Tribunal judiciaire de Toulon, le 17 juin 2025, n°25/01201

L’obligation de payer le loyer constitue l’engagement essentiel du preneur dans tout bail d’habitation. La méconnaissance de cette obligation expose le locataire défaillant à la mise en œuvre de la clause résolutoire insérée au contrat, mécanisme redoutable dont l’efficacité n’est plus à démontrer.

Par ordonnance de référé du 17 juin 2025, le Tribunal judiciaire de Toulon s’est prononcé sur l’acquisition d’une telle clause dans un litige opposant une bailleresse à sa locataire. Un bail d’habitation avait été conclu le 11 octobre 2023 pour un appartement situé à Toulon, moyennant un loyer mensuel de 570 euros. À compter du mois d’août 2024, la locataire cessa de régler les loyers dus. La bailleresse lui fit signifier un commandement de payer le 20 décembre 2024, conformément aux exigences légales. Ce commandement fut notifié à la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions Locatives le 24 décembre 2024. La locataire demeura défaillante. Par assignation du 24 février 2025, notifiée au représentant de l’État le 25 février suivant, la bailleresse saisit le juge des référés aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner l’expulsion et condamner la locataire au paiement des sommes dues. La locataire, citée à étude du commissaire de justice, ne comparut pas à l’audience du 6 mai 2025. La question posée au juge des référés était de déterminer si les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies et, dans l’affirmative, d’en tirer les conséquences sur le plan de l’expulsion et de la dette locative. Le tribunal constate que la clause résolutoire a produit ses effets, ordonne l’expulsion et condamne la locataire au paiement d’une provision de 4 030 euros ainsi qu’à une indemnité d’occupation mensuelle de 570 euros.

Cette décision illustre le fonctionnement de la clause résolutoire en matière de bail d’habitation (I) et précise le régime des créances du bailleur postérieurement à la résiliation (II).

I. Le mécanisme de la clause résolutoire en matière de bail d’habitation

Le juge des référés procède à un double contrôle portant sur la régularité de la procédure préalable (A) et sur les conditions de fond permettant de constater l’acquisition de la clause (B).

A. Le contrôle de la régularité procédurale

Le tribunal relève que « la procédure diligentée est régulière pour avoir respecté toutes les exigences de la loi notamment quant à la forme du commandement de payer et de fournir les justificatifs d’assurance ». Cette vérification s’imposait au regard des dispositions de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, qui subordonnent l’efficacité du commandement au respect de mentions obligatoires.

Le juge constate également la notification du commandement à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, ainsi que la signification de l’assignation au représentant de l’État « six semaines au moins avant l’audience pour permettre de saisir les organismes sociaux et les services compétents ». Ces formalités, instituées pour favoriser le relogement des locataires défaillants et prévenir les expulsions, constituent des conditions de recevabilité de l’action. Leur respect témoigne de l’attention portée par le législateur à la dimension sociale du contentieux locatif.

B. Les conditions de fond de l’acquisition

Le juge relève que « malgré le rappel de façon claire et légale de la clause résolutoire prévue au bail en son article XI faisant la loi des parties et de ses conséquences graves », la locataire « n’a pas apuré l’intégralité de la dette dans les délais impartis ni sollicité de délai par les voies légales ». Cette formulation rappelle que le commandement de payer doit reproduire la clause résolutoire et avertir le preneur des conséquences du défaut de paiement.

Le délai de deux mois prévu à l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 s’étant écoulé sans régularisation, le tribunal n’avait d’autre choix que de constater l’acquisition de la clause. La décision précise que la locataire n’a pas davantage comparu à l’audience pour solliciter des délais de paiement. Le juge des référés dispose certes du pouvoir de suspendre les effets de la clause en accordant des délais, mais encore faut-il que le débiteur en fasse la demande et justifie de sa situation. L’absence de comparution prive le locataire de toute possibilité de bénéficier d’une mesure de clémence.

II. Le régime des créances du bailleur après résiliation

La résiliation du bail emporte des conséquences sur la dette locative antérieure (A) et sur l’indemnisation du bailleur pour la période d’occupation postérieure (B).

A. La liquidation provisionnelle de la dette locative

Le tribunal condamne la locataire à payer « la somme provisionnelle de 4 030 euros » correspondant aux arriérés de loyers et charges. Cette somme résulte d’un décompte actualisé tenant compte des « remboursements partiels déjà perçus par le bailleur pour un montant total de 1 110 euros ». Le juge précise que « seuls les termes locatifs impayés ont vocation à composer la dette locative », excluant ainsi toute somme étrangère au loyer stricto sensu.

Le caractère provisionnel de cette condamnation s’explique par la nature du référé, qui ne tranche pas le fond du litige. Le bailleur conserve la faculté de saisir le juge du fond pour obtenir une condamnation définitive. Les intérêts courent « à compter de la date de signification de la présente ordonnance », conformément à l’article 1231-7 du Code civil. Cette solution, classique en matière de créances indemnitaires, diffère du régime des créances contractuelles pour lesquelles les intérêts peuvent courir dès la mise en demeure.

B. La nature de l’indemnité d’occupation

Le tribunal fixe une « indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et charges comprises » et précise qu’elle est « non indexée s’agissant d’une créance indemnitaire et non contractuelle ». Cette qualification revêt une importance pratique considérable. L’indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer après résiliation du bail, répare le préjudice subi par le bailleur du fait du maintien dans les lieux d’un occupant sans titre.

Le refus d’appliquer l’indexation contractuelle découle logiquement de cette qualification. Le bail étant résilié, ses stipulations, notamment la clause d’indexation, cessent de produire effet. L’indemnité d’occupation est due « jusqu’à libération complète des lieux par la remise des clés », ce qui inclut non seulement le départ physique de l’occupant mais également la restitution matérielle des clés. Cette précision évite toute contestation sur le terme de l’obligation indemnitaire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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