donné totalement suite à ce commandement dans les deux mois », le tribunal constate que la clause résolutoire est acquise au 6 octobre 2024. La juridiction applique ainsi mécaniquement les dispositions légales : une fois le formalisme respecté et le délai écoulé sans régularisation, la résiliation s’opère de plein droit.
B. Les conséquences de l’acquisition de la clause résolutoire
Le constat de la résiliation emporte plusieurs conséquences que le jugement détaille avec précision. Le locataire devient occupant sans droit ni titre, ce qui justifie l’ordre d’expulsion. Le tribunal autorise le bailleur à faire procéder à cette mesure « ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef au besoin en utilisant le concours de la force publique ».
Le juge refuse toutefois l’astreinte sollicitée, estimant que « le recours à la force publique étant en soi suffisamment coercitif, il n’y a pas lieu à condamnation à une astreinte ». Cette position traduit le souci de proportionner les mesures de contrainte à ce qui est strictement nécessaire à l’exécution de la décision.
L’occupation postérieure à la résiliation cause au bailleur un préjudice réparé par une indemnité d’occupation dont le montant est fixé « à celui des loyers et charges éventuellement révisés, qui auraient été dus, si le bail s’était poursuivi normalement ». Cette indemnité, qui se substitue au loyer, court « du jour de la résiliation à celui de l’évacuation complète des lieux, caractérisée par la remise des clés ». Le locataire est également condamné au paiement des arriérés arrêtés à 5 461 euros, avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance.
II. L’insuffisance des moyens de défense du locataire défaillant
Le locataire a tenté d’invoquer tant sa situation personnelle difficile (A) que l’état du logement (B), sans parvenir à faire obstacle à la demande du bailleur.
A. L’inopérance des difficultés personnelles du locataire
Le défendeur a fait valoir avoir perdu son emploi, être privé de permis de conduire, avoir un enfant à charge et devoir régler une pension alimentaire. Ces circonstances, aussi réelles soient-elles, ne constituent pas un obstacle juridique à l’acquisition de la clause résolutoire ni à l’expulsion qui en découle.
Le jugement ne mentionne pas de demande de délais de paiement au titre de l’article 24 de la loi de 1989, lequel permet au juge de suspendre les effets de la clause résolutoire et d’accorder des délais de paiement si le locataire est en situation de régler sa dette dans un délai maximal de trois ans. L’absence de toute régularisation depuis octobre 2022, soit près de trois années d’impayés, rendait sans doute illusoire l’octroi de tels délais.
La préfecture avait pourtant transmis au tribunal « un bilan social relatif à la situation » du locataire, conformément au dispositif de prévention des expulsions. Ce document n’a toutefois pas conduit le juge à suspendre la procédure ou à accorder un sursis. L’ancienneté de l’impayé et l’inertie du débiteur, soulignée par le demandeur qui indiquait qu’aucun paiement n’était intervenu depuis octobre 2022, expliquent cette rigueur.
B. L’inefficacité de l’exception d’insalubrité non étayée
Le locataire a soutenu que « son appartement est insalubre ». L’enquête sociale mentionnait d’ailleurs que « du fait de l’état dégradé de son logement, il a introduit une procédure Histologe ». Cette plateforme numérique permet aux occupants de signaler des situations de mal-logement aux autorités compétentes.
Le tribunal écarte cet argument au motif que « le défendeur ne produit cependant au Tribunal aucun commencement de preuve corroborant ses allégations, tandis qu’il ne formule aucune demande reconventionnelle en lien avec ce grief ». L’exigence probatoire s’impose au locataire qui entend se prévaloir d’un manquement du bailleur à son obligation de délivrance d’un logement décent.
L’absence de demande reconventionnelle prive également le moyen de toute portée utile. Le locataire aurait pu solliciter une réduction du loyer ou une compensation partielle de sa dette avec les préjudices subis du fait de l’insalubrité alléguée. En s’abstenant de formuler une telle demande, il se privait de tout levier contentieux. Cette passivité illustre les difficultés des locataires en situation de précarité à faire valoir efficacement leurs droits, faute d’assistance juridique adaptée ou de connaissance des voies procédurales disponibles.