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Par un jugement en date du 16 juin 2025, le pôle social du Tribunal judiciaire de Toulouse s’est prononcé sur une opposition à contrainte formée par un cotisant contre une décision de recouvrement émanant d’un organisme de sécurité sociale.
Les faits de l’espèce peuvent être résumés comme suit. Un organisme de recouvrement des cotisations sociales a émis, le 28 août 2024, une contrainte à l’encontre d’un cotisant pour un montant de 8 642 euros. Cette somme correspondait à des cotisations et majorations de retard au titre du premier trimestre 2021 et du quatrième trimestre 2024. La contrainte a été signifiée au débiteur le 29 août 2024.
S’agissant de la procédure, le cotisant a formé opposition à cette contrainte par lettre recommandée du 13 septembre 2024. L’affaire a été inscrite au rôle du pôle social du Tribunal judiciaire de Toulouse. Toutefois, par courrier du 19 mai 2025, l’organisme demandeur a déclaré se désister de l’instance. Cette volonté a été réitérée à l’audience du 16 juin 2025 par le conseil de l’organisme. Le défendeur, quant à lui, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
La question de droit soumise au tribunal était la suivante : quelles sont les conséquences procédurales et financières du désistement d’instance formé par le demandeur, en l’absence de manifestation de volonté du défendeur ?
Le Tribunal judiciaire de Toulouse a constaté le désistement d’instance, s’est dessaisi de la procédure et a condamné l’organisme demandeur aux dépens, en application de l’article 399 du Code de procédure civile.
Cette décision invite à examiner successivement les conditions du désistement d’instance unilatéral (I), puis les effets attachés à ce désistement sur le plan procédural et financier (II).
I. Les conditions du désistement d’instance unilatéral
Le tribunal s’est d’abord prononcé sur la recevabilité du désistement formé par l’organisme demandeur (A), avant de préciser les circonstances dans lesquelles l’acceptation du défendeur n’est pas requise (B).
A. La manifestation non équivoque de la volonté de se désister
Le désistement d’instance constitue un acte unilatéral par lequel le demandeur renonce à poursuivre l’instance qu’il a engagée. En l’espèce, l’organisme de recouvrement a exprimé cette volonté à deux reprises. Il l’a d’abord formalisée par un courrier adressé au tribunal le 19 mai 2025. Il l’a ensuite confirmée à l’audience du 16 juin 2025, par la voix de son conseil.
Cette double manifestation ne laisse subsister aucun doute sur la volonté de l’organisme d’abandonner la procédure. Le tribunal relève expressément ces deux éléments dans ses motifs, ce qui témoigne du soin apporté à vérifier le caractère non équivoque du désistement. La jurisprudence exige en effet que cette volonté soit certaine et dépourvue d’ambiguïté pour produire ses effets.
Le désistement se distingue ainsi du simple retrait d’une demande accessoire ou de la renonciation à un moyen de défense. Il emporte abandon de l’ensemble de l’instance pendante devant la juridiction saisie. En l’occurrence, la contrainte qui fondait l’action de l’organisme cesse de faire l’objet d’un débat judiciaire.
B. L’absence d’exigence d’acceptation en cas de défaut du défendeur
L’article 395 du Code de procédure civile pose le principe selon lequel le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur, lorsque celui-ci a présenté des défenses au fond. Cette règle vise à protéger le défendeur qui pourrait avoir intérêt à obtenir une décision sur le fond, notamment pour bénéficier de l’autorité de la chose jugée.
En l’espèce, le tribunal relève que le défendeur « non comparant, ni représenté » n’a pas participé à l’instance. Cette absence emporte une conséquence procédurale importante. N’ayant présenté aucune défense, le cotisant ne peut se prévaloir d’un intérêt légitime à s’opposer au désistement. Le tribunal peut donc constater le désistement sans rechercher une acceptation qui, dans les faits, ne pouvait être recueillie.
Cette solution s’inscrit dans la logique de l’article 396 du Code de procédure civile, qui prévoit que le désistement est parfait sans acceptation lorsque le défendeur n’a présenté aucune défense. Le silence du cotisant, combiné à son absence à l’audience, a permis au tribunal de prononcer le dessaisissement immédiat de la juridiction.
II. Les effets du désistement sur l’instance et les frais
Le désistement constaté par le tribunal emporte l’extinction de l’instance (A), tout en laissant subsister des conséquences financières à la charge de l’auteur du désistement (B).
A. L’extinction de l’instance sans autorité de chose jugée
Le désistement d’instance se distingue du désistement d’action. Le premier éteint uniquement l’instance en cours, tandis que le second emporte renonciation au droit d’agir lui-même. En l’espèce, le tribunal a « constat[é] le désistement d’instance » et s’est « dessaisi de la procédure ». Ces termes confirment qu’il s’agit d’un désistement d’instance.
La contrainte litigieuse n’est donc pas annulée par ce jugement. Elle n’est pas davantage validée. L’organisme de recouvrement conserve théoriquement la possibilité de reprendre des poursuites ultérieurement, sous réserve des règles de prescription. Le cotisant, quant à lui, ne bénéficie d’aucune décision sur le fond qui pourrait lui être opposable.
Cette solution présente un intérêt pratique certain pour l’organisme. Elle lui permet de mettre fin à une procédure sans subir les conséquences d’un rejet de sa demande. Le silence du jugement sur les motifs ayant conduit l’organisme à se désister laisse supposer un règlement amiable ou une régularisation de la situation du cotisant. Toutefois, cette hypothèse demeure une simple conjecture en l’absence d’éléments factuels.
B. La charge des dépens imposée à l’auteur du désistement
Le tribunal a fait application de l’article 399 du Code de procédure civile, aux termes duquel « le désistement emporte, sauf convention contraire, obligation de payer les frais de l’instance éteinte ». Cette règle constitue la contrepartie logique du droit de se désister librement. Celui qui abandonne une procédure qu’il a initiée doit assumer les frais qu’elle a engendrés.
En l’espèce, le tribunal relève l’« absence d’allégation de convention contraire et licite ». Cette formulation mérite attention. Elle suggère que les parties auraient pu convenir d’une répartition différente des frais. Une telle convention aurait pu s’inscrire dans le cadre d’un accord transactionnel. L’absence de comparution du défendeur et le silence sur tout arrangement entre les parties excluent cependant cette hypothèse.
La condamnation de l’organisme aux dépens présente une portée limitée dans le contentieux de la sécurité sociale. Les frais de cette nature sont généralement modestes devant les juridictions sociales. Elle revêt néanmoins une signification symbolique. L’organisme qui engage une procédure de recouvrement puis y renonce assume les conséquences de sa décision initiale. Cette règle incite les créanciers institutionnels à n’engager des poursuites qu’après avoir vérifié le bien-fondé et l’opportunité de leur action.