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L’ordonnance rendue le 15 juin 2025 par le vice-président du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en matière de rétention administrative illustre le contentieux récurrent de la prolongation du maintien en centre de rétention. Un ressortissant ivoirien, né le 27 juillet 2000, avait été placé en rétention le 17 mai 2025 à sa libération du centre pénitentiaire où il purgeait une peine pour conduite malgré annulation du permis et récidive de conduite en état d’ivresse. L’intéressé faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d’une interdiction de retour de deux ans prise le 17 juillet 2024. Une première prolongation avait été ordonnée le 21 mai 2025 puis confirmée en appel le 23 mai 2025. Le préfet sollicitait une seconde prolongation de trente jours. Le retenu contestait cette demande par l’intermédiaire de son conseil. Le juge devait déterminer si les conditions légales autorisant une nouvelle prolongation de la rétention administrative étaient réunies. Le vice-président ordonne la prolongation pour trente jours, retenant que l’administration avait accompli les diligences nécessaires et qu’un éloignement demeurait raisonnablement envisageable à bref délai.
Cette décision appelle une analyse des conditions de fond justifiant la seconde prolongation (I), avant d’examiner l’appréciation portée sur les diligences administratives et les perspectives d’éloignement (II).
I. Les conditions légales de la seconde prolongation de rétention
Le juge des libertés et de la détention dispose d’un cadre normatif strict pour autoriser une nouvelle prolongation (A), dont l’application au cas d’espèce révèle une appréciation classique des critères légaux (B).
A. Le cadre normatif encadrant la prolongation au-delà de vingt-six jours
L’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énumère limitativement les hypothèses permettant au juge d’ordonner une seconde prolongation. Le texte distingue deux séries de situations. La première vise « l’urgence absolue ou la menace d’une particulière gravité pour l’ordre public » ainsi que les cas où l’impossibilité d’exécuter l’éloignement résulte du comportement de l’étranger : perte ou destruction des documents de voyage, dissimulation d’identité, obstruction volontaire. La seconde hypothèse concerne les situations où, « malgré les diligences de l’administration », l’éloignement n’a pu intervenir en raison du défaut de délivrance des documents par le consulat ou de l’absence de moyens de transport.
Le législateur a ainsi entendu concilier deux impératifs. D’une part, la privation de liberté que constitue la rétention ne saurait se prolonger indéfiniment. D’autre part, l’effectivité des mesures d’éloignement suppose parfois des délais incompressibles tenant à la coopération consulaire. L’article L. 741-3 du même code rappelle à cet égard qu’« un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ » et que « l’administration exerce toute diligence à cet effet ».
B. L’application des critères légaux en l’espèce
Le vice-président du tribunal judiciaire de Toulouse retient en l’espèce la menace pour l’ordre public. L’ordonnance relève que l’intéressé est « fiché à 7 reprises au TAJ, défavorablement connu par les services de police et condamné à 5 reprises par la justice française ». La dernière condamnation portait sur des faits de conduite malgré annulation judiciaire du permis et récidive de conduite en état d’ivresse, auxquels s’ajoutait la révocation d’un sursis probatoire prononcé pour menace de mort réitérée sur conjoint.
Le juge constate également l’absence de garanties de représentation suffisantes. L’ordonnance souligne que l’intéressé « ne dispose pas de passeport en cours de validité ». Cette circonstance objective, combinée aux antécédents judiciaires, justifie selon le juge le maintien en rétention plutôt que l’assignation à résidence. La motivation demeure concise mais répond aux exigences textuelles. Elle s’inscrit dans une jurisprudence constante qui admet que le passé pénal et l’absence de documents d’identité caractérisent un risque de soustraction à la mesure d’éloignement.
II. L’appréciation des diligences administratives et des perspectives d’éloignement
L’ordonnance examine les démarches accomplies par l’autorité préfectorale (A) et en déduit l’existence de perspectives raisonnables d’éloignement à bref délai (B).
A. Le contrôle des diligences préfectorales
Le juge des libertés et de la détention exerce un contrôle effectif sur les diligences de l’administration. L’article L. 741-3 impose en effet que celle-ci fasse preuve de célérité dans l’exécution de la mesure d’éloignement. En l’espèce, l’ordonnance détaille la chronologie des démarches entreprises. L’unité centrale d’identification avait été saisie dès les 9 et 12 mai 2025, avant même la libération du retenu, pour obtenir un laissez-passer auprès des autorités consulaires ivoiriennes. Une relance était intervenue le 19 mai 2025, puis une nouvelle le 10 juin 2025.
Cette précision chronologique n’est pas fortuite. Elle permet au juge de constater que l’administration n’est pas restée inactive pendant la première période de prolongation. L’ordonnance relève que l’autorité préfectorale « justifie avoir effectué, pendant la première période de prolongation de la rétention administrative, les démarches nécessaires pour déterminer l’identité et la nationalité exactes de l’intéressé et pour obtenir un laissez-passer ». La formulation traduit un contrôle de la réalité des diligences accomplies.
Le juge vérifie ainsi que la prolongation ne sanctionne pas une carence administrative. Cette exigence découle de la nature même de la rétention qui, privative de liberté, ne saurait compenser l’inaction des services préfectoraux. La Cour de cassation censure régulièrement les ordonnances de prolongation lorsque l’administration n’établit pas avoir accompli les diligences nécessaires.
B. Les perspectives raisonnables d’éloignement à bref délai
L’ordonnance retient qu’« un éloignement de l’intéressé à bref délai » demeure « raisonnablement envisageable ». Cette appréciation repose sur un élément déterminant : l’unité centrale d’identification avait indiqué que le dossier était « en cours de traitement auprès des autorités consulaires ivoiriennes, avec une perspective de réponse de celles-ci le 16 juin 2025 ». L’audience se tenant le 15 juin 2025, le juge disposait d’un horizon temporel précis.
Cette motivation soulève toutefois une interrogation. Le caractère envisageable de l’éloignement repose sur une simple perspective de réponse consulaire, non sur la certitude de délivrance du laissez-passer. L’ordonnance ne précise pas si les autorités ivoiriennes ont manifesté une disposition favorable. La jurisprudence admet néanmoins que de telles perspectives suffisent dès lors qu’elles présentent un caractère sérieux et non purement hypothétique.
La prolongation accordée est de trente jours, soit le maximum prévu par l’article L. 742-5 pour cette seconde période. Le juge n’use pas de la faculté de moduler cette durée. Ce choix s’explique vraisemblablement par l’incertitude inhérente aux délais de réponse consulaire. La mention d’une perspective de réponse le 16 juin 2025 suggère que l’administration pourrait obtenir rapidement le document de voyage. Dans cette hypothèse, la rétention prendrait fin avant l’expiration du délai de trente jours conformément au principe selon lequel le maintien ne peut excéder le temps strictement nécessaire à l’éloignement.