Tribunal judiciaire de Toulouse, le 13 juin 2025, n°25/00968

La présente ordonnance, rendue le 13 juin 2025 par le juge des libertés et de la détention délégué au tribunal judiciaire de Toulouse, statue sur le maintien d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement décidée par le représentant de l’État. Cette décision s’inscrit dans le cadre du contrôle juridictionnel obligatoire des hospitalisations sous contrainte, mécanisme fondamental de protection des libertés individuelles.

Un homme, né le 14 février 1990, a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 5 juin 2025, sur décision préfectorale. Cette admission a été ordonnée selon la procédure applicable aux personnes détenues, en raison d’un état d’inadaptation à la réalité et d’une réticence marquée envers toute thérapeutique sédative. Le préfet de la Haute-Garonne a saisi le juge par requête du 12 juin 2025 aux fins de contrôle de la mesure.

L’intéressé, qui a refusé de comparaître, était représenté par un avocat. Le procureur de la République a transmis ses réquisitions écrites. L’audience s’est tenue publiquement à l’hôpital, conformément aux conventions passées avec l’Agence régionale de santé.

La question posée au juge était celle de savoir si les conditions légales justifiant le maintien de l’hospitalisation complète sous contrainte demeuraient réunies, tant sur le plan procédural que sur le fond médical.

Le juge a constaté la régularité de la procédure et autorisé la poursuite de l’hospitalisation complète. Il a fondé sa décision sur l’avis médical du 11 juin 2025 faisant état d’une irritabilité, d’un discours persécutoire, d’une impulsivité et d’une humeur triste nécessitant une surveillance constante.

Le contrôle juridictionnel des soins psychiatriques sans consentement constitue une garantie essentielle des libertés individuelles (I), dont la mise en œuvre repose sur une appréciation médicale encadrée par des exigences procédurales strictes (II).

I. Le contrôle juridictionnel, garantie fondamentale de la liberté individuelle

Ce contrôle s’exerce dans un cadre légal précisément défini (A) et implique une vérification rigoureuse de la régularité procédurale (B).

A. Le cadre légal du contrôle des hospitalisations sous contrainte

La loi du 5 juillet 2011 a profondément modifié le régime des soins psychiatriques sans consentement en instituant un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention. Cette réforme répondait aux exigences constitutionnelles posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 novembre 2010, qui avait censuré l’absence d’intervention du juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution.

L’ordonnance commentée s’inscrit précisément dans ce dispositif. Le juge rappelle expressément le fondement textuel de son intervention en visant « les articles L3211-12 et suivants et R3211-7 et suivants du Code de la Santé Publique ». Cette référence traduit la nature hybride de la procédure, qui relève à la fois du contentieux administratif quant à la décision initiale du préfet et du contentieux judiciaire quant au contrôle de la privation de liberté.

La particularité de l’espèce tient à ce que la mesure a été ordonnée selon les articles R.6111-40-5 et L3214-3 du Code de la santé publique, applicables aux personnes détenues. Ce régime dérogatoire impose des contraintes supplémentaires tenant à la coordination entre l’administration pénitentiaire et les autorités sanitaires. Le juge ne souligne pas cette spécificité dans sa motivation, se bornant à constater l’applicabilité de ces textes. Cette économie de moyens peut se comprendre dès lors que la régularité n’était pas contestée.

B. La vérification de la régularité procédurale

L’ordonnance constate de manière lapidaire que « les dispositions légales ont été respectées ». Cette formule standardisée dissimule en réalité un contrôle portant sur de nombreux éléments : respect des délais de saisine du juge, production des certificats médicaux requis, information de l’intéressé sur ses droits, notification des décisions préfectorales.

La convocation régulière de l’intéressé et de son avocat est expressément mentionnée. Le refus de comparaître de la personne hospitalisée n’affecte pas la régularité de la procédure dès lors qu’elle a été dûment convoquée et qu’elle bénéficie de l’assistance d’un conseil. L’ordonnance précise que le juge statue « contradictoirement », ce qui suppose que les droits de la défense ont été respectés malgré l’absence physique de l’intéressé.

La tenue de l’audience au sein même de l’établissement hospitalier, « conformément à la convention signée avec l’A.R.S. », illustre les aménagements pratiques rendus nécessaires par la nature de ce contentieux. Cette délocalisation vise à faciliter la comparution des personnes hospitalisées tout en préservant le caractère public des débats. L’ordonnance mentionne expressément que le juge statue « en audience publique », garantie procédurale fondamentale.

II. L’appréciation médicale au fondement de la décision judiciaire

Cette appréciation repose sur des critères médicaux précisément définis (A), dont l’examen conduit à s’interroger sur l’étendue du contrôle juridictionnel (B).

A. Les critères médicaux justifiant le maintien de la mesure

Le juge fonde sa décision sur l’avis médical du 11 juin 2025, dont il reprend les termes. Ce document fait état d’une « irritabilité », d’un « discours à tonalité persécutoire sur des éléments de son passé », d’une « impulsivité et une désinhibition comportementale » ainsi que d’une « humeur triste ». Ces éléments cliniques caractérisent un tableau psychopathologique justifiant, selon les médecins, la poursuite des soins sous contrainte.

L’ordonnance ajoute que « les soins et les conditions du service semblent permettre une amélioration progressive de son état ». Cette mention est ambivalente. D’un côté, elle suggère l’efficacité du traitement en cours. De l’autre, elle pourrait laisser penser que l’état du patient s’améliore, ce qui interroge sur la nécessité de maintenir une hospitalisation complète plutôt qu’une forme de prise en charge moins contraignante.

Le juge conclut que « les conditions apparaissent en l’état réunies » pour la poursuite de l’hospitalisation, les troubles nécessitant « une surveillance constante » et constituant « un danger pour le patient ou pour autrui ». Cette formulation reprend les critères légaux de l’article L.3212-1 du Code de la santé publique, transposés aux hospitalisations sur décision du représentant de l’État.

B. L’étendue et les limites du contrôle juridictionnel

La motivation de l’ordonnance soulève la question de l’intensité du contrôle exercé par le juge sur les appréciations médicales. En l’espèce, le juge reprend pour l’essentiel les conclusions de l’avis médical sans manifester de distance critique. Cette approche peut s’expliquer par la technicité des questions psychiatriques, qui échappe à la compétence du magistrat.

Le juge des libertés et de la détention n’est pas un médecin. Son office consiste à vérifier que les conditions légales sont réunies et que la mesure demeure proportionnée à l’état de santé de l’intéressé. Il dispose néanmoins du pouvoir d’ordonner une expertise ou de solliciter des explications complémentaires lorsque les éléments produits lui paraissent insuffisants.

L’ordonnance commentée ne révèle pas l’existence d’un débat contradictoire sur le fond médical. L’avocat de l’intéressé était présent, mais l’ordonnance ne mentionne pas ses observations éventuelles. Cette absence peut résulter d’une stratégie de défense ou traduire une acceptation de fait de la mesure. Elle peut également refléter les difficultés pratiques de la défense dans ce type de contentieux, caractérisé par des délais très brefs et une technicité médicale importante.

La portée de cette décision demeure limitée à l’espèce. Elle ne constitue pas un arrêt de principe susceptible de faire évoluer le droit positif. Elle illustre toutefois le fonctionnement quotidien du contrôle juridictionnel des hospitalisations sous contrainte, dispositif issu de la loi du 5 juillet 2011 et désormais bien ancré dans les pratiques judiciaires. Ce mécanisme de protection des libertés individuelles repose sur un équilibre délicat entre nécessité thérapeutique et respect des droits fondamentaux, équilibre que le juge doit préserver à chaque décision.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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